Méthodologie – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr Fri, 21 Feb 2020 15:21:17 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.3.6 http://transarchivistique.fr/wp-content/uploads/2013/03/cropped-désert-tunisien-eau-verte-2-32x32.jpg Méthodologie – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr 32 32 Valeur ajoutée de la méthode Arcateg pour un archiviste http://transarchivistique.fr/valeur-ajoutee-de-la-methode-arcateg-pour-un-archiviste/ Thu, 29 Aug 2019 13:50:30 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=1042 Continuer la lecture ]]> La méthode Arcateg™ a été conçue pour aborder l’organisation de l’information à risque dans une entreprise ou un organisme public.

L’angle d’attaque de cet enjeu commun à tous est celui de l’existence et de la protection dans la durée de l’information dont l’entreprise est propriétaire et détentrice. Il s’agit d’énoncer des règles claires qui permettent à chaque collaborateur de réponse à ces questions récurrentes:

  1. Dois-je mettre les documents et les données que je gère en sécurité ou non? Et si oui à quel degré de sécurité et comment?
  2. Dois-je jeter ou conserver telle trace ou telle information? Ce qui ne peut se faire valablement qu’après une analyse de la globalité de l’impact avéré et potentiel de cette trace ou de cette information pour l’entreprise et ses responsables.

Non seulement, l’entreprise doit énoncer des règles en réponse à ces questions, mais elle doit encore s’assurer que ces règles sont conformes à la réglementation et qu’elles sont réellement appliquées par les collaborateurs.

Les fondamentaux de la méthode Arcateg sont issus de l’observation de situations d’archivage déficientes ou chaotiques depuis deux décennies: abandon de documents et de données dans des endroits non gérés et non protégés, destruction d’actifs informationnels qui auraient permis de répondre à une mise en cause ou à une investigation, perte financière par négligence de production ou d’accessibilité d’une information ou d’une preuve.

Ces fondamentaux ont été mis à l’épreuve dans un certain nombre d’entreprises et d’organismes publics avant d’être présentés dans l’ouvrage Des documents d’archives aux traces numériques. Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La méthode Arcateg™, éditions KLOG publié y au printemps 2018.

Le nom de la méthode AR (pour archivage) + CATEG (pour catégories) souligne l’approche méthodologique: les enjeux de gestion de l’information d’entreprise sont abordés par la question de l’archivage qui s’affirme comme le pivot de la gouvernance des données: tout fichier, tout document porte une valeur de risque pour l’entreprise, valeur qui conduit a) à contrôler sa qualité (pour éviter des interprétations erronées), b) à le mettre en sécurité pendant la durée nécessaire et suffisante, c) à gérer son cycle de vie tant sur le plan de la préservation que l’accès aux contenus, tout ceci étant résumé par le terme « archivage » pris dans son acception la plus forte. Il n’y a pas d’autres mots pour dire simplement tout cela. La catégorisation est le moyen de maîtriser l’inévitable hétérogénéité de la masse en rationalisant et en normalisant la réalité. On parle beaucoup aujourd’hui de catalogage des données; c’est la même idée.

De ce point de vue et du point de vue réglementaire, il est clair qu’Arcateg renvoie bien davantage à une mise en œuvre du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) qu’à une mise en œuvre de la gestion des archives publiques telle que la définit le code du patrimoine.

Pour le dire d’une manière plus classique aujourd’hui, Arcateg™ relève assurément du records management (archivage managérial) et non de la gestion des archives patrimoniales, bien que la méthodologie puisse également servir une démarche de gestion de la connaissance et de la mémoire.

La question se pose donc de savoir si la méthode Arcateg™ peut être utilisée avec profil dans la gestion d’un service d’archives.

La réponse est oui, mais à certaines conditions. En effet, dès lors que la démarche Arcateg™ est orientée Risques tandis que les pratiques archivistiques publiques sont orientées Patrimoine, il faut bien mesurer l’usage que l’on fait de chaque concept et respecter les différentes facettes de l’information.

Arcateg™ est construit sur un système archivistique alternatif dédié au management des données au quotidien, de sorte que vouloir fondre les fondamentaux d’Arcateg avec les pratiques archivistiques existantes dans une seule vision documentaire risque de conduire, comme je l’ai constaté parfois, à une cacophonie archivistique inefficiente.

Il ne s’agit donc pas de fondre les notions et de superposer les gestes archivistiques mais de les articuler pour répondre à un plus grand nombre de besoins.

Par exemple:

  • Arcateg donne un cadre de référence pour un recensement exhaustif de la production informationnelle d’une entité juridique, ce qui est autre chose que la gestion de l’existant dans une des composantes de cette entité.
  • Arcateg privilégie une règle de conservation simplifiée dès la création de l’information, basée sur sa valeur de risque pour l’entreprise, quel que soit son support et sa localisation, ce qui n’empêche d’avoir des règles plus détaillées pour la gestion des archives dans la durée.
  • Arcateg est également le support d’un tableau de bord normalisé et codifié pour identifier les doublons et les lacunes, afin de faire des reportings à la direction de l’organisme (établissement, administration) ou de gérer un plan d’actions pour améliorer le stock et le flux.

En résumé, la méthode Arcateg™ permet à un archiviste d’archiver « plus vite, plus haut, plus fort ».

En vous souhaitant une forme olympique!

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Le récolement http://transarchivistique.fr/le-recolement/ Mon, 06 May 2019 19:09:30 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=1021 Continuer la lecture ]]> Récolement est un terme classique et toujours courant du vocabulaire archivistique.

On peut toutefois constater un glissement de sens de récolement vers inventaire. Les deux notions doivent être distinguées, surtout en archivistique.

Définitions

Voici, dans l’ordre chronologique quelques définitions tirées de publications institutionnelles:

Le procès-verbal de récolement. L’instrument de recherche le plus sommaire, mais le premier à établir, est le procès-verbal de récolement, auquel est astreint tout directeur de service d’archives lors de son entrée en fonction, ou à la suite de remaniements importants survenus lors du déménagement des collections. Il s’agit de dresser un tableau précis du contenu du dépôt, en situant l’emplacement exact des liasses, registres et volumes et en signalant les lacunes constatées par rapport aux récolements antérieurs et aux instruments de recherches rédigés postérieurement au dernier en date des récolements. – Manuel d’archivistique (1970), p 250

Le procès-verbal de récolement est le tableau descriptif du contenu du service d’archives. – Pratique archivistique française (1993), p 154

Récolement. Opération consistant à identifier, un par un, tous les articles d’un service d’archives, et à les inscrire sur une liste (dite « procès-verbal de récolement »), en signalant les lacunes constatées. Cette opération, qui est de plus en plus fréquemment informatisée, est réglementaire à chaque changement de directeur dans un service d’archives, et (dans les archives communales) à chaque changement de municipalité. – Pratique archivistique française (1993), Glossaire

Récolement. Vérification systématique, lors de la prise en charge d’un service d’archives ou à date fixe, de ses fonds et collections consistant à dresser dans l’ordre des magasins et des rayonnages la liste des articles qui y sont conservés ou qui manquent par rapport aux instruments de recherche existants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement permanent. Liste tenue à jour des articles conservés dans un service d’archives assortie de leur localisation, présentée dans l’ordre des magasins et des rayonnages, permettant un programme d’utilisation des espaces vacants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement des archives. C’est un état des lieux des archives dressé lors d’un renouvellement de l’exécutif. Il se présente sous la forme d’un procès-verbal de décharge (pour le maire sortant) et de prise en charge (pour le maire entrant), accompagné d’un état sommaire ou détaillé des archives présentes en mairie. – Fiche « Le récolement des archives » de l’Association des archivistes français (AAF) (2014).

Le récolement (empr. au lat. class. recolere « pratiquer de nouveau », d’où « repasser dans son esprit », « passer en revue ») est une opération de contrôle de la présence de documents et d’objets dans une collection, telle qu’un dépôt d’archives, une bibliothèque, un centre de documentation ou un musée.
Il consiste en l’utilisation de listes formant des répertoires sur papier ou numérisées à partir desquelles on recherche si chaque item est physiquement présent. Si des absences sont repérées, elles provoquent la mise à jour de l’inventaire après une recherche éventuelle des documents correspondants.
Il ne faut pas confondre:
– le récolement, qui s’apparente à l’opération habituellement appelée inventaire dans la gestion des stocks commerciaux, (inventaire physique),
– l’inventaire, qui est le registre, sur papier ou informatisé, qui liste les éléments formant la collection de la bibliothèque, du dépôt d’archives ou du centre de documentation, par ordre d’entrée, (inventaire comptable).
En France, cette opération est obligatoire dans les collections publiques, pour les archives municipales à l’occasion de chaque mandat, pour les archives départementales à chaque changement de directeur. – Wikipédia

Commentaires

Le rapprochement des différents extraits ci-dessus illustre, discrètement mais sûrement, le grignotage de l’archivistique française par la logistique au détriment du droit, au cours des dernières décennies.

D’une action de contrôle (le récolement) et de l’acte réglementaire et engageant qui en découle, avec décharge de la responsabilité des lacunes observées et déclarées (le procès-verbal), on est passé à une action de gestion des stocks pris en charge (avec cette particularité archivistique que pas deux objets du stock ne sont identiques). Cette pratique fait passer au second plan la valeur juridique de l’opération (quand ce n’est pas purement et simplement aux oubliettes).

Le « récolement permanent », inventé à fin du siècle, alors que les services d’archives s’accoutument à l’informatique de gestion, a une petite allure d’oxymore car comment peut-on à la fois être le constat d’un fait (ce qui existe et ce qui manque lors d’une passation de fonction) et une base de données évolutive? Comment un mot peut-il désigner à la fois un document daté et signé et des données de travail mises à jour au quotidien?…

Les deux acceptions restent cependant utilisées et je note que les archivistes communaux, plus sensibles sans doute aux effets des élections locales, ont su davantage préserver le sens original du récolement. Ce qui est gênant est que le même terme professionnel ait deux sens assez différents et, pis, sens que ses utilisateurs ne distinguent pas toujours. Diable, la langue française est-elle si pauvre? Wikipédia, lui, s’en sort très bien!

Mon commentaire n’est pas une réaction de puriste de la langue. Même si le préverbe « re » est mon préverbe préféré dans les langues latines, cela ne me choque pas plus qu’autre chose de voir sa signification originelle escamotée par l’usage et de voir le sens du mot « récolement » réduit à celui de « colement » sans le ré (cool, man!). Non, ce qui me gêne, c’est, d’une part, l’ambiguïté du discours, d’autre part, l’abandon de cet acte administratif engageant la responsabilité des acteurs propriétaires et détenteurs de archives.

La règle voulait naguère que le récolement ait lieu dans les quelques semaines suivant une prise de fonction, obligeant l’archiviste à caractériser la situation dans une forme compréhensible par l’élu ou le représentant de l’Etat amené à y apposer sa signature. C’était le moyen de mettre en évidence les lacunes (tout du moins dans les » archives essentielles »), de synthétiser les acquisitions du mandat, de pointer les anomalies, bref de suggérer une politique archivistique en même temps que de satisfaire à une obligation réglementaire toujours valide même si elle tombe en désuétude.

Mais, hélas, le mieux analytique est l’ennemi du bien archivistique.

Combien de récolements de dépôts n’ont jamais abouti parce que l’archiviste voulait être exact, précis, complet? Et le sens du récolement a commencé à se perdre. Le comptage des boîtes et des cartons l’a emporté sur la politique. En attendant que l’informatique l’emporte sur l’archivistique… Dommage.

Et maintenant, la question qui tue: c’est quoi un récolement numérique?…

Question subsidiaire: quelle la durée de conservation d’un procès-verbal de récolement?

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Qu’est-ce qu’un document d’archives ? http://transarchivistique.fr/quest-ce-quun-document-darchives/ http://transarchivistique.fr/quest-ce-quun-document-darchives/#comments Wed, 22 Feb 2017 18:45:53 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=695 Continuer la lecture ]]> Récemment, dans un réseau social, réagissant à un post de Benjamin Suc sur les fonds d’archives audiovisuelles, une jeune juriste exprimait sa gêne face à l’expression « document d’archives » dans la discipline archivistique, et son choix de ne pas l’utiliser. Ceci est assez surprenant. Il est vrai que, avec la dérégulation de la terminologie archivistique ces dernières années, on peut comprendre que certaines personnes soient déroutées. Une bonne occasion, finalement, de revenir sur cette expression et son sens.

Le singulier du mot archives

Le Dictionnaire des archives, français-anglais-allemand : de l’archivage aux systèmes d’information, publié en 1991 par l’AFNOR et l’École nationale des chartes, donne pour « document d’archives » la définition suivante : « Écrit ou enregistrement qui par lui-même ou par son support a une valeur probatoire ou informative. Singulier du mot archives ». Cette dernière expression (singulier du mot archives), aussi concise que percutante, a été proposée à l’époque par Marie-Claude Delmas qui, avec Hervé L’Huillier et moi-même, constituait le groupe de travail de préparation du dictionnaire, sous l’égide de Bruno Delmas. Près de trente ans plus tard, je la trouve toujours excellente et peut-être plus importante que naguère dans un monde qui ne cesse de se focaliser sur l’élément d’information décontextualisé au détriment du groupe, de l’ensemble cohérent, autrement dit du fonds.

Revenons à chacun des deux termes de l’expression : document et archives.

document et archives

Le document

La norme internationale ISO 5127-1 définit le document comme « une information enregistrée qui peut être traitée comme une unité dans un processus de communication, quelque soit sa forme et ses caractéristiques ».

De nombreux écrits insistent aussi sur le fait que, de par son étymologie, le document supporte un enseignement. Le document présente des informations factuelles observables par tous et que chacun peut analyser, exploiter pour son activité professionnelle, la formation de son esprit ou la défense de ses droits, et transformer en connaissance, parfois en conviction. De ce point de vue, n’importe quel artefact dont on tire enseignement peut être considéré comme un document.

L’enseignement que le document d’archives est susceptible de transmettre est un jeu d’éléments de preuve ou de mémoire en relation avec l’activité de celui qui l’a produit (émis ou reçu). C’est un enseignement destiné d’abord au producteur (personne morale) et ensuite, éventuellement, à d’autres utilisateurs.

Le document d’archives n’est donc pas n’importe quel document.

Dans un contexte sociétal où le mot archives est soit connoté négativement soit connoté « histoire », les producteurs de documents ne sont pas toujours à l’aise avec cette expression un peu technique finalement. C’est pourquoi, je parle volontiers de « document à archiver » ou de « document engageant ». En effet, si le document doit être archivé (i.e. classé aux archives ou aujourd’hui enregistré dans un système d’archivage), c’est parce qu’il engage la responsabilité du producteur (preuve et mémoire). Je dirais même, pour conserver le sens profond des choses, que « document engageant » est le nom vulgaire, au XXIe siècle, du « document d’archives ».

Les archives

Les archives sont, elles, dotées d’une définition légale en France : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité. » (article L211-1 du code du patrimoine).

Le dictionnaire de 1991 donne comme synonyme d’archives l’expression « fonds d’archives », et c’est bien cela l’important : la notion d’ensemble logique, d’accumulation organique, d’assemblage volontaire et structuré, liée à l’entité juridique que représente le producteur et/ou le détenteur de ces archives. Les archives sont l’ensemble indissociable des documents de preuve et de mémoire d’une personne physique ou morale, une entité unique en termes de responsabilité civile et pénale et en termes de propriété (droit de vie et de mort sur les archives, dans le respect de la loi).

La langue française et la tradition archivistique sont là très précises en soulignant le lien entre la pièce et le fonds, entre l’élément et le tout, bref entre le document et les archives.

Voilà qui explique, voire justifie, pourquoi le mot archives est traditionnellement un mot pluriel même si le singulier est attesté ici ou là, l’exception confirmant la règle. Si on parle aujourd’hui d’archive au singulier, c’est surtout sous l’influence de l’anglais (archive comme lieu ou collection d’archives, ou archive des informaticiens pour désigner les fichiers compressés). On en vient à parler d’archive aujourd’hui pour désigner un document, une pièce, comme par raccourci de « document d’archives ». Tout le monde s’y est habitué mais c’est relativement récent. Je me souviens m’être fait conspuer en l’an  2000 pour avoir employé le mot archive au singulier dans le titre d’un livre (Le management de l’archive, Hermès).

À noter que le Dictionnaire de l’Académie française (9e édition) n’admet toujours pas le singulier.

Sens de la préposition « de » entre document et archives

Le sens de document et le sens d’archives étant exposés, il reste à commenter le sens de la préposition qui relie les deux mots, la valeur du « de » dans l’expression « document d’archives ».

document d'archivesDe est une des prépositions françaises qui présentent le plus de nuances : provenance (pierre de lune, chou de Bruxelles), composition (collier de perles, robe de taffetas), finalité (campagne de prévention, chien de chasse), qualification (soirée d’enfer, coup de théâtre), contenu (verre de vin, film de science-fiction), lieu d’exercice (garçon de café, théâtre de rue), etc.

Cette variété de nuances de la préposition se retrouve aussi dans les noms de documents d’archives :

  • billet de banque, diplôme de l’université : de signifie émis par
  • contrat de maintenance, convention de partenariat : de signifie dans le but de, pour
  • titre de propriété, justificatif de domicile, quittance de loyer : de signifie qui concerne, relatif à
  • procès-verbal de délibération, livre de compte, arrêt de quitus, registre d’état civil : de renvoie à la nature de l’acte tracé dans le document.

Évidemment, le document d’archives n’est ni un document émis par une institution archivistique ni un document qui concernent les archives ni un document qui parle des archives ni un document créé pour les archives (encore que pour ce dernier point… ; j’y reviendrai à la fin de ce billet).

Quelle est alors la nature du lien entre document et archives ? Que sous-tend la préposition de dans cette expression ?

Il y a deux façons d’appréhender cette question, selon l’angle de vue adopté.

Du côté du producteur ou du responsable de l’archivage, le document d’archives est un document qui trace une décision, une idée, une dépense, un constat, etc. auquel on aura potentiellement besoin de se référer demain et, si on n’en disposait plus, s’il était perdu ou détruit, on subirait un dommage plus ou moins important. Si le document a une valeur intrinsèque pour son producteur, on devra l’archiver. Le document d’archives est dans ce cas un document digne de figurer dans les archives. Le « de » a un sens de valeur, le sens de « digne de figurer dans »  comme dans les expressions : une pièce de collection, un morceau de choix ou un tireur d’élite.

C’est un peu différent du point de vue de l’utilisateur, lequel intervient plus tard dans le cycle de vie du document. D’une manière générale, le document d’archives est pour l’historien, le chercheur, le généalogiste, le journaliste ou le curieux un document qui est conservé dans un service d’archives. Cette localisation en fait une source fiable. Les services d’archives sont un lieu de confiance dont les ressources ont été contrôlées et traitées par des archivistes. Le document qui s’y trouve est donc une source privilégiée pour l’utilisateur. La préposition « de » a ici son sens assez fréquent de provenance. Un document d’archives est un document qui provient des archives. « Le document d’archive a l’avantage de légitimer le propos, d’intégrer un contenu de qualité et de constituer une source unique pour raconter des histoires intéressantes », écrit Benjamin Suc dans le billet cité en introduction.

Dans la réalité, on peut observer parfois un hiatus entre la valeur intrinsèque d’un document d’archives et sa conservation dans un service d’archives. C’est la question de savoir si tous les documents qui ont une valeur d’archives sont dans les services d’archives, mais aussi celle de savoir si tous les documents qui sont dans les services d’archives ont une valeur d’enseignement de preuve et de mémoire.

On a globalement trois cas de figure :

  1. les documents qui ont une valeur d’archives mais qui ne sont pas encore pris en charge par un service d’archives (déficit d’archivage) ;
  2. les documents ayant une valeur d’archives et effectivement archivés et gérés par un service d’archives (archivage cohérent) ;
  3. les documents qui se trouvent dans les services d’archives sans être stricto sensu des documents d’archives, c’est-à-dire produit ou reçu dans le cadre d’une activité dans un objectif de preuve ou de mémoire (sur-archivage).

C’est là, pour les archivistes, un enjeu permanent.

Document d’archives et image d’archives

L’expression « image d’archives » est plus populaire que « document d’archives ». Tout téléspectateur l’a vue de nombreuses  fois affichée sur son écran de télévision, lors des actualités ou dans des reportages. L’image d’archives est un extrait de film d’actualité ou d’émission diffusée dans un passé lointain ou proche, au cinéma ou à la télévision, et « sorti » des archives pour être inséré dans une nouvelle production.

Image d'archiveL’incrustation « image d’archives » signifie : ce que vous voyez en ce moment n’est ni du direct ni du différé ni du rediffusé mais un morceau de film ou d’émission ancien réutilisé. La mention est souvent accompagnée du sigle du détenteur de ces archives (INA, Pathé…) qui donne un label de fiabilité aux images en question.

Par extension, « image d’archives » peut s’appliquer à tout document audiovisuel « ancien » appartenant à un fonds d’archives public ou privé, incluant les rushes, les magazines, les émission de divertissement ou de fiction et la publicité, quel que soit le canal de diffusion, y compris le web, dès lors que ces images sont identifiées, décrites, datées.

L’expression « image d’archives » (qui n’a pas à ma connaissance de définition normative) convient également pour les documents audiovisuels qui sont d’abord des documents d’archives au sens premier du terme, c’est-à-dire des documents issus d’un processus administratif, éducatif, commercial, de recherche ou de production industrielle ; ces documents ne sont pas au départ produits pour un public mais bien créés pour documenter un processus par des traces formelles qui serviront de preuve autant que de mémoire dans la poursuite de cette activité.

« Image d’archives » convient encore pour désigner des enregistrements audiovisuels créés de manière volontariste pour constituer des archives, donc sans lien direct avec la mise en œuvre d’un processus métier (autre que le métier d’archiviste) ni finalité de diffusion immédiate à un public. Ce sont par exemple les interviews de personnalités ayant vécu certains événements ou de personnes détentrices d’un savoir ou d’un savoir faire qui disparaît. Autre exemple avec l’enregistrement audiovisuel des grands procès pour crimes contre l’humanité (le premier étant celui de Klaus Barbie en 1987).

Initialement, la distinction entre document d’archives et image d’archives tient moins à l’opposition écrit/image animée qu’à la différentiation du processus de création et au destinataire du document (acte administratif, juridique ou technique pour un destinataire identifié d’un côté, publication ou diffusion pour tout un public de l’autre).

Avec l’élargissement de l’acception du vocable archives ces dernières décennies à toutes formes de documents de mémoire, bien au-delà des seuls « documents d’archives » d’antan, et avec la généralisation de l’image dans toutes les activités documentaires et de communication, les deux expressions se sont nettement rapprochées.

Et bien sûr je n’évoque pas ici les images de documents d’archives via la numérisation à grande échelle.

En résumé, l’expression « document d’archives » est riche et fort utile. Je lui souhaite longue vie !

 

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Combien trente ans de vie municipale représentent-ils de mètres linéaires d’archives? http://transarchivistique.fr/combien-trente-ans-de-vie-municipale-representent-de-metres-lineaires-d-archives/ Wed, 01 Feb 2017 18:19:37 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=686 Continuer la lecture ]]> J’aime qu’on me pose des questions. Surtout des questions que je ne me suis pas vraiment posée moi-même mais dont la réponse cependant m’intéresse.

Après la question d’un marchand d’autographe sur l’imprescriptibilité des documents d’archives publiques, j’ai été récemment interrogée par une architecte qui, répondant à un concours pour la réhabilitation d’un bâtiment communal ancien en « bâtiment d’archivage », cherchait à savoir « ce que représente en ml d’archives 30 années d’archivage pour une municipalité ».

J’ai immédiatement pensé au temps de refroidissement du canon…

La question est légitime et c’est finalement assez naturel et sain que des professionnels extérieurs au monde des archives se la posent. Malheureusement, si cette architecte n’a pas trouvé de réponse standard, c’est parce qu’il n’en existe pas.

Mètres linéaires communeCertes le mètre linéaire est l’unité de mesure des archives (notion que j’ai naguère longuement analysée) mais c’est une unité de mesure logistique qui intervient essentiellement dans la description d’une réalité d’archives papier, et rarement, pour ne pas dire jamais, dans la définition d’un standard de document à produire, dans l’énoncé d’une prescription. Conditionner la création des archives à leur encombrement physique ne se rencontre que dans des récits imaginaires ou humoristiques : « Vous me ferez deux mètres linéaires de rapports pour le 15 mai prochain, sinon vous êtes viré ». L’anecdote serait encore plus marrante dans un environnement numérique…

Trop d’éléments entre en ligne de compte pour pouvoir énoncer une formule simple de calcul  « administratif », ou même archivistique de ce métrage linéaire, lequel métrage existe pourtant dans chaque localité. Il faut tenir compte de :

  • la population de la commune (qui évolue au cours du siècle)
  • la superficie de la commune et sa situation car un certain nombre de dossiers sont liés à la géographie (entretien des routes, etc.)
  • son histoire et son patrimoine (quels bâtiments communaux, quels événements)
  • le budget de la commune (qui permet ou non un certain nombre de projets)
  • le nombre d’agents municipaux
  • les pratiques documentaires avec plus ou moins de bureaucratie (lié au précédent) et plus ou moins « d’emballage » (chemises, sous-chemises, intercalaires, classeurs qui font qu’un document de 10 pages peut, de fil en aiguille, occuper 10 centimètres linéaires)
  • les destructions réalisées, volontaires et involontaires.

D’autres critères interviennent sans doute dans cette affaire mais l’âge du maire n’y est pour rien (encore que…).

L’élasticité comparée des fonds d’archives est une chose proprement étonnante. Je l’ai constaté personnellement jadis quand mes fonctions m’ont amenée à visiter les archives de quelques centaines de petites communes. L’hétérogénéité est tout aussi intéressante dans les archives départementales : bien qu’il existe peu d’études chiffrées sur le sujet, il y a une référence que j’aime bien rappeler (une journée d’étude de 1994 sur les archives de la santé) : pour les trois départements des Pyrénées-Orientales, de Côte-d’Or et de l’Eure, la série d’archives départementales relative aux questions de prévoyance sociale (XIXe et XXe siècles) correspond respectivement à 13 mètres, 350 mètres et 725 mètres, sans qu’on sache expliquer ces écarts.

Cependant, si « on » voulait définir une réponse standard à ce type de question, il y aurait plusieurs façons de procéder. J’en citerai trois :

  • l’enquête statistique : on prend un panel de communes de diverses tranches de population et on mesure le nombre de rayonnages occupés dans chacune ; on additionne, on divise, on fait les péréquations nécessaires et on affirme : une commune de 50000 habitants doit produire et conserver X mètres linéaires d’archives ; ce qui, au passage, ne nous apprend rien sur la pertinence et la qualité des archives ;
  • l’équation mathématique : on part de l’équivalence administrative adoptée en matière d’archives à la fin du XXe siècle, à savoir 1 ml par an et par agent, et on multiplie par le nombre d’agents pour chaque année (sachant que la majorité de ce volume n’a aucun caractère historique) ; on y ajoutera un coefficient de superficie, de bureaucratie, de destruction, etc. pour affiner le chiffre ; mais que vaut cette équivalence de 1 ml/an/agent de nos jours ?
  • le portrait-robot archivistique : à la différence des deux précédentes manières qui ne tiennent pas compte de la personnalité de la commune (et les presque 36000 communes de France sont toutes différentes), celle-ci part de la réalité de la commune considérée ; à partir des missions de la commune (compétences régaliennes, administration municipale et réalisations de la collectivité), 1) on décrit les quelques dizaines de séries documentaires pérennes gérées par les services (par exemple avec la méthode Arcateg™), 2) on les quantifie en nombre d’actes et de dossiers, 3) avec une évaluation du volume annuel de stockage (papier ou numérique, ml ou Go) basée sur l’analyse de quelques années représentatives, et 4) on établit une projection en tenant compte de la cohérence des activités dans la durée ; personnellement j’augmenterai le volume obtenu d’un tiers en me basant sur ma théorie des quatre-quarts des archives historiques.

Ceci dit, on peut toujours sortir un chiffre au doigt mouillé. Ayant trempé le mien dans trente-cinq ans de cocktail archivistique, je dirai par exemple que 1 mètre linéaire de rayonnage est largement suffisant pour concentrer l’essentiel des archives physiques pérennes produites par une commune de moins de 2000 habitants, soit 30 mètres ou 6 armoires pour trente ans ; estimation portée à 25-30 ml annuels pour une commune de 100 000 habitants, soit 750-900 mètres linéaires pour trente ans, soit encore une salle d’environ 130 à 160 m².

Bref, cette question est tout de même une fausse question. La vraie question, celle que devrait se poser systématiquement l’autorité municipale, est la double question suivante : avons-nous archivé tout ce que devions archiver (c’est-à-dire toutes les traces engageants et mémorielles de l’activité communale) et ces archives sont-elles bien conservées ?

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Invariances archivistiques http://transarchivistique.fr/invariances-archivistiques/ Sun, 15 May 2016 16:30:59 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=655 Continuer la lecture ]]> Parler d’invariance dans ce monde qui change en permanence, est-ce bien raisonnable ?

D’autant plus que la variance ne date pas d’hier : « Souvent femme varie » dit le proverbe (comme si l’homme ne variait pas et ne changeait pas d’idée comme de chemise…° ; le paysage que l’on regarde n’est jamais le même, de même que le mur de l’internaute sur Facebook ou Linkedin qui change à chaque minute.

C’est que l’invariance ne s’applique pas aux choses et aux gens, mais aux lois de la nature telles que les savants les décrivent et les analysent. Le mot invariance appartient d’abord au vocabulaire de la physique et des mathématiques où elle caractérise des lois.

Invariance me semble donc bien adapté pour qualifier deux « lois » archivistiques que j’observe depuis des décennies maintenant.

Tout d’abord, l’invariance de la bi-fonctionnalité de l’écrit.

Depuis l’invention de l’écriture il y a cinq millénaires, son usage se répartit invariablement entre deux grands objectifs :

  1. noter le savoir et les idées pour les transmettre, à des proches ou aux générations futures, qu’il s’agisse de transmission d’une connaissance ancestrale, de science, de littérature ou de création artistique ;
  2. tracer les actes effectués par les humains dans leurs relations réciproques, dans le but de prouver ce qui a été fait, parce que l’on devra rendre des comptes, ré-exploiter les données, défendre ses droits.

Dans les deux cas, il y a enregistrement de l’information sur un support physique (on retrouve là la définition classique du document), support choisi en fonction de la technologie du moment mais aussi de la nature de l’information. L’invariance de ces deux fonctions de l’écrit a été portée pendant des millénaires par deux couples de mots : livre et document (pour l’objet) et bibliothèque et archives (pour le lieu de conservation). Les deux mondes ont toujours vécu et vivent en harmonie (quand il y a querelle, ce n’est souvent que polémique corporatiste entre les agents chargés de l’écrit).

Bibliothèque et archives

Le numérique a fait éclater tout cela, m’a-t-on déjà objecté. Je n’en crois rien et je l’ai longuement expliqué dans un article publié par le Bulletin des Bibliothèques de France en 2012 sous le titre « L’opposition millénaire archives/bibliothèques a-t-elle toujours un sens à l’ère du numérique ? », en ligne ici. Certes la « documentation » en tant que discipline et pratique professionnelle dédiée à l’utilisateur s’est immiscée entre le livre et le document d’archives mais cela ne change rien au fondement de la bi-fonctionnalité.

Ensuite, l’invariance de la bi-directionnalité des documents engageants.

Je dis volontiers à mes interlocuteurs qu’il n’y a finalement que deux types de documents à archiver :

  1. les documents liés à une relation hiérarchique (dimension verticale) incluant les décisions évidemment (loi, arrêté, délibération, jugement…), mais aussi les documents qui s’y rattachent (comptes rendus, rapports…) ;
  2. les documents issus d’une relation contractuelle (dimension horizontale) qui englobent les actes co-signés (les contrats) et plus généralement tout document échangé qui se trouve opposable à un tiers.

Là encore, on va me dire que la société connectée chamboule tout cela. Non.

Les données, l’information numérique constitue soit un produit d’information ou de connaissance ; soit une trace informative avec valeur commerciale, administrative, juridique (le clic vaut contrat, la touche « entrée » vaut signature, etc.).

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Réflexion sur le vrac numérique http://transarchivistique.fr/reflexion-sur-le-vrac-numerique/ Wed, 11 May 2016 16:10:29 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=650 Continuer la lecture ]]> Vrac numérique1Le mot vrac, d’une manière générale, renvoie à deux réalités bien différentes : le bric-à-brac et le conditionnement en gros.

Il en va de même pour le « vrac numérique » et il convient de distinguer les deux cas de figure.

Halte au vrac ! Vive le vrac !

Le terme vrac comporte une double connotation de mélange d’objets et d’hétérogénéité de ces objets. On trouvera ainsi dans une brocante, pêle-mêle: un roman de Julien Gracq, un album sur l’Aubrac, une statue de saint Patrick, un froc, une cassette VHS de Fric-Frac, 10 grammes de crack, un rapport sur l’Afrique, un décor d’Alexandre Astruc, un disque de rock…

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Évaluation et tableau de gestion http://transarchivistique.fr/evaluation-et-tableau-de-gestion/ Tue, 22 Apr 2014 12:39:40 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=411 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, 22 avril 2014

Évaluation : un mot récent dans l’archivistique française

Les étudiants du master 2 « Métiers de la culture – archives », de l’Université Versailles-Saint Quentin ont organisé le mois dernier (12 mars 2014), dans le cadre de leur formation, un séminaire sur le thème de l’évaluation.

Sollicitée pour participer à ce séminaire, j’ai aussitôt accepté car j’aime rencontrer les étudiants, tout en précisant que, à titre personnel, je n’avais jamais utilisé et n’utilisais pas ce mot d’évaluation, en tout cas pour les archives, tout en le connaissant.

Évaluation, dans le domaine des archives, est l’équivalent français de l’anglais appraisal. Il est apparu il y a quelques décennies, dans la littérature archivistique québécoise d’abord puis internationale et donc française. Pour mémoire, dans le Dictionnaire des archives publié en 1991 par l’Afnor et l’École des chartes (un des premiers ouvrages auxquels j’aie contribué), il n’y a pas d’entrée « Évaluation ». Le terme « appraisal » est donné comme l’équivalent de tri ou de triage. J’avoue que le mot triage a toujours été pour moi un mot obsolète. Ainsi vont les générations…

Evaluation2Pour ma part, quand j’évoque cette tâche qui consiste à apprécier un document, à en déterminer la valeur par un examen interne et une mise en perspective, j’utilise les mots d’analyse et de critique, qui sont des mots de la diplomatique qui m’est si chère. Et je n’éprouve pas le besoin d’autres mots. En revanche, je parle volontiers d’évaluation d’un système, d’évaluation d’un projet ou d’évaluation du risque à archiver ou à ne pas archiver. Le dernier de mes cours de l’unité d’enseignement « Conduire un projet d’archivage / records management » (quand je dirigeais le CS32 de ce satané foutu CNAM) était intitulé « Évaluation » et portait sur les modèles de maturité des projets et les tableaux de bord de l’archivage.

Définitions

Ayant donc, grâce aux étudiants, l’occasion de me pencher sur la question, j’ai commencé par regarder les définitions.

La base de données Terminologie archivistique multilingue du Conseil international des archives recense six définitions pour « appraisal » :

  • The process of identifying materials offered to an archive that have sufficient value to be accessioned. [Pearce-Moses, Richard. A Glossary of Archival and Records Terminology, SAA, 2005]
  • The process of determining the length of time records should be retained, based on legal requirements and on their current and potential usefulness [ibidem]
  • The process of determining the market value of an item; monetary appraisal. [ibidem]
  • The process of assessing the value of records for the purpose of determining the length and conditions of their preservation. [InterPARES 2 Terminology Database. http://www.interpares.org/]
  • A basic records management/archival function of determining the value and thus the disposition of records based upon their current administrative, legal, and fiscal use; their evidential and informational value; their arrangement and condition; and their relationship to other records. [International Council on Archives, Dictionary of Archival Terminology » (Draft Third Edition/DAT III, 1999)]
  • The process of determining the retention period of records. [International Council on Archives ISAD(G), glossaire, 1999].

Côté français, on trouve à l’entrée Évaluation deux définitions:

  • Processus de sélection des activités métier pour déterminer quels documents doivent être capturés et combien de temps il faut les conserver pour répondre aux besoins métier, aux exigences de responsabilité et aux attentes de la communauté. [ ICA-Req, version française, 2010, www.ica.org ]
  • Fonction archivistique fondamentale préalable à l’élaboration d’un tableau d’archivage visant à déterminer l’utilité administrative, l’intérêt historique et le traitement final des documents. [ Direction des Archives de France, « Dictionnaire de terminologie archivisitique, » 2002].

À noter que la première définition n’est pas à proprement parler une définition française mais la traduction française d’une définition anglaise, ce qui n’est pas tout à fait la même chose en archivistique (et pas qu’en archivistique).

Il est intéressant de compléter la liste avec les deux définitions proposées par le glossaire du PIAF (Portail international des archives francophones) :

  • Procédure préalable à l’élaboration d’un échéancier de conservation visant à déterminer les valeurs directes et indirectes et le traitement final des documents.
  • Procédure permettant de déterminer l’intérêt d’acquérir un fonds d’archives privé.

On notera aussi l’utilisateur du mot traitement par le PIAF (j’y reviendrai) et l’apparition du mot sélection dans les autres définitions (le même mot en français et en anglais, selection). À ce sujet, il est intéressant de remarquer que le dossier du dernier numéro 129 de la revue ministérielle Culture et Recherche, consacré aux archives, comporte un article titré « Évaluation et sélection des archives publiques contemporaines ». L’évaluation se positionne ici très clairement sur la sélection des archives historiques, notamment avec les méthodes d’échantillonnage statistique. À vrai dire, l’échantillonnage est une méthode de sélection, et non une méthode d’évaluation car l’échantillonnage statistique intervient après qu’un ensemble de document a été identifié comme présentant un intérêt historique (pour en limiter le volume par un échantillon le plus représentatif possible), et non au moment de l’évaluation. Mais c’est un autre débat.

Évaluation et « tableau de gestion » : encore une histoire d’œuf et de poule…

Je reviens à la définition du Dictionnaire de terminologie des Archives de France. Je l’avais déjà lue, évidemment, mais sans m’y attarder, n’ayant pas d’intérêt particulier sur le sujet. Cette fois ci, un mot accroche mon attention ; c’est le mot « préalable » que l’on retrouve également dans la définition du PIAF. L’évaluation a-t-elle pour finalité l’établissement d’un « tableau de gestion » comme le dit la définition des Archives de France, ou a-t-elle pour finalité de statuer sur le devenir de tel ou tel document, en se basant sur les recommandations d’un texte de référence préétabli ? En réalité, le Dictionnaire des Archives de France parle de « tableau d’archivage » que l’on peut considérer comme le mot savant, le mot vulgaire étant « tableau de gestion », que je mets ici systématiquement entre guillemets, tant il me rebute par son inconsistance linguistique et archivistique.

Donc la question est : l’évaluation se limite-t-elle à la production du « tableau de gestion » conçu comme texte de référence ? Ou est-elle l’opération de gestion facilitée par ce tableau ? L’évaluation précède-t-elle le « tableau de gestion » ou le « tableau de gestion » précède-t-il l’évaluation ? Histoire de la poule qui pond un œuf qui devient poule qui pond un œuf, etc. dans une parfaite interactivité.

Evaluation 1À en juger par les témoignages d’archivistes à la recherche de « tableaux de gestion » (question récurrente sur le forum archives-fr), il apparaît que les « tableaux de gestion » sont recherchés le plus souvent pour le traitement d’un fonds en déshérence ou en souffrance (stock, arriéré, passif) et dans une perspective d’archives historiques, et non pour l’organisation des archives dans les services producteurs. Je note en passant que le mot « évaluation » n’est pas utilisé pars les archivistes dans ce contexte ; le mot qui prédomine est « traitement » des archives.

Il n’est pas rare qu’on se préoccupe de produire un « tableau de gestion » au moment de la fermeture d’un établissement. Je comprends le contexte. Personne ne s’est soucié de l’archivage pendant l’activité de cet établissement et on réalise soudain qu’on va se retrouver avec des monceaux de cartons à détruire ou à déménager, en tout cas, à trier… Mais alors, dans ce cas, pourquoi investir dans un outil qui ne servira plus à rien une fois qu’il sera achevé puisque le fonds ne sera plus alimenté ? Ne serait-il pas plus pertinent et plus rapide de trier directement et de documenter le tri et les critères d’évaluation au fur et à mesure, à partir d’un jeu de rapports annuels dudit établissement ? Dans le cas d’un fonds clos, l’objectif recherché est l’inventaire des archives, pas un « tableau de gestion » one shot. Tout au moins, il conviendrait de revenir dans ce cas de figure à l’expression initiale de « tableau de tri », plus explicite et moins ambiguë.

Évaluer pour qui ?

L’évaluation n’est pas une fin en soi. L’étude attentive des documents ne peut conclure à la définition de leur valeur si on n’a pas préalablement défini des valeurs de référence et des critères d’évaluation. Or, ces valeurs, qu’il s’agisse d’un prix, d’une note ou d’un statut documentaire, ne sont pas absolues mais relatives à la finalité de l’opération.

On n’évalue pas de la même façon une vache quand on recherche une vache laitière et quand on recherche une bête à viande. Les critères d’évaluation sont déterminés en fonction des bénéficiaires, des usagers, des utilisateurs. On n’évalue pas un bien immobilier de la même façon pour souscrire une assurance (tendance à la baisse en général) et pour une annonce de vente (tendance à la hausse).

De même, les critères d’évaluation des documents d’archives dépendent des bénéficiaires de ces documents. Il est évident, pour quiconque s’est trouvé confronté à la responsabilité de gérer des archives que l’évaluation des documents dans leur valeur de trace probante et informative pour le producteur (records), et l’évaluation des documents à retenir pour les archives historiques (archives en anglais) sont des démarches liées mais distinctes.

Bien sûr que l’ensemble des documents qui supportent un risque pour l’entreprise ou l’institution recoupe l’ensemble des documents qui constitueront sa mémoire historique mais les deux ensembles ne se gèrent pas de la même façon. 90% des documents à valeur de preuve seront détruits et l’échantillonnage n’a aucun sens pour le records management. L’évaluation dépend du statut attribué au document considéré et si un document a les deux statuts (record + archive), ce qui arrive régulièrement, il sera nécessaire de l’évaluer sur les deux plans.

L’action d’évaluer est une, mais elle n’a pas de réalité si on ne prend pas en compte ce que l’on évaluer en qualifiant les objets analysés au regard de l’objectif recherché.

Suggestion

C’est pourquoi, il serait utile d’affiner le vocabulaire pour distinguer les deux opérations. Les choses y gagneraient en clarté, pour ceux qui financent ces opérations mais aussi pour les archivistes qui semblent parfois oublier le bénéficiaire derrière le traitement des documents.

En résumé, il y aurait quatre actions à différencier dans le vocabulaire professionnel :

  1. la production d’un référentiel de conservation, outil qui définit les critères d’évaluation des documents à archiver ou à ne pas archiver (records/non records) sur la base des contraintes réglementaires, des risques et des besoins métier ;
  2. la démarche d’analyse des documents, dossiers et données nouvellement produits et dont il faut piloter le cycle de vie, en s’appuyant sur le référentiel de conservation ;
  3. l’élaboration d’un tableau de tri des archives historiques, selon la politique archivistique des instances compétentes ;
  4. la démarche de sélection des documents ayant atteint leur durée de conservation ou laissés à l’abandon, en utilisant le tableau de tri.

Ceci en évitant le « le tableau de gestion » et ses confusions.

 

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Qu’est-ce que les archives historiques? Définitions et théorie des quatre-quarts http://transarchivistique.fr/definition-archiveshistoriques/ Wed, 24 Apr 2013 11:46:13 +0000 http://transarchivistique.fr//?p=1 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, 24 avril 2013

Il n’existe pas de définition légale des archives historiques

La loi française définit les archives comme « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité » (code du patrimoine , article L211).

La loi ne définit pas les archives historiques mais laisse entendre ce qu’elles sont dans les derniers mots de l’alinéa qui suit la définition : « La conservation des archives est organisée dans l’intérêt public tant pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées, que pour la documentation historique de la recherche ». On peut en déduire une définition des archives historiques liée à leur fonction, leur usage, à savoir servir de sources documentaires aux chercheurs. On serait tenté d’ajouter : « quand la recherche porte sur les choses du passé, récent ou ancien » mais ce serait réducteur car on peut tout à fait utiliser les archives historiques pour étudier le présent ou l’avenir (je dirais même que c’est recommandé…).

signatures rPar ailleurs, le code du patrimoine décrit plus précisément un des modes d’entrée dans les archives historiques. C’est le « classement parmi les archives historiques » par analogie avec le classement parmi les monuments historiques institué par Mérimée au XIXe siècle (article L212-15). Ce classement ne concerne toutefois que des archives privées dont l’autorité administrative estimerait a) qu’elles « présentent pour des raisons historiques un intérêt public », et b) que l’attitude de leur propriétaire les met en danger de destruction ou de sortie du territoire français.

Sur la question de savoir à partir de quand des archives sont historiques, s’il y a un âge pour les archives, un délai pour bénéficier de ce qualificatif ou le revendiquer, la réglementation est peu explicite. Qu’est-ce qui est historique dans ce domaine ? Les archives qui ont plus de cent ans ? Sans doute. Les archives qui ont plus de cinquante ans ? Plus de dix ans ? Plus d’un an ?…

Dans la réglementation française, le facteur temps n’entre pas dans la définition ; seul l’intérêt des documents compte. Divers textes d’application de la loi évoquent toutefois le moment charnière où les archives (telles que définies ci-dessus) « font l’objet d’une sélection pour séparer les documents à conserver des documents dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique, destinés à l’élimination ». Les archives retenues par cette sélection constituent les archives historiques, quel que soit le moment où cette sélection intervient, en général « à l’expiration de leur période d’utilisation courante », expression assez floue elle-même quant à l’âge des documents concernés. On peut constater sur le terrain que cette affirmation réglementaire (le texte dit : les archives « font » l’objet d’une sélection et non « doivent faire l’objet ») n’est pas rigoureusement observée.

Le chapitre du code du patrimoine relatif au régime de communication des archives publiques (article L213) définit les différents délais au-delà desquels les archives sont communicables. Ces délais, outre la communicabilité immédiate, s’étende de 25 à 100 ans mais le terme « archives historiques » n’est pas utilisé dans ce chapitre ; on en déduit que les délais s’appliquent également à des documents qui auraient une valeur administrative mais pas de valeur historique, ce qui se conçoit.

Le Dictionnaire de terminologie archivistique, élaboré en 2002 par la direction des Archives de France ne va pas plus loin dans sa double définition de l’expression « Archives historiques » :

http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/static/3226

  1. Documents conservés ou à conserver sans limitation de durée pour la documentation historique de la recherche.
  2. Archives privées ayant fait l’objet d’une mesure de classement par arrêté du ministre chargé de la culture.

Pour la première définition, le dictionnaire renvoie à l’expression « Archives définitives » qui recouvrent l’ensemble des documents conservés à l’issu d’un tri, que ce soit « pour les besoins de la gestion et de la justification des droits des personnes physiques ou morales, publiques ou privées » ou « pour la documentation historique de la recherche ».

On relève cependant que « archives historiques » est un concept plus large car il englobe non seulement les documents « conservés » mais aussi les documents « à conserver », ce qui renvoie bien à l’intérêt que présentent les documents, traités ou pas.

Les règlements européens

En 1983 puis en 2003, le Conseil de l’Union européenne arrête un règlement relatif à l’ouverture au public des archives historiques de la Communauté économique européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Ce règlement est particulièrement  intéressant car il associe à la définition d’archives historiques la notion de temps.

Dès le premier article, le texte dit que les institutions européennes doivent établir des archives historiques et qu’elles doivent les rendre accessibles après trente ans à compter de la production des documents.

L’article précise : « les termes « archives historiques » désignent la partie des archives des Communautés européennes qui a été sélectionnée, dans les conditions prévues à l’article 7 du présent règlement, pour une conservation permanente ».

virementL’article 7 introduit un nouveau critère temporel dans le processus de constitution des archives historiques : « Quinze ans au plus tard après leur production, chaque institution transmet à ses archives historiques tous les documents contenus dans ses archives courantes. Selon des critères à établir par chaque institution en vertu de l’article 9, ces documents font ensuite l’objet d’un tri destiné à séparer ceux qui doivent être conservés de ceux qui sont dépourvus de tout intérêt administratif ou historique ».

Le tri dont résulteront les archives historiques intervient « au plus tard » entre l’âge de quinze ans et l’âge de trente ans. On peut en déduire que les archives historiques sont a minima les archives de plus de trente ans, et que le statut d’archives historiques s’acquiert à cette date ou à l’âge de 15 ans voire avant.

L’accessibilité des archives au public, dont la règle générale est de trente ans, connaît aussi des exceptions pour des raisons de protection de la vie privée, des intérêts commerciaux et des procédures juridictionnelles. À noter que l’accessibilité n’intervient pas dans la définition des archives historiques. Elle intervient dans leur gestion et leur utilisation.

Ce qui est nouveau dans ce règlement est la date butoir de versement au fonds des archives historiques des documents de plus de quinze ans, avec les quinze années de plus pour effectuer le tri, avant cette seconde date butoir de trente ans qui correspond à la mise à disposition du public.

Pour qui connaît les tris d’archives, ce texte est ambitieux. Il y a là une obligation de résultat qui interroge sur les moyens à mettre en œuvre, mais aussi sur la méthode de tri.

L’article 9 du règlement, qui fait obligation aux institutions de « publier annuellement une information concernant ses activités en matière d’archives historiques » est également assez nouveau et contraignant au regard des pratiques existantes d’une manière générale (en dehors des institutions européennes). Le fait de devoir communiquer, un tant soit peu sur le fonds d’archives historiques oblige à mesurer non seulement les volumes mais encore la nature des documents et leurs dates, la proportion qui est communicable ou non communicable, l’état de classement et d’inventaire.

Essai de définition des archives historiques

Dans mon Nouveau glossaire de l’archivage (2010), je donne la définition suivante des archives historiques : Documents qui constituent les sources originales de la connaissance du passé d’une institution, d’une entreprise, d’une famille ou d’une personne ».

actionPar comparaison avec les définitions précédentes, j’insiste sur deux points :

  • d’une part le caractère original des documents (je ne précise pas mais on peut comprendre original par opposition à copie, mais également original en termes de contenu, quelle que soit la forme diplomatique) ;
  • d’autre part, le « complément d’objet » de l’expression « archives historiques » : les archives historiques de quoi ? Ou plus exactement de qui ? Je considère qu’il n’est pas pertinent de parler des archives historiques en général, en soi, mais bien en lien avec l’entité juridique productrice de ces archives, ou au moins de la communauté ou de la personne qui en assume l’héritage : les archives historiques de la France, de l’entreprise Renault, du département de la Creuse, de la ville d’Étampes, de la commune d’Aubervilliers, de la famille d’Ormesson, de Guy Debord, etc..

Cette définition exclut délibérément les documents divers et variés collectés sur un thème donné, car ce n’est pas le thème dont parlent les archives qui font les archives mais leur provenance, leur producteur (je n’ose dire leur géniteur) dont les archives tracent l’activité.

Il n’est pas question dans cette définition non plus d’âge des archives, d’une limite temporelle qui apporterait la consécration du statut historique, une forme de « majorité historique » en quelque sorte. C’est que le caractère historique d’un document n’est pas intrinsèquement lié à son âge.

La valeur historique d’un document, en tant que source de connaissance du passé, « n’attend pas le nombre des années ». Elle peut s’apprécier au moment même de la production du document comme elle peut n’apparaître que plus tard, à la lumière d’événements ultérieurs.

projet tour EiffelLa définition de ce qui est historique ou non relève parfois de critères objectifs mais plus souvent de critères  subjectifs ou relatifs. Les décisions des instances dirigeantes ou les brevets d’une entreprise sont historiques du simple fait qu’ils jouent un rôle majeur dans l’exercice des activités de l’institution ou de l’entreprise. En revanche, des dossiers d’études ou des correspondances n’auront pas la même couleur selon la politique du propriétaire ou du gestionnaire des archives, ou en fonction de l’éclairage donné par les  tendances de l’historiographie, laquelle évolue avec les générations. De même, le poids historique d’un dossier isolé n’est pas le même que le poids historique d’un dossier dans une série de 1000 dossiers issus du même processus.

En résumé, est historique ce que le responsable des archives historiques a estimé être historique, avec trois facteurs-clés :

  1. le caractère officiel ou non des documents (les documents officiels sont beaucoup faciles à trier) ;
  2. le rattachement hiérarchique du responsable qui opère la sélection (archives historiques gérées dans l’institution ou archives historiques recueillies dans un service public d’archives) ;
  3. le temps qui s’est écoulé entre la production et la sélection (atout du recul).

Ainsi que je l’ai mentionné plus haut, la qualité d’archives historiques est complètement dissociée des critères d’accessibilité (au sens de droit d’accès et non de possibilité technique de repérage) ; le terme de communicabilité serait d’ailleurs plus approprié ici.

Ceci dit, peut-on se contenter de qualifier un ensemble de documents d’archives historiques sans décrire davantage la nature de la collecte et de la sélection ?

La théorie des quatre-quarts

C’est en m’efforçant de répondre à cette question que j’ai élaboré la théorie des quatre-quarts dans la constitution d’un fonds d’archives historiques.

Ma première réflexion, qui remonte à 2005, m’avait conduite à diviser tout fonds d’archives historiques en fonction de la provenance des documents, avec deux grandes composantes :

  • les trois-quarts des archives sont des documents de preuve, de traçabilité ou de mémoire métier issus des activités de l’entreprise ou de l’organisme producteur, autrement dit des documents soumis à des durées de conservation énoncées et gérées par le producteur, que ces durées soient échues ou non ;
  • le dernier quart est constitué par des documents « périphériques », qui auraient pu ne pas exister, ou qui auraient pu ne pas être conservés, potentiellement produits ou reçus hors de l’institution  ou de l’entreprise en question et que le responsable du fonds d’archives (l’archiviste) collecte dans son réseau, grâce à son expertise et à son intuition : dossiers personnels ou semi-personnels de dirigeants, de secrétaires, d’agents techniques ou de chercheurs, ou documents collectés à l’extérieur de l’institution ou de l’entreprise.

C’est pourquoi j’avais d’abord appelé ma théorie la théorie des 75-25.

Mais en analysant plus à fond le mode de collecte des 75%, je parviens à trois parts distinctes :

  1. les documents officiels (engageants, probants) majeurs, historiques par nature et publics (librement accessibles ou communicables) dès leur production ;
  2. les documents engageants ou stratégiques et donc la valeur historique est détectable dès la création mais confidentiels (les contrats, les courriers, certains rapports) ;
  3. les documents secondaires sont la valeur historique potentielle ne peut apparaître qu’avec le recul du temps et les documents sériels qui ne présentent pas d’intérêt à être conservés en totalité.

Avec les documents « périphériques », il y a donc bien quatre-quarts d’archives historiques.

Il est évident que les quatre quarts ne sont pas et n’ont pas à être équivalents en termes de volumes physiques. La théorie vise à structurer la constitution du fonds d’archives historiques et les modalités de mise en œuvre de la collecte et de la conservation. Plus précisément, cette approche veut mettre en évidence les compétences et les responsabilités associées à la gestion archivistique de chaque quart.

Théorie des quatre-quarts et modalités d’application

1. Documents officiels majeurs et publics

Ces documents sont constitutifs des archives historiques dès leur publication ; ils peuvent éventuellement rejoindre physiquement le fonds d’archives historiques très vite dans la mesure où il y a soit plusieurs exemplaires à la production, soit on peut considérer que l’original va aux archives et que les services travaillent avec une copie.

2. Documents engageants et confidentiels

Ces documents sont gérés conformément au référentiel de conservation de l’entreprise ou de l’organisme, selon la politique d’archivage mise en œuvre ; ils rejoindront les archives historiques quand leur caractère confidentiel sera levé ou, plus facilement, à la fin de leur durée de conservation en application des risques de non-disponibilité ou des besoins métiers.

Le conseil de l’union européenne a fixé cette intervention à trente ans après la production, sauf cas spécifique de protection des personnes et institutions.

3. Autres documents à valeur de preuve ou d’information

C’est le « quart » le plus délicat à gérer ; les documents sont identifiés, pendant leur cycle de vie au sein de l’entreprise ou de l’organisme, comme portant une éventuelle valeur historique, ce qui soumet leur sort final à échéance de la durée de conservation au regard expert d’un archiviste qui opérera la sélection.

Le conseil de l’union européenne a fixé cette intervention à quinze ans après la production.

4. Documents « périphériques »

Collecte active, comparable à celle d’un conservateur de musée qui doit repérer les plus belles pièces qui valoriseront sa collection, car les archives historiques sont une collection, dans un périmètre délimité par la provenance.

appel électeurs 1924

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