Après la question d’un marchand d’autographe sur l’imprescriptibilité des documents d’archives publiques, j’ai été récemment interrogée par une architecte qui, répondant à un concours pour la réhabilitation d’un bâtiment communal ancien en « bâtiment d’archivage », cherchait à savoir « ce que représente en ml d’archives 30 années d’archivage pour une municipalité ».
J’ai immédiatement pensé au temps de refroidissement du canon…
La question est légitime et c’est finalement assez naturel et sain que des professionnels extérieurs au monde des archives se la posent. Malheureusement, si cette architecte n’a pas trouvé de réponse standard, c’est parce qu’il n’en existe pas.
Certes le mètre linéaire est l’unité de mesure des archives (notion que j’ai naguère longuement analysée) mais c’est une unité de mesure logistique qui intervient essentiellement dans la description d’une réalité d’archives papier, et rarement, pour ne pas dire jamais, dans la définition d’un standard de document à produire, dans l’énoncé d’une prescription. Conditionner la création des archives à leur encombrement physique ne se rencontre que dans des récits imaginaires ou humoristiques : « Vous me ferez deux mètres linéaires de rapports pour le 15 mai prochain, sinon vous êtes viré ». L’anecdote serait encore plus marrante dans un environnement numérique…
Trop d’éléments entre en ligne de compte pour pouvoir énoncer une formule simple de calcul « administratif », ou même archivistique de ce métrage linéaire, lequel métrage existe pourtant dans chaque localité. Il faut tenir compte de :
D’autres critères interviennent sans doute dans cette affaire mais l’âge du maire n’y est pour rien (encore que…).
L’élasticité comparée des fonds d’archives est une chose proprement étonnante. Je l’ai constaté personnellement jadis quand mes fonctions m’ont amenée à visiter les archives de quelques centaines de petites communes. L’hétérogénéité est tout aussi intéressante dans les archives départementales : bien qu’il existe peu d’études chiffrées sur le sujet, il y a une référence que j’aime bien rappeler (une journée d’étude de 1994 sur les archives de la santé) : pour les trois départements des Pyrénées-Orientales, de Côte-d’Or et de l’Eure, la série d’archives départementales relative aux questions de prévoyance sociale (XIXe et XXe siècles) correspond respectivement à 13 mètres, 350 mètres et 725 mètres, sans qu’on sache expliquer ces écarts.
Cependant, si « on » voulait définir une réponse standard à ce type de question, il y aurait plusieurs façons de procéder. J’en citerai trois :
Ceci dit, on peut toujours sortir un chiffre au doigt mouillé. Ayant trempé le mien dans trente-cinq ans de cocktail archivistique, je dirai par exemple que 1 mètre linéaire de rayonnage est largement suffisant pour concentrer l’essentiel des archives physiques pérennes produites par une commune de moins de 2000 habitants, soit 30 mètres ou 6 armoires pour trente ans ; estimation portée à 25-30 ml annuels pour une commune de 100 000 habitants, soit 750-900 mètres linéaires pour trente ans, soit encore une salle d’environ 130 à 160 m².
Bref, cette question est tout de même une fausse question. La vraie question, celle que devrait se poser systématiquement l’autorité municipale, est la double question suivante : avons-nous archivé tout ce que devions archiver (c’est-à-dire toutes les traces engageants et mémorielles de l’activité communale) et ces archives sont-elles bien conservées ?
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