Je me pose régulièrement (pas tous les matins mais presque) la double question suivante :

si Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord (évêque constitutionnel, ministre des Relations extérieures de Napoléon et ministre des affaires étrangères de Louis XVIII) vivait aujourd’hui, serait-il présent sur les réseaux sociaux ?

si oui, aurait-il un pseudo ?

Pourquoi ? Parce que, comme le montre notamment la passionnante biographie que lui a consacrée Jean Orieux, Talleyrand est un maître incontesté dans l’art de ne pas laisser de traces des actes qu’on ne veut pas voir révélés, ni aujourd’hui ni demain. Mieux (ou pire selon les points de vue) Talleyrand en a délibérément laissé d’autres, ses Mémoires, qui prennent quelques libertés vis-à-vis de la vérité historique…

Il fallait déjà beaucoup d’habileté pour supprimer des traces il y a deux siècles (les archives finissent toujours par parler à celui qui sait les interroger). Alors, dans le monde des réseaux numériques, la difficulté est décuplée, centuplée…

Heureusement, le pseudo est là !

TotoVengeur, Alibaba, Petitechose, Fantomas, Nounours, Qui-Dame, etc. Les pseudos fleurissent et libèrent la parole, désinhibent ceux qui n’oseraient pas s’exprimer sous leur vraie identité. Mais finalement, les arguments des défenseurs du pseudo sont-ils plus recevables que ceux des grands réseaux sociaux qui veulent les interdire ?

Il est curieux que la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL) incite  les ados français à utiliser un pseudo sur les réseaux sociaux, même en faisant attention. Est-ce bien raisonnable ?

Le pseudo protège…  jusqu’au jour où le jeune internaute, ne sachant plus bien qui il est, devient schizophrène (ce sera pris en charge par la Sécurité sociale puisque c’est une recommandation des autorités mais, vu le nombre de candidats potentiels, le « Trou » risque de s’élargir encore) ; … jusqu’au jour où l’intéressé se e-coupera, c’est-à-dire s’emmêlera les e-pinceaux et donnera par inadvertance les clés de son identité avec accès à son passé pseudo-protégé (n’est pas Talleyrand qui veut) ; … jusqu’au jour où un ou une ex-ami(e) se vengera en dévoilant le lien pseudo-identité réelle comme cela s’est déjà vu ; … jusqu’au jour où les logiciels de reconnaissance d’image identifieront un individu sans avoir besoin de passer par son nom, vrai ou inventé…

Il y aurait bien une solution pour résoudre le problème. Ce serait d’instituer un e-carnaval (c’est la saison).

Un e-carnaval mondial (incluant Rio et Venise évidemment) où, pendant 24 heures, tous les fêtards prendraient un pseudo (personnages politiques, people, animaux miaulant ou aboyant, créatures imaginaires, etc.) et pourraient dire n’importe quoi sur n’importe qui, sans réserve, sans souci d’orthographe, sans faire l’effort d’une expression claire (le but ne serait pas tant d’être compris que de s’exprimer), sans assumer ses propos au-delà du jour de fête, en toute impunité et en toute sécurité  car toutes les données seraient irréversiblement détruites le lendemain, avec la garantie du gouvernement. Ce serait un e-défouloir salutaire, dans la grande tradition du carnaval.

Les pouvoirs publics ont décidément bien peu d’imagination…

Signé : Tal Herrande

2 commentaires

  1. Je dois dire que votre post m’a fait rire. Imaginer Monsieur de Talleyrand en train de twitter ou sur le réseau Facebook … Tout un programme. J’avais recopié, il y a quelques années, une liste parmi ses nombreuses citations et je me suis précipitée pour les relire suite a votre post … Un grand esprit !

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