Haro est un petit mot original, qui ne ressemble à aucun autre (sauf halo, une coïncidence) dans la langue française à laquelle il appartient cependant depuis environ un millénaire, via le francique, et dont on trouve le cousin dans l’anglais here, ici. C’est un mot d’appel : « Ici ! » crie le chasseur qui a trouvé la proie et appelle les chiens ou les autres chasseurs à le rejoindre pour donner le coup de grâce à la bête. Haro ! Sus ! Taïaut !

Crier haro est  assez courant et est même de plus en plus pratiqué dans l’actualité. L’activité chasseresse n’y est pour rien. La raison en est la combinaison de deux phénomènes.

Tout d’abord, La Fontaine a durablement popularisé l’expression avec le vers « À ces mots on cria haro sur le baudet » chez les nombreuses générations d’élèves qui ont appris la fable Les animaux malades de la peste ;  le baudet fait depuis lors de la concurrence au bouc (émissaire).

Ensuite, l’effervescence des réseaux numériques (rapidité de diffusion de l’information, partage, twittage, etc.) amplifie la dénonciation, relaye l’accusation, accélère la battue une fois qu’on a trouvé le coupable.

En revanche, le gibier se diversifie (Google regorge de références) :

Haro sur la cigarette électronique
Haro sur le principe de précaution
Construction de logements: haro sur les recours abusifs
Haro sur l’optimisation fiscale
Haro sur les écolos
Haro sur le capitalisme
Mur des cons : haro sur le lampiste

L’anonymat ou le pseudonymat des internautes renforcent encore l’agressivité de la meute. Les technologies de communication favorisent la lâcheté paresseuse inhérente à une partie du genre humain : il est plus confortable d’envoyer un touit que de se lever la nuit pour coller des affiches dans les rues. Un des derniers exemples en est la mésaventure subie par Caroline Criado-Perez. Cette journaliste britannique avait lancé une pétition pour soutenir la candidature de Jane Austen, opposée à celle de Charles Darwin, pour prêter son effigie au nouveau billet de dix livres. La victoire de son camp fin juillet a provoqué un e-haro particulièrement  violent de la part de ses détracteurs : elle a reçu « pas moins de cinquante tweets d’insulte par heure pendant douze heures ». Voir le billet de Jean-Michel Normand titré « Haro sur les twittos machos » dans M le magazine du Monde du 3 août 2013.

Crier haro est un peu ringard, mais poster haro et twitter haro est très tendance. On peut y voir un genre documentaire nouveau issu de la société numérique, un nouveau type d’objet numérique à archiver pour témoigner demain des agissements d’aujourd’hui, un agrégat de haro, un dossier de haro…