J’aime bien les spams.

D’abord, j’aime bien le mot, monosyllabique, sifflant comme un pétard au commencement et dont la fin fait penser à la confiture (jam) qui dégouline sur l’écran. L’anglicisme ne me gêne pas ; au contraire, cela me va bien de considérer que ce n’est pas un truc de cheux nous.

Ensuite, comparé aux publicités qui s’affichent en haut, à gauche, à droite et en bas de l’écran et qui polluent les pages web, insistantes, intrusives, agressives, rédhibitoires parfois, dès que j’ai le malheur de regarder quelque chose sur un site non institutionnel, le spam, lui, même s’il agace, même s’il échappe encore souvent à l’aiguillage automatique vers les « indésirables » de ma boîte de messagerie, est mille fois plus acceptable. Du reste, j’ai remarqué, sans l’expliciter vraiment, que, pour ce qui me concerne du moins, leur nombre a cessé de croître et serait même en recul.

Donc, j’aime bien les spams, car j’y trouve un intérêt. Certains me font rire par leur contenu, par exemple ce spam sans queue ni tête envoyé comme commentaire à mon billet de blog « Les durées de conservation et leurs maltraitances » et qui commence par « Votre manque d’objectivité est triste à voir…

D’autres me font rêver par leur exotisme (გამოცდილებები ჩვენი, ბერვ) სათაუ, ბის თეორია და კონ! ავებულ ინტე, ა თუ ის გ…, je n’ai jamais visité la Géorgie).

D’autres encore m’intéressent par leur forme et ils constituent une matière première livrée à domicile pour faire des exercices appliqués de diplomatique numérique (ficelles plus ou moins grossières de fabrication du message pour tromper son monde : syntaxe de l’adresse mail, adresse IP, incohérences de formules, etc.).

J’aime tellement les spams que j’ai commencé à les collectionner, en août 2012, et j’en ai presque 200. Du coup, comme pour toute collection, je commence à avoir des problèmes de classement et de catégorisation. La typologie habituelle ne me convient pas.

En m’inspirant de la médecine et de la botanique, je distingue deux grandes classes de spams : les spams-papules qui sont des protubérances électroniques, de petites éminences numériques qui disparaissent facilement sans laisser de cicatrices, et les spams-pustules qui tiennent davantage de la cloque ou de la tumeur inflammatoire associée à une suppuration répulsive voire nauséabonde.

Les spams-papules sont justes désagréables et encombrants. Les spams-pustules, en revanche, présentent un certain risque comme mettre le bazar dans mon réseau (usurpation d’identité) ou de me faire dérober des données personnelles (compte bancaire, mot de passe…) si j’avais le malheur de cliquer sur le lien proposé ou d’ouvrir la pièce jointe.

Ensuite, dans ma logique de collectionneur, intervient le goût que l’on peut avoir pour telle ou telle pièce. De ce point de vue, un de mes spams-spatules préférés est celui-ci, en raisons des derniers mots qui me parlent tout particulièrement : Je suis M AKA MARCEL, le Directeur des comptes dans d’une Banque de la place. J’ai une proposition financière et confidentielle à vous faire. Une somme flottante de 3.950.000dollars USD appartenant à un défunt client dont le nom a été identifié et noté non revendiqué dans nos audits et archives…

Quant aux spams-pustules, j’ai sélectionné une confirmation de commande de voyage :

Dommage que le message ne me dise pas où je suis allée… Si je ne craignais de voir jaillir du pus de l’écran, j’aurais presque envie de cliquer pour savoir….