Glossaire Archivage 2010-Chabin-Définitions et commentaires-chapitre 3-Archiver des documents engageants

L’archivage ne vise pas tout document, toute donnée ou toute information, mais seulement les documents qui engagent leur détenteur. Ces documents, originaux ou copies, constitués ou non en dossiers, sont fixés sur des supports.

Document / Document

Objet constitué d’un support et de l’information qu’il porte, considéré comme un tout signifiant.

Commentaire

La définition de document comme une information et son support est assez classique et figure ainsi dans de nombreux glossaires. Ceci dit, la notion de document est assez complexe et a fait l’objet de nombreuses définitions et publications. On rappelle souvent que, étymologiquement, le document enseigne quelque chose, c’est-à-dire transmet une information à son destinataire.
L’environnement numérique modifie la perception que l’on peut avoir du document dans l’environnement physique car le support du document numérique le plus souvent n’est pas visible. Cependant, pour qu’il y ait document, il faut qu’il y ait enregistrement sur un support, même distant de l’utilisateur, faute de quoi, il n’y a pas de document mais seulement une information volatile. C’est pourquoi, tout ensemble de données (data) enregistré dans un système et géré comme une unité peut être considéré comme un document.
Dans une perspective d’archivage, quatre critères sont à prendre en compte pour gérer un document
  • si le contenu du document est engageant ou non,
  • si le document est achevé et complet ou non (version validée),
  • s’il s’agit de l’original (ou de la copie de référence) ou d’une autre copie,
  • si le document est lié à d’autres documents pour que le message soit complètement compréhensible (pièces justificatives, dossier).
Il est de plus en plus fréquent qu’un document comporte plusieurs composants, naguère du texte, de l’image et du son, aujourd’hui des fichiers de différents formats en fonction de la nature des informations traitées (texte, tableau, image animée…)
Il est de plus en plus fréquent également que la production d’un document donne lieu, avant son achèvement, à plusieurs versions (1) et, après son achèvement, à plusieurs copies ou versions (2).
Les versions (1) sont des états intermédiaires du document que l’on veut produire ; une version est soit un projet (contenu incomplet car en cours de rédaction), soit un état achevé non encore validé, soit un état qui a déjà été validé mais est soumis à d’autres validations, soit un état validé mais non encore diffusé.
Les versions (2) sont aussi des transpositions du contenu du document initial dans une forme différente via une opération de résumé, de traduction ou de changement de format (version courte, version polonaise, version basse définition, etc.)
La copie est techniquement une reproduction de l’original avec plusieurs fonctions possibles (voir le mot copie).

Donnée / Data element

Mot, nombre, signal, chaîne de caractères, séquence de bits, morceau de matière ou tout autre élément brut enregistré dans un système d’information où il pourra être corrélé à d’autres objets et interprété pour constituer une information.

Commentaire

Une donnée n’est qu’une composante d’une information ou d’un document. Archiver des données élémentaires n’a donc pas de sens, à l’inverse de l’opération de sauvegarde qui a pour but de restituer les éléments du système en cas de panne.
On distingue les données structurées qui correspondent aux éléments calibrés saisis dans les différents champs des bases de données, et les données non structurées qui englobent toutes les autres informations enregistrées sous forme numérique ; ce sont principalement les fichiers bureautiques et la messagerie. On parle aussi de données semi-structurées quand une partie du fichier est codifiée selon certaines règles d’écriture ou de présentation : formulaire, feuille de style, organisation structurée d’éléments textes non structurés dans des pages web, etc.
L’archivage des données non structurées renvoie à l’archivage des documents, c’est-à-dire d’objets figés ayant une valeur de traçabilité ou de mémoire.
L’archivage des données structurées correspond à deux cas de figure :
photographie de l’ensemble d’une base de données à un instant donné, témoignant de l’état de connaissances d’un processus à un moment précis (on peut avoir besoin de savoir ce qui était enregistré ou non à telle date) ; on archive ainsi périodiquement (mois, semaine…) certaines bases métiers mises à jour quotidiennement pour tracer les étapes d’alimentation d’une application ; cette pratique peut être une alternative à l’historisation de toutes les modifications ;
extraction d’un groupe de données qui décrit un acte, un fait ou une situation à un moment précis et qui correspondrait dans l’environnement papier à la production d’une décision, d’une fiche signalétique, d’une déclaration.

Information / Information

Tout ensemble de sons, d’images, de données ou de documents intelligible par l’homme, qu’il soit fixé sur un support ou non.

Commentaire

Le mot information est le terme le plus générique dès que l’on parle de l’activité humaine. L’information peut être écrite ou non. Elle peut être écrite sur n’importe quel type de support. Si elle est écrite, elle peut être datée (horodatée) et fixée durablement sur le support ou non.
Une des caractéristiques de l’information est que la même information peut être contenue dans des documents très différents, en totalité ou partiellement, par exemple une fable de La Fontaine ou le cours de la bourse du 18 avril 2009.
La fiabilité de l’information est liée à la qualité de la source (document, système, personne).
A noter que le mot peut prendre le pluriel en français, pas en anglais.

Document engageant / Record

Un document engageant est un document achevé et validé, produit ou reçu au nom d’une entreprise ou d’un organisme, qui contient une décision ou une information entraînant ou susceptible d’entraîner une incidence financière ou la responsabilité morale de son détenteur. Un document engageant doit être authentique, fiable et intègre.

Commentaire

L’expression « document engageant », bien qu’encore peu répandue, apparaît comme la meilleure façon aujourd’hui de rendre le terme anglais « record » pour le différencier des documents de travail ou de la documentation extérieure, et pour éviter l’ambiguïté du mot archives, trop technique ou trop culturel.
Un document engageant est un document achevé, daté, validé et figé de sorte qu’on peut ou qu’on doit pouvoir s’y référer (en tant qu’émetteur ou destinataire) pour appuyer une action ou défendre un droit. Le document engageant est un document original (décision interne, document reçu) ou un double (document émis). Il est autonome (une pièce) ou indissociable de ses annexes ou de ses pièces justificatives.
La validation peut revêtir plusieurs formes : signature manuscrite, signature électronique, visa, diffusion ou enregistrement dans un système par une personne habilitée et/ou selon une procédure établie.
Les documents engageants sont pour partie identifiables au moyen de la typologie à laquelle ils se rattachent (contrat, statuts, décision) mais bien souvent les documents sont ambivalents pour l’archivage (inventory resistant records) : le type ou le nom du document s’avère insuffisant pour statuer sur le caractère engageant d’un écrit et il faut évaluer son contenu (typiquement les courriers papier et électroniques, les notes, les comptes rendus).
Certains documents engageants présentent un caractère particulièrement sensible du fait du risque juridique ou financier qui y est attaché : ce sont les documents vitaux. Il peut s’agit de documents récents, stratégiques et confidentiels, aussi bien que de documents anciens et externes tels des autorisations administratives de 30 ans ou plus et toujours en vigueur.

Original / Original, master copy

Première rédaction définitive d’un document, engageant ou non, à partir de laquelle seront réalisées d’éventuelles copies ou reproductions.

Commentaire

La notion d’original est historiquement liée à celle de l’écrit analogique (parchemin, papier) avec les signes d’identification que sont l’écriture et la signature manuscrite. Avec l’environnement électronique, où l’élément manuscrit disparaît et où la reproduction est techniquement identique à l’objet copié, la notion d’original semble dépassée. La question est remarquablement résumée par la formule d’Isabelle Renard : « L’original est mort, vive la trace numérique ». En effet, ce qui permet de différencier la première rédaction définitive d’un document, notamment d’un document engageant, c’est d’une part la sécurisation des signes de validation (signature électronique, scellement et surtout horodatage), d’autre part la traçabilité du fichier électronique attestant de sa non-modification.
L’idée que l’écrit électronique n’est pas sûr sur cette question d’original probant est une idée fausse. La technologie actuelle permet de prévenir les faux en écriture électroniques au moins aussi valablement que les faux en écriture papier, et potentiellement mieux.

Copie / Copy

Exemplaire supplémentaire d’un document produit à partir de l’original.

Commentaire

Le mot copie renvoie simplement à l’idée de reproduction d’un objet. Il est utile de lui ajouter un qualificatif pour préciser quand, par quoi et pourquoi cette copie a été réalisée.
La copie peut être la reproduction d’un document réalisée en même temps que l’original par l’auteur du document parce que l’original unique part chez le destinataire et qu’il a besoin d’en garder la trace (cas du courrier papier). Le terme double est alors plus approprié.
La copie peut être la reproduction d’un document réalisée au même moment que l’original ou plus tard, pour des destinataires secondaires qui doivent également agir (copie pour action) ou simplement être informés (copie pour information).
La copie peut être partielle et prend alors le nom d’extrait (voir par exemple la notion d’extrait dans MoReq2 pour les copies dont on a retiré les données personnelles) ou le nom d’ampliation, traditionnel dans l’administration française pour la notification d’une décision collective à chaque intéressé.
La copie authentique est réalisée par la personne détentrice de l’original authentique (expression principalement utilisée pour les actes notariés).
L’expression « copie cachée » apparue avec la messagerie électronique n’est pas une notion nouvelle, la copie à l’insu des destinataires principaux étant pratiquée depuis longtemps. La copie illicite est réalisée par une personne qui n’est pas habilitée à le faire et dans un but qui peut être répréhensible.
Cette liste des types de copies n’est pas exhaustive.
Que la copie soit papier et numérique, sa valeur est la même valeur : celle d’une copie.
A noter qu’en anglais l’expression « master copy » désigne l’original.

Dossier / File

Ensemble organisé de documents liés entre eux par leur objet ou leur usage, constitué au cours d’une période donnée définie par les date d’ouverture et date de clôture au dossier..

Commentaire

A l’origine, le mot dossier est un terme de rangement (ce qu’on met dans une chemise cartonnée). Il a pris par la suite le sens de la cohérence de ce qu’on range ensemble. De fait, avec l’électronique, il n’existe pas de dossiers physiques, le dossier étant remplacé virtuellement par un identifiant de dossier qui permet de relier entre eux les documents qui le composent, sans besoin de regrouper physiquement les fichiers numériques correspondants.
Théoriquement, il existe deux grands profils de dossiers :
  1. le dossier « solidaire », composé de documents ou pièces fortement liés entre eux par l’affaire qu’ils concernent, dans une relation du type « document maître » / « pièces justificatives » ; au regard du risque, le dossier solidaire doit être géré comme un tout indissociable ;
  2. le dossier « documentaire » qui regroupe les documents produits par l’auteur du dossier mais plus souvent collectés de sources diverses pour éclairer une question.
Dans la pratique, à tort, les dossiers archivés mêlent souvent documents de travail (notes, versions préparatoires), décisions, pièces justificatives et documentation.
Le dossier étant une unité de gestion, il devient nécessaire, s’il est volumineux, de le subdiviser. On distingue (voir MoReq2) la subdivision logique du dossier, à savoir le « sous-dossier », et la subdivision mécanique du dossier, nommée « volume », constitué sur un critère chronologique ou alphabétique.
MoReq2 développe aussi la notion de dossiers sériels (case files en anglais) qui sont les dossiers issus de l’application d’un processus métier ou d’une procédure pré-établie et qui sont donc produits en nombre avec un contenu largement prédictible. Les dossiers sériels sont des dossiers solidaires. Dans l’archivage, les dossiers sériels constituent très souvent la majeure partie de la masse archivée.
L’expression « dossier mixte » (hybrid file) désigne un dossier solidaire dont une pièce au moins est nativement papier et une pièce au moins nativement électronique. A ne pas confondre avec un dossier papier entièrement numérisé.
A noter que l’équivalent anglais, file, signifie à la fois « dossier » et « fichier ».

Support / Medium

Élément matériel sur lequel est enregistrée l’information pour produire un document et qui sert à la fois à le transmettre et à le conserver.

Commentaire

Dans le cas le plus simple, le support d’écriture est un morceau de matière minérale, animale ou végétale travaillé par l’homme pour représenter le langage (exemple : tablette d’argile). Pour les documents papier, le support est composé également de l’encre qui a d’autres propriétés que le papier.
Dans l’environnement électronique, le support devient une chaîne matérielle et logicielle comprenant le format de codage des données, le support d’enregistrement ou de stockage, et l’outil de lecture.
Il est intéressant de noter au passage la double étymologie latine : le fait de « porter » l’information (retenu par le mot français) et le fait de la transmettre, d’en être le médiateur (retenu par l’anglais medium).
Quand la durée de conservation du document est supérieure à la durée de vie du support, un transfert de support (migration) doit être effectué, en préservant les caractéristiques du document original.

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