record – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr Mon, 29 Jan 2018 21:00:42 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.3.6 http://transarchivistique.fr/wp-content/uploads/2013/03/cropped-désert-tunisien-eau-verte-2-32x32.jpg record – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr 32 32 Traduction de « record » dans le Règlement européen pour la protection des données personnelles http://transarchivistique.fr/traduction-de-record-dans-le-reglement-europeen-pour-la-protection-des-donnees-personnelles/ Mon, 29 Jan 2018 21:00:41 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=924 Continuer la lecture ]]> Le Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) est la version française du General Data Protection Regulation (GDPR). Une traduction technique et juridique a priori.

C’est pourquoi il n’est pas banal de constater qu’un même mot anglais est traduit par quatre mots français différents. C’est le cas du mot « record » qui, selon les passages, devient : dossier, archives, registre et enregistrement.

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La norme ISO 15489 s’est-elle fait hara-kiri? http://transarchivistique.fr/la-norme-iso-15489-sest-elle-fait-hara-kiri/ Mon, 13 Mar 2017 17:36:28 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=714 Continuer la lecture ]]> La norme internationale ISO 15489, texte fondateur et prometteur pour le records management, publiée en 2001 (je m’étais alors très impliquée dans les débats et dans la traduction française du texte), ne donne plus signe de vie.

Elle n’a été ni supprimée ni officiellement condamnée. Au contraire, elle a été révisée par l’ISO en 2016. Pourtant, on n’en parle pratiquement plus en France. J’ai récemment envoyé la requête « iso 15489 2016 » à Google et à Qwant. Les résultats sont peu nombreux et renvoient tous au site de l’ISO et un peu de l’AFNOR. Je suis allée voir la page ISO 15489 sur Wikipédia : aucune mention de la nouvelle version validée par l’ISO en 2016…

Que s’est-il passé ? Pourquoi cette norme de management de l’information centrée sur le processus d’archivage des documents à risque a-t-elle sombré dans l’oubli et l’indifférence alors que les enjeux du mauvais archivage ou du non-archivage n’ont jamais été aussi prégnants ? Quelles sont les raisons de cette disgrâce, ou du moins les causes de cette décadence ? Je vois trois explications.

Tout d’abord, les excès de normalisation

Lors de la publication d’ISO 15489 en 2001, cinq ans seulement après la proposition des records managers australiens de faire profiter la communauté internationale de leur expérience, tout le monde a salué la pertinence du texte, sa qualité, sa clarté, sa sobriété. Pour la France archivistique, dont le centre de gravité se situait (et se situe encore largement) entre les archives « intermédiaires » et les archives historiques, ISO 15489 représentait une salutaire révolution avec ses deux messages essentiels :

  1.  les documents qui engagent la responsabilité et dont la non-disponibilité dans le temps présente un risque doivent être pris en charge par le management de l’organisation dès leur création ;
  2. les documents eux-mêmes doivent viser des qualités d’authenticité, intégrité, fiabilité et exploitabilité, tandis que les systèmes qui les gèrent doivent être fiables, intègres, conformes à la réglementation, exhaustifs, systématiques.

Après la publication de la norme, les instances de normalisation se sont engagées trop vite dans la production de nouvelles normes, sans se préoccuper véritablement de la diffusion des normes existantes, comme si la normalisation était une fin en soi et que la mise en œuvre des normes fondamentales (ISO 15489 est une norme fondamentale) n’était pas un objectif prioritaire ! Je me souviens avoir été sollicitée dès 2001 pour travailler sur les normes « filles » d’ISO 15489, alors que la norme n’était pas encore connue des principaux utilisateurs ; j’avais donc refusé.

En 2008, au moment de la publication de MoReq2-Exigences types pour la maîtrise de l’archivage électronique (norme de fait européenne), ISO 15489 était toujours LA norme de référence pour les projets d’archivage, notamment pour les entreprises qui rejoignait alors le CR2PA (Club des responsables de politiques et projets d’archivage) nouvellement créé. Depuis lors, le CR2PA s’est donné pour objectif, au travers de ses tables rondes et de ses référentiels, de promouvoir ces concepts majeurs de la gouvernance de l’information dans l’entreprise : implication du management, documents à risque pris en compte dès la création, caractère transverse et systématique de l’archivage, d’où la naissance de l’expression « archivage managérial » qui résume bien tout cela. Faire passer ces concepts fondateurs était prioritaire. Du reste, les adhérents du CR2PA ont toujours dénoncé le « maquis des normes ». Trop de normalisation tue la normalisation.

Ensuite, la confusion terminologique

Les traductions françaises de MoReq et d’ICA-Req (ISO 16175) s’inscrivaient dans le prolongement de la version française d’ISO 15489, avec les évolutions ou les ajouts induits par le contexte de l’archivage électronique, et tout cela était clair et progressif.

En 2011, la production d’une nouvelle série de normes (ISO 3030X) dédiée au management et à l’audit du système de gestion des documents archivés (management system for records) s’est accompagnée en France (AFNOR) d’une révision fantaisiste des principes de traduction débouchant sur des textes incompréhensibles par les utilisateurs. Le fait de traduire l’anglais record qui désigne le document qui, en raison de sa portée et/ou de son contenu, est mis à part (set apart) dans un système de contrôle et de conservation dédié pour une utilisation ultérieure, le fait donc de traduire record par « document d’activité » est un contre-sens, une aberration et une contre-performance :

  • un contre-sens car l’essence du mot record (qui est d’enregistrer dans un système ce qui est digne de figurer dans les archives) est complètement bafouée ; c’est comme si, voulant parler des lauréats à un concours, on utilisait le mot « candidat »… Or, il existe sur les serveurs des entreprises 70% de documents / données qui ne sont pas contrôlés et qui sont sans intérêt et qui sont tous issus des activités de l’entreprise ;
  • une aberration car « document d’activité » est une expression forgée à partir de rien de connu, que personne n’emploie au quotidien (même ses auteurs) et, loin d’éclairer l’utilisateur, elle obscurcit le paysage et désoriente celui qui cherche justement à s’orienter ;
  • une contre-performance car elle a coupé pour le public francophone le lien naturel entre ces nouveaux textes et la norme mère ISO 15489 et ainsi largement contribué à la désaffection des entreprises pour ce texte pourtant si solide.

Nul doute que ce choix linguistique malheureux a accéléré l’enterrement dommageable d’ISO 15489. La norme est morte, vive la norme ! Oui, mais laquelle ? Ce n’est plus la norme élaborée par l’expérience et l’expertise mais la norme issue du comportement du plus grand nombre, balloté par la valse des technologies et les acteurs du numérique.

Enfin le tournant de la société connectée

Le délai de révision des normes internationales est généralement de cinq ans. ISO 15489 aurait dû être révisée en 2006. On aurait pu attendre 2010, en tout cas vu de la France où l’appropriation de la norme était un vrai défi. Mais, tant pis si je me répète, le désir académique de publier de nouvelles normes l’a emporté sur le devoir d’accompagner les meilleures normes sur le terrain.

Le temps a passé et le texte révisé arrive trop tard en 2016, comme l’ont justement souligné certains experts anglo-saxons.

Il aurait fallu anticiper les impacts profonds et durables de la société connectée sur les principes fondamentaux du records management, intégrer dans le projet  de révision de la norme les nouvelles formes des échanges numériques engageants (mails, réseaux sociaux…), le nouvel environnement de production de l’information à archiver, la tendance technologique (déjà soulignée par MoReq2010 et ICA-Req, module 3) à sécuriser et conserver les documents dans leur environnement de production, la nécessité de centraliser les règles sur les archives et non les archives elles-mêmes, les contraintes qui en découlent en termes d’interopérabilité, la puissance des moteurs de recherche et des algorithmes qui périment complètement la vision de l’accès à l’information archivée, voire les questions de la territorialisation des données et de la protection des données à caractère personnel.

Ces éléments ne sont pas suffisamment pris en compte dans la révision récente de la norme. Le temps a passé et la norme a raté le coche du XXIe siècle qu’elle avait pourtant si bien inauguré. Ceux qui avaient la main pour formaliser ces évolutions inéluctables et les introduire dans le cadre de référence normatif officiel des projets d’archivage ne l’ont pas fait ou pas suffisamment tôt.

Les utilisateurs se sont donc tournés vers d’autres initiatives, plus éclatées, plus disparates. Les travaux du groupe InterPARES dont le projet n° 4 (2013-2018) vise les « digital records and data entrusted to the Internet » autrement dit les documents et données engageants dont l’archivage est confié à Internet, sont particulièrement pertinents mais ils sont malheureusement peu connus en France et ils ne sont accessibles qu’en anglais. Les deux MOOCs du CR2PA (« Bien archiver : la réponse au désordre numérique » et « Le mail dans tous ses états ») se sont efforcés d’adapter les fondamentaux d’ISO 15489 au « tsunami numérique » et ont remporté un succès certain. Mais la force d’inertie des institutions a eu raison des promesses d’ISO 15489.

Alors, ISO 15489, délaissée, a quitté le champ de bataille ; elle s’est perdue dans les nuages ou a fini par se percer le flanc… Quel que soit le mode opératoire de sa disparition, elle n’est plus là et les entreprises doivent se débrouiller avec d’autres références naissantes qui risquent de disparaître à leur tour. Cent fois sur le métier…

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What is a record? en 9 points http://transarchivistique.fr/what-is-a-record-en-9-points/ Sat, 22 Aug 2015 08:24:13 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=548 Continuer la lecture ]]> 1/ For decades, on a regular bases, there are discussions about this question among professionals and some neophytes, people wondering which kind of thing a record is. And there is, since fifteen years, a ready-made answer with the official definition in ISO standard 15289: “information created, received, and maintained as evidence and information by an organization or person, in pursuance of legal obligations or in the transaction of business”.

2/ Involved in the standardization of records management for a long time and as a translator of the English version of ISO 15489 (2001) into French, I liked this definition. I do no more, I mean I like it not so much as before. What  is wrong with this definition ? There are too many “and” and “or”: created, received, and maintained, evidence and information, organization or person, legal obligations or transaction of business. At the end, the definition encompasses too many situations and does not focus on the main issue: the value of the information object for its owner. The preposition I like in the definition is “as” (as evidence and information).

3/ According to Barbara Reed, the new version of ISO 15489 (work still in progress) has introduced the adjective “authoritative” to enforce the concept of record. An authoritative record is an authentic and reliable record, with integrity and useability. Non-authoritative records are supposed to be this information mechanically transferred to a place of storage regardless to its value. I understand in this point that the word record is no more self-understanding to mean “important information/document to be kept and retrieved”.

4/ Focusing on the value should help to make the difference between the intrinsic value (what is the object useful for?) and extrinsic status (it has been transferred to a record center, so it is a record). There are three possibilities: a) information/document with record value is located in the record center; b) information/document with record value is outside or not yet in the record center; c) information/document without any record value is kept in the record center. Among the three, only the first one is relevant for good records management. The issue is exactly the same with the French word “archives” which has been the translation for records for seculars”; the word “archives” is nowadays often understood as “historical archives”, “useless old papers” or (electronic) archives files…

Record25/ Another comment on the current ISO definition is that it should be designed to be clearly understood everywhere, so that the right word (or expression) to translate “record” could be easy to find out in any language. Whatever you name them, records exist everywhere. But the fact is that a couple of years ago, the French Agency for standardization, AFNOR, choose “document d’activité” as the French word for “record”. Despite French is my mother tongue and records management my business for years, I don’t understand what a “document d’activité” is… All documents are linked to an activity, aren’t they? It means everything, i.e. it does not mean anything. During my professional life, in the one hundred organizations I worked for, I have never heard this expression. The only results of this translation are that a) I do not trust AFNOR anymore; b) I am still awaiting a better definition to make it clearer to everybody.

6/ Looking after some news words to explain the concept, I noticed in one of the latest discussions, the following sentence from Luciana Duranti: a record is “a byproduct of [business], in a fixed form and stable content”. I like the word “byproduct”; it is very expressive (I think the best French word to translate it in this context is “trace”). Byproduct underlines that a record does not exist by itself but in relation to the process it comes from. This byproduct is the written evidence of an event. It is non only “maintained” as evidence or information; it states as evidence from the beginning; maintenance comes after. The fixed form and the stable content are the way to maintained this evidence. This is diplomatics.

lucky-records7/ Going on, I wonder if it would not be more relevant to define a record in a subjective way than to look for an objective description. I agree with Luciana Duranti when she says (cf the same discussion) that “a record is what you consider as a record”. The question is: “Why should you consider this object as a record? And the answer is, in my opinion and experience: “because the lack of it pose a risk, or because its bad quality (lack of accuracy, completeness, fixity, metadata…) could be troublesome in the future.

8/ During the last decade, I have listen to French speaking people outside the field of records management (I mean engineers, lawyers, managers, technicians, assistants, and so on) and to the words they used to mean “this set of information likely to help in the course of business, in connection with regulatory environment and risk of litigation. The most frequent expression I have met in France and European entities is “document engageant” (the CR2PA members are familiar also with this expression).

9/ That is the reason why, for an efficient records management, I prefer to use the following definition of “record”: (first in French) La trace écrite d’une action qui engage la responsabilité et dont la mauvaise maîtrise (conservation, accès) engendre un risque. I attempt to translate my definition in English: “The written byproduct of an accountable action, the mismanagement (retention/preservation and access) of which put you at risk” (to be improved).

Recors_Trésor langue française-extrait

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Les six catégories de ‘records’ d’InterPARES http://transarchivistique.fr/les-six-categories-de-records-dinterpares/ Sun, 29 Jun 2014 20:43:56 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=443 Continuer la lecture ]]> Le groupe de recherche international pluridisciplinaire InterPARES, créé et dirigé depuis 1997 par Luciana Duranti, professeur à l’École des bibliothèques, archives et sciences de l’information de Vancouver (Colombie britannique, Canada) contribue activement à élaborer la théorie archivistique du XXIe siècle.

InterPARES a lancé en 2013 son 4e projet, nommé InterPARES Trust consacré à la confiance numérique et dont j’ai l’honneur d’être le partenaire français.

Tout au long de ses travaux, InterPARES a construit un glossaire, intégré à la base de données « Terminologie archivistique multilingue » mise en ligne l’an passé par le Conseil international des Archives.

Ce glossaire comporte notamment un groupe de six qualificatifs et de leurs définitions intitulé « The six categories of records », inspiré par Luciana Duranti qui a notamment écrit à la fin du siècle dernier : « Le records management trouve ses racines dans la diplomatique ».

Les étudiants de mon ex-enseignement au CNAM sont familiers de ces six catégories de documents d’archives d’InterPARES mais il est étonnant et regrettable que ces définitions ne soient pas plus connues, débattues, pratiquées en France.

Voici les six termes et leurs définitions, en anglais et en français (j’ai ajouté en français quelques exemples) :

Ip-DisrecDispositive record. A retrospective record whose purpose is to put into existence an act, the effects of which are determined by the writing itself; that is, the written form of the record is the essence and substance of the act.
Décision. Un document qui énonce une action à exécuter en précisant les effets attendus ; ce qui signifie que l’écrit constitue l’essence et la substance de l’acte. Ex : délibération, arrêté.

Ip-ProrecProbative record. A retrospective record for which the juridical system requires a written form as evidence of an action that came into existence and was complete before being manifested in writing.

Contrat. Un document dont la forme est conditionnée par le droit en vue de prouver un acte conclu et réalisé avant d’être consigné par écrit. Ex : contrat notarié (« authentique ») ou contrat sous seing privé.

Ip-InsrecInstructive record. A prospective record that contains instructions about executing an action or process.

Instruction. Document qui décrit les actions à mener pour mettre en œuvre une décision ou un processus. Ex : procédure, circulaire, mode opératoire, manuel, lettre de mission.

Ip-NarrecNarrative record. A record constituting written evidence of activities that are juridically irrelevant.

Rapport. Document qui relate et trace des faits dépourvus de valeur juridique. Ex : rapport d’enquête, rapport d’étonnement, récit.

Ip-SuprecSupporting record. A retrospective record constituting written evidence of an activity that does not result in a juridical act, but is itself juridically relevent.

Pièce justificative. Trace écrite d’une action qui, sans constituer un acte juridique, est juridiquement recevable. Ex : devis associé à la commande, tableau de choix associé à la décision de choix.

Ip-EnarecEnabling record. A prospective record encoded in machine language that is actively involved in carrying out an action or process.

Document auxiliaire. Programme [informatique] indispensable  la réalisation d’une opération ou d’un processus. Ex : formulaire, formules de calcul ou de mise en forme.

Ma traduction n’est pas littérale car j’ai voulu privilégier la compréhension du message. La traduction systématique, mot à mot, en particulier de « record » qui fait partie du nom des six catégories, aurait inévitablement alourdi et compliqué les définitions. Les substantifs de la langue française utilisés ici pour restituer les types de record ou de document sont plus variés (décision, trace, écrit, instruction, rapport, pièce justificative…) et incluent le qualificatif associé à « record ». La preuve que le français n’est pas systématiquement plus long et plus lourd que l’anglais…

Si on réfléchit un peu, il apparaît que ces catégories archivistiques d’InterPARES sont très simples, basées sur les rôles principaux que jouent les traces écrites dans les relations entre les personnes, pour la constitution de la preuve et de la mémoire. Ces catégories relèvent de la diplomatique universelle (décision unilatérale, contrat, rapport, pièce justificative…) et elles font écho à des réalités de la vie documentaire quotidienne. Pourtant, elles ne sont pas très visibles en France et surtout peu utilisées et peu valorisées.

Ce qui me séduit le plus dans cette catégorisation des documents à archiver (records), c’est la simplicité, l’exhaustivité et le non recouvrement des six catégories. Il est extrêmement réconfortant de se dire que six cases suffisent pour évaluer de manière pertinente l’ensemble des documents engageants et de mémoire qu’il faut conserver, et les répartir dans une structure logique qui permet d’appréhender en un clin d’œil les priorités et les enjeux.

6 catégoriesJe dois avouer cependant que la dernière des six catégories (enabling record / document auxiliaire) ne m’a pas totalement convaincue dans sa forme actuelle. Le caractère exclusivement informatique de cette catégorie (machine language) ne correspond pas au principe de valeur universelle dont je parlais plus haut ; une catégorisation universelle (ce que je veux continuer à voir dans cette approche d’InterPARES) devrait s’appliquer à toute trace écrite quel qu’en soit le support. Cependant, la notion d’écrits qui ne représentent rien d’engageant en eux-mêmes mais qui sont indispensables à la production d’une décision (tous les éléments logiciels qui entrent dans les systèmes comptables ou de production de tarif par exemple) existe aussi, d’une façon beaucoup plus sobres dans l’environnement papier, me semble-t-il ; ce sont d’une part les registres et formulaires pré-imprimés (vierges), d’autre part les modes de calculs et autres barèmes qui sont autant d’outils (auxiliaires) pour la production d’une décision « papier » complète.

J’ai délibérément ignoré dans un premier temps deux qualificatifs importants des définitions anglaises, sur lesquels je reviens maintenant. Il s’agit des termes prospective et retrospective, que l’on peut traduire simplement en français par prospectif et rétrospectif. Ces deux termes apportent une précision sur le contexte de production des documents qui engagent leurs auteurs en les classant de manière binaire dans deux ensembles très intéressants quand on se penche aujourd’hui sur la conception d’une chaîne de dématérialisation :

  • ceux qui sont produit après les faits qu’ils consignent, rétrospectivement, comme une décision écrite après l’accord oral des membres du comité de direction ;
  • ceux qui sont produits avant la matérialisation des faits qu’ils visent, comme les procédures à suivre.

Cette typologie, basée sur le mode de production des écrits, orientée sur la valeur de l’écrit et le rôle que joue et pourra jouer le document, est très structurante. Elle peut véritablement aider le professionnel de l’information, confronté à la nécessité de qualifier un document pour statuer sur la bonne règle de conservation à lui appliquer, en lui fournissant un cadre de lecture solide et efficace, parce que simple et atemporel.

J’approfondirai et illustrerai davantage ces notions fondamentales dans le stage de diplomatique de novembre 2014.

 

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Le record, la poule et l’œuf http://transarchivistique.fr/le-record-loeuf-la-poule/ http://transarchivistique.fr/le-record-loeuf-la-poule/#comments Sun, 23 Feb 2014 18:45:31 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=331 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, 24 février 2014

Les records au sujet des œufs et des poules ne manquent pas : poule qui a pondu le plus d’œufs dans l’année, œuf le plus gros ou le plus petit, œuf le plus lourd, et autres événements extraordinaires dignes de figurer dans le grand livre des records.

Poule et oeufMais c’est bien sûr de l’autre sens de « records » dont je veux parler ici, celui du mot anglo-saxon que les professionnels de l’information français semblent affectionner si j’en juge par le nombre de fois où j’entends : « Quand faites-vous votre cours sur le record ? ». « Comment marquer le passage du document au record ? ». « Ce sont les métadonnées pour la conservation du record », etc.

Ce record-là se prononce en général avec un « r » qui roule un peu, un « e » tirant sur le « i » et un « d » prononcé, ainsi que le « s » final au pluriel ; il donne lieu à des variantes d’accentuation (syllabe initiale, finale), tout comme son associé « management ».

Je m’étonne toujours de l’engouement pour ce franglais et de la confusion qui l’accompagne. Est-ce pour sacrifier à la mode ? Est-ce parce que cela sonne bien ? Est-ce pour éviter de parler du fond ?

Toujours est-il que j’ai personnellement de plus en plus de mal à comprendre le sens précis que donnent à ce mot ceux qui l’emploient.

Il est vrai que, y compris en anglais, le concept peut paraître subtil et il achoppe notamment sur le moment de la « record creation ». Naît-on record ou le devient-on ? Un document est-il record par nature ou par destination ? Autrement dit, qu’est-ce qui prédomine dans le statut de record, les qualités intrinsèques du document ou le fait qu’il soit capturé ou enregistré (recorded) dans un système ? That is the question. Est-ce le record préexiste au système et que le système est créé pour accueillir le record ? Ou est-ce le système préexiste et crée les records ? C’est l’histoire de l’œuf et de la poule. Nous y voilà !

La réponse n’est pas tranchée parce que la question est mal posée.

Le record, le document et le système

Le problème vient de l’utilisation d’un même mot pour désigner deux notions distinctes : d’une part, le statut propre d’un document dans le processus métier qui le crée ; d’autre part, l’appartenance d’un document à un ensemble organisé de documents, délibérément regroupés pour constituer un fonds documentaire à des fins de preuve et de mémoire.

Plus exactement, le problème vient de ce que les deux périmètres ne se recouvrent pas alors que justement ils devraient se recouvrir. Je veux dire qu’un document qui engage celui qui l’a créé ou qui présente un intérêt dans le temps pour celui qui l’a reçu, devrait être systématiquement rattaché à un système de gestion capable d’accompagner son cycle de vie aussi longtemps que nécessaire. C’est exactement le principe du records management et c’est bien ce que beaucoup de personnes ne semblent pas avoir complètement compris dans cette démarche qui n’est pas plus anglo-saxonne que russe, allemande ou française mais relève du bon sens et du sens des responsabilités.

La logique veut que les actes majeurs du pouvoir, de l’administration, de l’activité économique, de la vie familiale, etc. soient consignés quelque part, dès leur établissement, pour servir de référence et de témoignage : procès-verbaux de délibération, registre d’état civil, jugements, minutier des notaires…). Mais la production documentaire ne s’arrête pas aux actes majeurs.

Les documents qui ne sont pas des contrats ou des décisions signés, numérotés, enregistrés, diffusés, sont-ils des records ? Si non, pourquoi ? Si oui, à partir de quel moment ?

La bonne question à poser est une double question :

  1. quels sont les documents qui présentent une valeur de conservation en tant que trace d’une activité qui engage la responsabilité ?
  2. comment sont-ils pris en charge par un système qui garantit leur qualité (authenticité, fiabilité, intégrité, exploitabilité pour reprendre les exigences de la toujours excellente norme ISO 15489) ?

La question sur les documents appelle une réponse en trois étapes : pertinence du document pour l’entité juridique qui le détient, poids du document au regard des risques, recul du temps pour une révision des risques et des besoins.

1/ Tous les documents ne sont pas des records.

La première évidence quand on parle de records management est que tous les documents produits dans le cadre d’une activité, d’un processus, d’une institution, d’un projet, etc. ne sont pas, ne seront pas, n’ont pas vocation à être des records. Il faut le dire, le répéter, l’écrire car cette vérité ne semble pas partagée.

Le statut de record se définit d’abord par la valeur que présente le document pour son détenteur : est-il où non porteur de quelque chose dont la disparition serait dommageable au respect de la réglementation et à la défense des droits ? L’expression « a document is set apart AS a record », que l’on retrouve dans plusieurs normes ou textes de référence du records management, est assez explicite sur le fait qu’un record est un document dont on a estimé, en raison de ce qu’il est, en fonction de sa valeur d’actif informationnel, etc. dont on a estimé qu’il devait être placé dans un lieu protégé où l’on veillerait sur sa vie en vue d’une consultation ou d’une utilisation éventuelle. Il y a un choix humain, ou du moins une validation de cette valeur de record. C’est exactement le sens de l’expression française « classer aux archives », expression qui a eu pendant des siècles strictement le même sens que « to file in the records ». En découvrant le records management comme on découvre un nouveau continent (sinon pourquoi s’agripper ainsi à l’expression anglaise ?), les Français ne font finalement que renouer avec un comportement tout à fait classique des administrations et entreprises françaises, mis à l’écart par un demi-siècle de sur-préoccupation des archives historiques et quelques décennies de GED hyper-collaborative.

Contrairement à la fantaisie de la loi française (1979, 2008) qui décide soudain que tout est archive, les Anglo-saxons font la différence entre les records et les non-records. Les « non-archives » en France n’existent pas ; on se demande même parfois si elles ne sont pas interdites par la loi… Il n’est pourtant ni honteux ni criminel de dire que la Nième copie d’un document existant par ailleurs n’a pas de valeur d’archives, que les gribouillis d’un collaborateur sans pouvoir de décision et lisibles par lui seul n’ont pas de valeur d’archives, que les données récapitulées dans un autre document n’ont pas de valeurs d’archives, etc. (voir la très significative liste des non records de l’État du Colorado à la fin du billet sur les archives courantes).

Compte tenu de l’abondance des données, du tsunami numérique, de l’infobésité, l’urgence en matière de records management est bien de distinguer ce qui doit être archivé en priorité et non de chercher d’hypothétiques outils qui archiveraient tout. Compte tenu du coût, tout garder parce que tout pourrait peut-être un jour intéresser un historien est un comportement irresponsable. Et la traduction de « record » par « document d’activité », décidée par l’AFNOR est elle-aussi irresponsable puisque, loin d’aider à y voir plus clair, elle rajoute une couche de confusion avec un néologisme insignifiant et étranger aux pratiques des utilisateurs.

2/ Le poids des documents

On aura beau dire et beau faire, tous les documents ne se valent pas. Les archives ne sont pas des boîtes de petits pois, précisément parce qu’elles ont des poids différents. Il y a entre pois et poids une lettre de différence, la lettre « d » : le d de document, le d de données, le d de dossier, le d de diplomatique…

Un contrat international entre deux groupes industriels portant sur des millions d’euros ou de dollars pèse objectivement plus que le projet non abouti de création d’une épicerie communale à Trifouillis-les-Oies, même si un historien de Trifouillis-les-Oies se moque du développement industriel et regrettera toute sa vie la disparition de cette note sans lendemain rédigée par un élu municipal de l’opposition un jour de pluie…

Il y a dans toute entreprise et dans toute administration des documents majeurs, généralement sous la forme de décisions, délibérations, contrats, conventions, qui sont les principaux « records ». La nécessité de les « classer aux archives » ne fait aucun doute et ne souffre aucune hésitation (sauf malveillante bien sûr).

Ces documents majeurs voient graviter autour d’eux des documents justificatifs ou explicatifs de ce qu’ils sont, de ce qu’ils disent, de ce à quoi ils servent. Le poids des documents maîtres rejaillit immanquablement sur les pièces justificatives et explicatives qui en sont solidaires.

Il faut ici attirer l’attention sur le fait que la typologie documentaire, le type ou le nom du document, est à elle seule insuffisante à déterminer la valeur d’un document. Cette valeur tient au rôle joué par le document dans la relation qu’il trace et/ou dans son impact sur d’autres personnes, d’autres actions.

Il y a ensuite des documents, beaucoup plus nombreux, qui jouent un rôle intermédiaire (attention, cela n’a rien à voir avec les archives intermédiaires) dans l’exercice des activités, et dont il faut assurer la conservation à moyen terme pour comprendre comment les choses se sont organisées et pour tracer le bon fonctionnement des organisations.

Enfin, il y a toutes sortes de papiers, fichiers, données qui entrent dans le processus, y font trois petits tours et n’ont plus qu’à s’en aller car ils ne portent rien de la décision.

Le poids au regard du risque de non disponibilité des documents dans le temps, critère majeur de l’archivage selon ISO15489, se traduit en durée de conservation, laquelle peut être très longue, longue, moyenne ou courte, en fonction des exigences réglementaires mais aussi des besoins constatés (voir le billet sur les durées de conservation).

Le caractère confidentiel ou vital, exigeant des mesures de sécurité particulières, doit être dissocié de la durée de conservation à laquelle il n’est pas corrélé : il y a des documents vitaux à conserver longtemps, des documents confidentiels à conserver peu de temps, etc. On rencontre les cas de figure. Il faut gérer le tout mais la conservation est prioritaire car comment assurer la confidentialité et la sécurité d’un document qui n’est pas conservé ?

3/ Le recul du temps

L’objection la plus courante à la détermination en amont d’une durée de conservation est que l’on ne sait pas aujourd’hui la valeur que tel document aura demain. C’est la notion de temps différé, expliquée dans le Référentiel Archivage managérial du CR2PA.

La réponse à cette objection est que la question n’est pas de savoir aujourd’hui toutes les valeurs que pourra porter ce document demain, mais de savoir au moment où il est produit quel est sa valeur primaire, c’est-à-dire pour quoi il a été produit, pour qui, dans quel cadre, avec quel objectif, avec quel risque : engagement contractuel, échange informel, notes personnelles, décision, aide à la décision, etc. Sur cette base là, il est tout à fait possible de définir une durée de conservation qui, si elle est bien gérée, ce que l’on peut espérer avec un bon système d’archivage/records management, sera périodiquement évaluée et le cas échéant révisée.

Quand on parle « records management », les archives historiques ne sont pas incluses dans le périmètre ; là aussi, il faut le répéter. Toutefois, les records sont le plus gros producteur d’archives historiques (voir le billet définition des archives historiques et théorie des quatre-quarts). Il est donc légitime qu’en tant que principal client des « records », les « archives » (arkhaillevz) aient un rôle de prescripteur sur le sort final des documents à échéance de leur durée de conservation.

De même, des documents dont la valeur de conservation n’était pas identifiée au moment de leur production, peuvent, sous l’effet d’une prise de recul de la situation, acquérir une valeur de conservation ou une nouvelle valeur de conservation, plus longue ou plus courte.

C’est bien pour cela qu’il y a besoin dans les entreprises de responsables de l’archivage managérial qui sachent sensibiliser les dirigeants et les collaborateurs à l’importance du geste d’archiver ce qui le mérite, qui aident à produire et maintenir des référentiels cohérents pour la gestion des risques liés aux traces ou à l’absence de traces des actes engageants, pour bien les gérer dans le temps, quelqu’un qui pilote le dispositif logiciel approprié pour mettre en œuvre ces exigences d’entreprise.

La question sur les systèmes appelle une réponse en deux points : un point de qualité et un point de temporalité.

1/ Les fonctionnalités

La première qualité d’un système de records management (un système d’archivage pour parler français) est de posséder les fonctionnalités minimales qui garantissent la maintenance de la qualité des documents dont la gestion lui est confiée. Ces fonctionnalités, ces core records management requirements concernent:

  • d’une part la qualité matérielle des objets archivés, c’est-à-dire la prise en charge et le contrôle de l’objet à l’entrée en référence à des règles prédéfinies (vérification de la conformité aux critères d’admission car ce n’est en aucun cas le système qui crée le record !), la maintenance de la lisibilité, la mise à disposition des contenu via des métadonnées et des moteurs de recherche, la sécurité contre des accès non autorisés ;
  • d’autre part la gestion du cycle de vie du document archivé avec l’attribution obligatoire d’une durée de conservation motivée, définitive ou à réviser mais exprimée et gérable, et les moyens de piloter la fin de la destruction et les modalités de celle-ci, ou les étapes de révision. Tout ceci est bien sûr indissociable d’une qualification de la valeur et du contenu des documents archivés, en regard d’une cartographie préalable de ce que devrait être le fonds d’archives géré, cartographie appelée parfois plan de classement (mais ce terme est lui aussi tellement polysémique…).

Porte RecordsCe premier point recueil en général l’adhésion des gens qui se réclament du records management, mais beaucoup de systèmes ne répondent pas correctement au pilotage du cycle de vie. Quand on me demande la différence essentielle entre un système de GED et un système d’archivage, je réponds invariablement que c’est la capacité à piloter le cycle de vie au moyen d’un référentiel préétabli au niveau général de l’entreprise ou de l’institution. Il est bien évident que ce n’est pas chaque collaborateur qui est à même de dire, seul dans son activité et pour toute l’entreprise, la valeur collective de son document.

2/ Le moment de l’archivage

La question du moment de l’archivage est d’autant plus cruciale en France qu’elle fait face, d’un côté, à des lustres de négligence du concept de record creation et, de l’autre, à la pratique ravageuse des archives intermédiaires. Sauf quelques exceptions (le bureau d’ordre au ministère des Affaires étrangères par exemple), les archives intermédiaires ont déplacé en quelques décennies le geste responsable d’archiver de son point de départ initial (la création du document) au moment où le document n’est plus utilisé couramment par son producteur. Cette cassure, d’ordre logistique, est lourde de conséquences car elle a en quelque sorte « plié » le cycle de vie du document au mauvais endroit. Et comme elle est inscrite dans la réglementation des archives, on se demande comment on va sortir de ce mauvais pli. Pourtant, en français comme en anglais, et comme dans toutes les langues, le sens du verbe archiver, ou de l’expression « classer aux archives », insiste dans son essence sur la mise en sécurité du document, en raison de sa valeur et donc dès sa production. La record creation correspond au moment où le document est finalisé, figé, approuvé, signé, diffusé. J’insiste ici sur la notion de diffusion ou de transmission car elle aussi importante que négligée en général dans les pratiques actuelles.

C’est bien au moment où un document acquiert sa valeur engageante par la validation et surtout la transmission (et ses conséquences éventuelles), qu’il « devient » record, et par conséquent qu’il doit être géré en sa qualité de record, autrement dit qu’il doit être archivé, au sens originel du terme.

Étymologiquement, c’est l’enregistrement qui crée le record mais c’est parce qu’il a une valeur de record que le document est enregistré; c’est la signature et l’envoi qui crée l’archive, parce que c’est à ce moment là que la responsabilité de ce qu’on a dit et fait est tracée. C’est ce moment qui initie la durée de conservation.

En résumé

Les records sont des documents qui possèdent une valeur qui justifie leur conservation et ils doivent être archivés dès qu’ils acquièrent cette valeur, le plus souvent au moment de leur production, parfois en différé en fonction de leur rôle dans un dossier ou du contexte qui actualise cette valeur.

En aucun cas, le simple fait de mettre n’importe quel papier ou fichier dans un système de records management n’aura pour effet de créer un record au sens du records management.

Pour revenir à l’œuf et à la poule, il en ressort que, si l’œuf précède la poule, l’œuf est le record qui, grâce aux bons soins de la fermière-responsable de processus, va donner naissance au système. Et si la poule précède l’œuf, la poule est le processus qui va « pondre » le record lors de l’étape clé de validation. Il y a deux poules, celle qui pond l’œuf et celle à laquelle l’œuf va donner naissance une fois couvé. Il y a deux processus : le processus métier qui donne naissance au document à risque ; le processus d’archivage qui gère ce risque.

Un bon système de records management est :

  1. un système où les documents qui présentent une valeur de conservation à l’échelle de l’entreprise ou de l’organisme sont archivés dès l’acquisition de cette valeur ; et
  2. un système où tous les documents conservés ont été qualifiés et que cette qualification justifie la conservation.

Inversement, un système de records management perfectible est un système où une partie des actes et des traces des responsabilités n’a pas été enregistrée et où sont conservés des documents qui ont perdu leur statut de record ou qui ne l’ont jamais eu.

Les solutions logicielles d’archivage doivent être au service des principes du records management et non artificiellement rattachées à lui.

 

 

Publié par Marie-Anne Chabin, 24 février 2014

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Traduction du terme anglais « record » http://transarchivistique.fr/traduction-du-terme-anglais-record/ http://transarchivistique.fr/traduction-du-terme-anglais-record/#comments Wed, 25 Sep 2013 15:41:54 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=222 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, le 25 septembre 2013

J’ai été choquée ce début de semaine par le titre et une ou deux phrases du dernier billet d’Arnaud HULSTAERT, billet par ailleurs tout à fait pertinent et dont, nonobstant ce billet-ci, je recommande la lecture : http://blogresearch.smalsrech.be/?p=5983.

Le titre : Gestion des documents d’activité : enjeux documentaires et fonctionnels.

Les phrases :

1/ « …tout d’abord d’identifier les documents qui sont engageants pour l’organisme, documents que l’on qualifiera de documents d’activité conformément à la nouvelle norme en la matière (ISO 30300) ».

[Je tiens d’emblée à rectifier cette expression fautive: il n’y  a pas de nouvelle norme qui imposerait les « documents d’activité » comme on impose une nouvelle monnaie ou un nouvel impôt; il y a juste une mauvaise traduction AFNOR d’une très bonne norme ISO qui poursuit son activité pluridécennale de normalisation sur le « records management » autrement dit une gestion managériale de l’archivage.]

2/ « Les documents d’activité ont une valeur probante importante ».

Trois choses me choquent dans cette affaire que je veux exprimer avant de revenir à la fin de ce billet sur le sens de « record ».

Les records sont des documents qui engagent

La première chose qui m’a choquée est d’avoir vu cette expression diffusée sur le groupe Linkedin du CR2PA (Club des responsables de politiques et projets d’archivage) où l’expression documents engageants est assez naturelle et l’expression « documents d’activité » notoirement inexistante ; voir en particulier le livre blanc «Archivage des mails : l’utilisateur face aux mails qui engagent l’entreprise» rédigé en 2009 sous la houlette de Daniel COLAS : http://blog.cr2pa.fr/publications/.

Pour être dans l’actualité, nous discutions ce matin même avec le DSI d’une entreprise de 10000 collaborateurs, sans aucun projet d’archivage à cette heure, qui a eu cette formule : « La messagerie est de plus en plus utilisée pour engager l’entreprise ». Si ce n’est pas ce que les Anglo-saxons appellent « e-mails records », je veux bien être pendue !

« Documents d’activité » est une erreur de traduction

La seconde chose est que l’expression « documents d’activité » ne traduit pas la notion anglo-saxonne de record. Je ne suis pas a priori contre les inventions linguistiques (j’en commets suffisamment) mais encore faut-il que les mots évoquent quelque chose, qu’ils servent à faire comprendre le concept. Or, ce n’est pas le cas. Cette expression n’a aucun relief pour aider les entreprises et les organismes à comprendre les enjeux de l’archivage.

Je m’en suis déjà plusieurs expliquée dans au moins trois écrits ; je ne fais donc que renvoyer à ces trois sources :

Pétition d’octobre 2010 contre la traduction française des normes ISO/DIS 30300 et 30301 proposée par l’Afnor (CN11)

Billet Traductibilité (octobre 2011)

Article Le records management : concepts et usages, avril 2012

Oser prendre parti

La troisième chose qui me choque se situe en dehors de l’archivistique et de l’archivage. C’est le conformisme craintif face à des textes issus d’organisme de normalisation qui se révèlent incompréhensibles et confusionnels ? Pourquoi, si une traduction de norme n’est pas explicite et n’est pas comprise, veut-on s’obstiner à s’y conformer ? Je ne m’explique pas cette attitude qui consiste à adopter une expression que l’on ne cautionne pas (en l’occurrence les documents d’activité) tout en la faisant suivre d’une autre expression explicite (en l’occurrence les documents engageants) pour être compris, surtout quand on sait que ledit organisme de normalisation a délibérément rejeté l’expression « documents engageants » en 2010.

Ces commissions de normalisation sont constituées d’un petit groupe de professionnels dont la représentativité (et donc la légitimité) me paraît de plus ou plus difficile à démontrer. Ces professionnels peuvent avoir raison ; ils peuvent aussi se tromper. Des siècles de peinture ont représenté Moïse avec des cornes à cause d’une erreur de traduction de saint Jérôme dans la Vulgate. C’est sympathique, cela alimente la petite histoire mais est-ce un modèle à suivre dans les textes de références qui organisent la gestion documentaire et l’archivage ? Tout respectable qu’il soit, le bon saint Jérôme a néanmoins commis une erreur…

Je renvoie aussi aux commentaires de Richard CAZENEUVE et de Nathalie MORAND-KHALIFA lors de la même discussion sur notre groupe Linkedin.

Records et non records

La question de fond est la compréhension de ce qu’est un « record ». Si les gens savaient faire la différence entre records et non records, l’archivage se porterait mieux en France. Or, on n’est loin du compte. J’en veux pour preuve toutes les sottises archivistiques que j’ai pu lire sous la plume de société de conseil, de prestataires mais aussi d’archivistes, tandis que les autorités de l’État (CNIL, Archives de France) surfent sur le sujet dans l’aborder…

On peut s’exprimer maladroitement – je ne prétends pas être toujours claire et explicite – mais avec les « documents d’activité », trop, c’est trop!

Ce qui est important dans un « record », c’est sa valeur de responsabilité, ce qu’il trace, ce qu’il prouve et qui justifiera une action future, ce qu’il dit que d’autres documents ne disent pas, etc., ce qui fait que ce document doit être classé dans les archives (pour utiliser une terminologie ancienne mais saine) ou doit être capturé et enregistré (recorded) dans le système d’archivage électronique (formulation de ce siècle).

L’enjeu de l’archivage est de faire la distinction entre ce qui doit être archivé et ce qui ne doit pas être archivé, entre les documents qui engagent la responsabilité et la mémoire institutionnelle (autrement dit la responsabilité de l’entreprise aujourd’hui vis-à-vis de l’entreprise demain), et les documents sans intérêt pour la constitution de cette mémoire.

L’environnement numérique a provoqué une inflation sans précédent des données avec X versions et Y copies de sorte que moins de 20 % des documents/données mérite d’être archivé, et donc 80% doit être détruit. Le tsunami numérique, pour reprendre l’expression du CR2PA, met cette distinction entre documents à archiver / documents à ne pas archiver au cœur du processus d’archivage. Le problème n’est pas l’activité dont l’information procède. Le problème est le statut probant ou original du document face aux informations inéligibles au statut d’archives (pour la dimension « archives historiques », voir le premier billet de ce blog).

Dans les guides anglo-saxons pour le records management, on distingue volontiers les records des non records, les documents à archiver des documents qu’il n’y a pas lieu d’archiver.

Voici un exemple de ces non records, extraits du site de l’État du Colorado

« Il n’y a aucune obligation de conserver les types de documents suivants; ils peuvent être détruits dès qu’ils n’ont plus d’utilité pour leur détenteur :

  • Journaux et imprimés reçus de l’extérieur, publicité commerciale
  • Copies de correspondance, etc. n’ayant qu’une valeur de diffusion
  • Bordereaux d’envoi sans information additionnelle
  • Notes et mémos qui ne tracent aucune responsabilité
  • Brouillons des lettres, notes, rapports, etc. qui ne comportent pas d’éléments significatifs pour la production des documents engageants.
  • Fiches de circulation des documents, post-it, mémos
  • Stocks de publications périmés.
  • Messages téléphoniques sans valeur ajoutée.
  • Livres ou objets de musée acquis à des fins culturelles.
  • Copies de documents déjà archivés.
  • Notes manuscrites ou enregistrements qui ont été transcrits.
  • Documents temporaires ou intermédiaires sans lien avec la décision. »

Cette liste que j’utilise très volontiers dans mes cours has been updated on the website and is downloadable here.

On voit bien là que ce qui est essentiel pour traduire la notion de record est la valeur de preuve ou de trace que porte ou non le document considéré.

En résumé, je pense sincèrement que les documents d’activité sont :

  1. une erreur de traduction,
  2. une ineptie,
  3. un parasite dans les projets d’archivage.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur le sujet mais il faut en garder pour la prochaine fois…

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