L’étymologie de caquetoire est éloquente : un quelque chose qui sert à caqueter, c’est-à-dire à glousser (pour les poules), à potiner (pour les commères), à jaser (pour les bonnes femmes)…

La dénomination remonte au XVIe siècle et on peut y voir la marque d’un léger mépris masculin pour le sexe réputé bavard – les deux restant à prouver (1/ la connotation méprisante, 2/ le bavardage sexué). Le mot fait aujourd’hui partie du vocabulaire des experts de mobilier ancien et des spécialistes des églises rurales.

On trouvera donc des caquetoires dans les salles des vente ou dans les catalogues des antiquaires. Il s’agit d’une chaise aux formes particulières (forme de trapèze, dossier haut, bras minces et espacés) conçue pour permettre aux dames d’asseoir confortablement leur robe encombrante en même temps que leur derrière, et de papoter ainsi sans être gênée par leur costume. Forcément, le mieux est de les posséder par paire (sinon, on devrait appeler ça des soliloquatoires). Cette belle paire du XVIe siècle, provenant de la vallée du Rhône, est à vendre sur le site Paul Fitzsimmons (Exeter).

On pourra voir un autre type de caquetoire en visitant certains petits villages du bassin parisien, notamment en Sologne ou en Bourbonnais. Il s’agit alors d’une annexe à l’église paroissiale, ajoutée à l’édifice autour du XVIe siècle, sous la forme d’un auvent ou d’une galerie couverte où les paroissiens (je pourrais dire « les paroissiennes » mais on dit toujours que c’est le masculin qui l’emporte…) peuvent bavarder après l’office à l’abri du vent ou de la pluie. Ici, celui de Saint-Barthélemy de Montireau (Eure-et-Loir).

Avant l’office, il est préférable de se recueillir (pour ceux qui sont en avance) ou de se dépêcher (pour les retardataires). Pendant l’office, il y a des règles à respecter, principalement le silence eu égard à la sainteté du lieu et par respect pour les autres. Mais après l’office, il faut décompresser, échanger les dernières nouvelles et c’est plus confortable de changer de décor.

Mieux vaut canaliser les légitimes aspirations au bavardage que vouloir l’interdire en l’obligeant à se cacher. Un temps pour chaque chose et un lieu pour chaque chose.

Le caquetoire s’est plus ou moins réincarné en machine à café et en fumoir.

Comme quoi, en étant à l’écoute des besoins des utilisateurs, on peut créer des objets ou construire des bâtiments à la fois fonctionnels et ravissants. Mais alors pourquoi les machines à café et les fumoirs sont-ils le plus souvent si dénués de charme ?