Le topo ne tombe pas du ciel, bien au contraire. Son étymologie, grecque, renvoie justement à un coin de la Terre, un lieu, que les humains sont amenés à décrire et à dessiner. C’est le topo qui entre dans la composition de certains types de documents à caractère géographique, comme les topo-guides (pour les randonneurs) ou le Répertoire topo-bibliographique des abbayes et prieurés de dom Cottineau (pour les archivistes-historiens).

Mais le topo a fini par s’affranchir de la géographie pour acquérir une certaine autonomie. Il a acquis le sens d’un exposé sur une situation dont on fait un croquis, d’un laïus sur une affaire dont on fait un état des lieux (la logique linguistique est quand même là). Faire un topo, c’est donc faire le point sur une question, sur un événement, sur une expérience, et même plusieurs points reliés les uns aux autres justement pour créer un dessin.

Topo est un mot charmant, court, facile à prononcer et à utiliser. Et il possède de nombreuses qualités.

Le topo est modeste, il n’a pas la folie des grandeurs. L’annonce « Je vais vous faire un immense topo » est relativement rare, de même que le topo moyen. Et il faut avouer que « grand topo » sonne comme une contradiction. Non, en général, c’est : « Je vais vous faire un petit topo » ou « Soyez gentille de nous faire un petit topo ».

Le topo est décontracté, simple, naturel. Il n’a pas le caractère officiel du bilan ou le formalisme du rapport. Il peut tout à fait  se faire en jean et polo, assis sur un coin de table ; pas besoin de tailleur ou de costume-cravate pour faire un topo. On le fait comme on le sent.

Le topo est fidèle. Comme le ferait un animal domestique, le topo s’attache volontiers à son maître ou sa maîtresse qui peut dès lors, en toutes occasions,  ressortir « son » topo habituel. Mais la fidélité confine trop souvent à la routine, et à force de le voir et de le revoir, ou plutôt de l’entendre et de le réentendre les gens s’exclament, quelque peu déçus : « C’est toujours le même topo ! ».

Le topo est discret, dans le sens où il n’est pas toujours facile à distinguer dans certaines situations complexes. C’est pourquoi on pose souvent la question : « tu vois le topo ? ». D’autres fois, le narrateur préfère prendre les devant et indiquer explicitement à ses interlocuteurs : voilà le topo. Ce qui est très pratique avec le topo, c’est qu’on peut le nommer au début : « Voilà le topo : » ou à la fin de l’exposé : « Voilà le topo ! », la ponctuation ou l’intonation permettant d’avertir les auditeurs ou les lecteurs du périmètre de l’exposé. Le mot « topo » constitue en quelque sorte une balise dans le discours.

Enfin, le topo est fugace. Qu’il soit oral ou écrit, le topo dure l’espace d’un instant. Ce n’est pas un objet que l’on peut toucher, manipuler, ranger. C’est un contenu qui se glisse éventuellement dans une note, dans un courrier, dans un post de blog, dans un cours, mais le topo n’est pas un type de document en soi. Sa valeur de topo est extrêmement brève. En conséquence, le topo ne s’archive pas et c’est sans doute sa principale qualité, il y a assez de choses à archiver comme ça !

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