Glossaire Archivage 2010-Chabin-Définitions et commentaires-chapitre 4-Le projet d’archivage

Le projet d’archivage vise à mettre en place les conditions d’un archivage efficace et sûr. Il s’appuie sur les normes et les méthodes du domaine pour élaborer une politique d’archivage, définir les exigences d’archivage et de conservation du flux et du stock, identifier les acteurs, maîtriser les coûts, évaluer la pertinence d’une externalisation, tenir compte des facteurs d’échec et de réussite.

Projet d’archivage / Records management project

Ensemble des études, décisions et actions qui permettent à une entreprise ou un organisme de mettre en place une politique, un référentiel, des procédures et des outils de sorte que tous ses documents engageants soient sous contrôle, c’est-à-dire identifiés, sécurisés, conservés, accessibles, gérés tout au long de leur cycle de vie et détruits ou transférés aux archives historiques à échéance de leur durée de conservation.

Commentaire

L’événement déclencheur d’un projet d’archivage peut être un incident (audit, contentieux, sinistre, disparition accidentelle de documents métiers), ou bien un changement factuel (déménagement, réorganisation) ou encore la mise en œuvre d’un projet plus global (sécurité de l’information, dématérialisation).
Le projet démarre quand la direction générale a donné son feu vert (étape de « go / no go »). Cette décision s’appuie sur une première analyse de risques, une étude d’opportunité et faisabilité du projet (business case).
La durée raisonnable d’un projet d’archivage est d’un à trois ans en fonction des facteurs d’échec et de réussite liés à la nature même du projet d’archivage.
Comme tout projet d’entreprise, le projet d’archivage associe maîtrise d’ouvrage et maîtrise d’œuvre. La maîtrise d’œuvre se situe généralement à la direction des systèmes d’information (DSI) avec cette difficulté que la problématique d’archivage d’entreprise est beaucoup plus large que le seul archivage des données numériques (data archiving). Il n’y a pas de profil-type de la maîtrise d’ouvrage pour un projet d’archivage. Le projet peut être coordonné soit par un responsable métier, soit par un professionnel de la documentation ou des archives, soit par un responsable de la sécurité de l’information voire par la DSI elle-même : l’équipe projet est nécessairement pluridisciplinaire.
Le projet d’archivage se décompose logiquement en trois phases ayant chacune ses livrables spécifiques (voir la aussi méthodologie DIRKS) :
  1. formalisation des règles au travers d’une politique d’archivage et d’un référentiel de conservation
  2. choix de la solution – matériel(s), logiciel(s), prestataire(s) – avec l’ensemble des livrables depuis le cahier des charges jusqu’au procès-verbal de recette, et les procédures associées
  3. la formation des acteurs opérationnels et l’accompagnement du changement, avec les supports de formation et les modes opératoires, FAQ, etc.

Norme / Standard

Document de référence, souvent technique, parfois organisationnelle, approuvé par une instance de normalisation ou une autorité professionnelle qui formalise le déroulement d’un processus ou d’une opération dans le but de favoriser le développement économique.

Commentaire

Le corpus normatif dont dispose aujourd’hui le responsable de projet d’archivage s’est constitué au cours des dix dernières années. Il se compose de deux grands ensembles : les textes axés sur l’identification et la définition des règles et des responsabilités et ceux qui encadrent la mise en œuvre de la conservation, sécurisée et pérenne.
La norme « mère » est la norme d’organisation ISO 15489 sur le records management publiée en 2001. Elle est complétée pour l’environnement électronique d’une part, par MoReq2 « Exigences-types pour la maîtrise de l’archivage électronique » publié par la Commission européenne (2008), et d’autre part, par ICA Req « Principes et exigences fonctionnelles pour l’archivage dans un environnement électronique », publié par le Conseil international des Archives (2008) et porté en 2010 à l’ISO.
La conservation sécurisée fait l’objet d’une norme française : NF Z42-013, révisée en 2009 « Spécifications relatives à la conception et à l’exploitation de systèmes informatiques en vue d’assurer la conservation et l’intégrité des documents stockés dans ces systèmes ».
La pérennisation des informations numériques fait l’objet de la norme ISO : ISO 14721 : 2003, « Modèle de référence pour un système ouvert d’archivage d’information (OAIS) ».
À cet ensemble déjà très (trop ?) consistant s’ajoutent des normes purement techniques (et non moins consistantes…) comme celle sur le format PDF/A (ISO 19005-1, 2005).
Les bonnes pratiques de la gestion externalisée d’archives (papier essentiellement) sont détaillées dans la norme NF Z40-350.
Il convient de rappeler que le respect des normes n’est pas obligatoire, contrairement à l’environnement réglementaire. Les normes ont vocation à aider les chefs de projet en évitant à leurs utilisateurs de réinventer les bonnes pratiques.

Méthode / Methodology

Démarche ou succession d’étapes formalisées pour atteindre un but.

Commentaire

Il existe peu de méthodes pour la mise en œuvre de l’archivage.
Pour la conduite d’un projet, la norme ISO 15489 recommande la démarche en huit étapes de la méthodologie DIRKS (acronyme de Designing and implementing recordkeeping system) d’origine australienne :
A.                Enquête préliminaire
B.                Analyse des activités
C.                Identification des exigences archivistiques
D.                Évaluation des systèmes existants
E.                Identification de la stratégie pour la satisfaction des exigences archivistiques
F.                Conception d’un système d’archivage
G.                Mise en œuvre d’un système d’archivage
H.                Contrôle a posteriori
La caractéristique de DIRKS est de commencer par l’identification des exigences avant d’évaluer les systèmes existants, contrairement à la plupart des projets de GED.
Sur un autre plan, la méthode Arcateg™ (archivage par catégorie) conçue par Marie-Anne Chabin, est une alternative aux pratiques courantes de recensement des innombrables types de documents pour la définition des règles de conservation/destruction et l’évaluation des documents archivés. La méthode repose sur le concept de « catégorie de conservation », c’est-à-dire une « boîte de valeur archivistique », codifiée, où l’on range virtuellement tous les documents devant être conservés pendant la même durée pour la même raison, sans tenir compte de l’organisation des services et sans modifier les règles de classement métier.
La caractéristique d’Arcateg™ est de gérer les documents à archiver sur la base de durées de conservation motivées et non par types de documents. Cette codification simple peut servir en outre à l’organisation de l’archivage et de la conservation matérielle en rattachant à chaque catégorie de conservation des modalités de mise en œuvre (support d’archivage, localisation, responsabilité du stockage, droits d’accès, jeu de métadonnées, etc.).

Politique d’archivage  / Records management policy

Déclaration, signée par la direction générale d’une entreprise ou d’un organisme et opposable à l’ensemble des collaborateurs, énonçant les principes de gouvernance et d’action pour se conformer à l’environnement réglementaire, répondre au besoin de mémoire et anticiper le risque de ne pas archiver et conserver certains documents.

Commentaire

La politique d’archivage s’inscrit dans la ligne de la politique générale de l’entreprise ou de l’organisme. Elle se réfère souvent à d’autres politiques déjà mises en œuvre : politique de sécurité de l’information, politique de gestion de l’information, politique environnementale, etc.
C’est un document de référence, axé sur l’identification des risques et des responsabilités. Il est complété par un référentiel de conservation et des procédures détaillant les activités des différents acteurs et des outils pour l’exécution du processus d’archivage.
L’expression « politique d’archivage » est également utilisée dans un sens plus restreint et plus technique, plus particulièrement dans les milieux informatiques, pour désigner la liste des exigences et/ou des fonctionnalités d’un système d’archivage ou d’une plate-forme de conservation qui constitue stricto sensu davantage un protocole technique qu’une politique.

Exigences d’archivage / Records management requirements

Formulation de ce que les outils doivent absolument ou devraient pouvoir faire pour qu’un système d’archivage fonctionne d’une manière conforme à la politique d’archivage d’une entreprise ou d’un organisme. On distingue les exigences fonctionnelles pour la mise en œuvre du processus d’archivage et les exigences techniques pour l’intégration dans le système d’information.

Commentaire

Les exigences fonctionnelles visent à bien définir ce que le système doit faire depuis l’identification des documents à archiver jusqu’à la gestion du sort final des documents archivés, en passant par leur mise à disposition, sans oublier l’administration du système. MoReq2 et ICA-Req proposent plusieurs centaines d’exigences fonctionnelles parmi lesquelles le responsable du projet d’archivage peut faire son marché.
Le nombre et le contenu des exigences fonctionnelles dépendent d’une part de la taille de l’entreprise et du niveau de la politique d’archivage, d’autre part de l’existence d’autres outils ou d’autres projets qui prendraient ou non en charge certains aspects communs à l’archivage et à d’autres démarches d’entreprise (GED, sécurité de l’information, gestion des connaissances, etc.).
Les exigences techniques sont propres à chaque entreprise et sont déterminées par la direction informatique : compatibilité, interopérabilité, sécurité, performance, etc.

Stock / Back-log

Ensemble des documents produits, archivés ou simplement conservés dans le passé et dont les conditions de stockage, d’identification, d’accessibilité et de sécurité ne sont peut être pas conformes à ce qu’elles devraient être au regard des risques de non-disponibilité et de sur-conservation. Le stock s’oppose au flux des documents nouvellement créés et non encore archivés.

Commentaire

Une fois la politique d’archivage déployée et le système d’archivage en vitesse de croisière, la masse des documents stockés ne présente pas de difficultés de gestion particulière (voir les questions de maintenance au chapitre 6).
Au moment du lancement du projet, le stock peut représenter un élément perturbateur dans la gestion du projet, surtout s’il représente une masse informe (100 millions de fichiers hétérogènes, 10 kilomètres linéaires de cartons dans 20 caves…) et davantage encore s’il intervient dans l’événement déclencheur du projet (sanction financière issue du désordre).
La maîtrise rétrospective d’un stock produit sans règles et la mise en œuvre d’un système d’archivage du flux sont deux projets distincts qui requièrent des méthodes et des moyens différents. On peut corriger ou limiter les conséquences de ce qui a été mal conçu mais on ne peut refaire le passé. En outre, le plus gros risque de défaut d’archivage est concentré dans une fraction restreinte des documents (les documents vitaux) et il n’est pas forcément « rentable » de traiter finement l’ensemble du stock. Enfin, la reprise du stock ne peut être à la charge des utilisateurs alors que l’alimentation courante du système d’archivage doit nécessairement les associer.
Le projet d’archivage doit préciser ce qui dans le stock doit être rattaché au traitement du flux et ce qui doit faire l’objet d’un projet spécifique dont il faut évaluer le retour sur investissement (ROI) potentiel.

Acteurs / Roles

Personnes ou profils chargés d’une activité particulière dans le projet d’archivage. On distingue cinq profils : le management, la coordination (du projet puis du système d’archivage), l’expertise juridique ou métier des documents, la gestion technique du stockage et de la conservation, et les utilisateurs qui produisent ou utilisent les documents archivés.

Commentaire

Outre le coordinateur ou responsable du projet ou de la mission d’archivage (records manager), les deux principaux rôles visent l’expertise des documents et la conservation matérielle :
les responsables du contenu (records owners) ont pour rôle : dans la phase projet, de valider les durées de conservation et leur motivation telles qu’elles vont figurer dans le référentiel de conservation ; en phase courante, de valider les destructions et de participer à la veille juridique en matière de durée de conservation ; ce sont principalement des experts métiers ou des juristes ;
les responsables de la conservation matérielle (records custodians) ont pour rôle d’assurer la maintenance sécurisée des documents archivés et de les tenir à disposition des utilisateurs ; les responsables de la conservation peuvent être un membre de l’équipe (stockage de proximité), une personne ou un service dédié pour l’ensemble de l’entreprise (service d’archives), un outil (automatisation) avec son administrateur, un prestataire.
Les compétences requises sont globalement les mêmes pendant la phase projet et après, avec des charges différentes (plus lourdes pour la coordination et l’expertise en phase projet par exemple).

Coûts  / Costs

Addition des dépenses directes consacrées à la mise en œuvre du processus d’archivage (matériel, personnel, prestations), des coûts cachés (non valorisés pour l’archivage), des sanctions financières liées à la non-disponibilité de document et du temps passé à la recherche de documents archivés.

Commentaire

Il convient de distinguer :
  • le coût du non-archivage ou de l’archivage partiel, ou non sécurisé,
  • le coût du projet d’archivage
  • le coût du système d’archivage après la phase projet.
Quel que soit le coût du système d’archivage mis en place (procédures, outils, formation), il est sauf exception nettement inférieur aux conséquences financières du défaut d’un document probant, de sorte que la question se pose comme pour une assurance : dépenser une somme raisonnable chaque année pour s’assurer de pouvoir produire le document litigieux le jour où le problème se présentera et éviter ainsi une dépense déraisonnable le jour du sinistre.

Externalisation / Outsourcing

Choix pour une entreprise ou un organisme de confier à un prestataire spécialisé une ou plusieurs activités dans la mise en œuvre du processus d’archivage.

Commentaire

La décision d’externalisation de l’archivage ou de la conservation peut être motivée par le principe de se concentrer sur son cœur de métier (éviter de développer en interne des compétences trop spécifiques) ou par une analyse de coût (équipements internes trop chers ou difficiles à rentabiliser).
L’externalisation en matière d’archivage porte le plus souvent sur la conservation sécurisée, la pérennisation ou la destruction (voir aussi tiers de confiance).

Facteurs d’échec et de réussite / Failure and success factors

Événements et actions, mais aussi absence d’événements ou d’actions, internes ou externes, qui peuvent accélérer ou freiner le déroulement d’un projet d’archivage.

Commentaire

Les facteurs d’échec d’un projet d’archivage sont principalement :
  • la dérive des objectifs (périmètre documentaire trop restreint, trop large ou trop mouvant, niveau d’exigences trop poussé, etc.) et l’allongement du projet,
  • les difficultés de sélection et d’intégration d’un outil d’archivage,
  • la concurrence d’autres projets plus visibles et plus motivants pour les utilisateurs,
  • vouloir traiter le stock avant d’avoir fluidifié l’archivage du flux.
Les facteurs de réussite d’un projet d’archivage sont bien sûr l’envers des facteurs d’échec mais aussi:
  • l’implication de la direction générale et d’un « sponsor », indispensable pour l’allocation des ressources nécessaires
  • développer un langage commun entre tous les acteurs : direction, juristes, métiers, professionnels de l’information, informaticiens et techniciens, éditeurs et prestataires,
  • une bonne communication et des actions de conduite du changement,
  • être pragmatique et privilégier les solutions simples.

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