Si vous êtes plutôt versé dans la finance, cliquez sur cet obo-ci.

Si vous êtes branché et assoiffé, votre obo se trouve là.

Mais si (les trois options ne sont d’ailleurs pas exclusives les unes des autres) vous êtes enclin(e) à respecter la mémoire des défunts, a fortiori en cette période de Toussaint et de Fête des morts, votre obo sera plus ceci :

Les obos sont des tas de pierres qui jalonnent les routes chez les peuples de l’Altaï (de l’Asie centrale à la Mongolie extérieure), plus ou moins liés au chamanisme et surtout plus anciens que lui. Un obo (ici une photo que j’ai prise il y a une vingtaine d’années, en marge d’une mission aux Archives nationales de Mongolie, peu après le départ des soviets, à la fonte des neiges) rassemble les pierres jetées en sacrifice là où les esprits d’un lieu sont censés résider et veiller sur les défunts. La coutume veut que tout voyageur qui passe devant un obo s’y arrête, en fasse trois fois le tour dans le sens des aiguilles d’une montre et jette son propre caillou pour entretenir le monument et saluer la mémoire des anciens. On peut même lui envoyer une giclée d’aïrak ou de vodka (ou à défaut, d’obo), au moment où l’on en prend soi-même une gorgée pour se réchauffer (ou se désaltérer).

Cette image d’amoncellement pyramidal me rappelle quelque chose…

Ah oui !

La ressemblance est ténue mais le parallèle laisse à penser.

Les habitudes qui deviennent des coutumes sont respectables, si elles ont un sens… Quel est le sens de l’empilage systématique de feuilles de papier (autrement dit de documents dès lors qu’elles ne sont pas vierges) sinon une noyade inconsciente par négligence ? Dans la plupart des bureaux, on empile machinalement tout et n’importe quoi, on laisse s’empiler (le tas appelle le tas), sans respect du lieu, de la mémoire des personnes concernées, de la continuité des choses et, finalement, sans respect de soi-même.

Alors que l’on pourrait, sans que cela prenne plus de temps (le temps est précieux, bien sûr), juste en faisant un peu attention à ce qu’on fait, construire pierre à pierre (i.e. document à document, document engageant à document de savoir) un « monument » qui ait du sens, une construction qui porte la mémoire et la continuité de qu’on fait et de ce qu’on est, échafaudé au travers d’une série de gestes individuels d’observance et de contribution à la communauté.