Diplomatique – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr Fri, 22 Jun 2018 16:36:43 +0000 fr-FR hourly 1 https://wordpress.org/?v=5.3.6 http://transarchivistique.fr/wp-content/uploads/2013/03/cropped-désert-tunisien-eau-verte-2-32x32.jpg Diplomatique – TRANSARCHIVISTIQUE http://transarchivistique.fr 32 32 La diplomatique, plus importante que l’archivistique ? http://transarchivistique.fr/la-diplomatique-plus-importante-que-larchivistique/ Fri, 22 Jun 2018 16:36:23 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=949 Continuer la lecture ]]> Contrairement à ce qu’on enseigne encore parfois, la diplomatique, comme méthode d’analyse et de critique des faux, n’est pas qu’une simple « science auxiliaire de l’histoire ». Elle est une discipline à part entière qui permet de critiquer valablement l’information produite, reçue et utilisée dans les activités humaines, aujourd’hui dans le contexte numérique comme hier lors de l’affaire Dreyfus ou avant-hier avec les faux médiévaux.

Pour rappel, la diplomatique contribue à une bonne évaluation de l’information à archiver et à la bonne critique des sources à utiliser (ce qui relève des mêmes exigences). De ce point de vue, c’est une discipline scientifique (sciences humaines) au service des experts de l’information. L’archivistique, de son côté, est constituée d’un ensemble de pratiques professionnelles en vue de maîtriser les masses documentaires archivées. De ce point de vue, l’archivistique relève davantage de l’organisation des services et des collections.

Quand je lis ce qui s’écrit, sur les faux mails occasionnés par l’aubaine de faire du business avec le RGPD (Règlement général pour la protection des données personnelles) ou sur le statut de certains documents privés ou publics, par des gens qui n’ont a priori pas de culture historique, archivistique ou diplomatique, et qui – surtout – ne l’ont remplacée par rien d’équivalent, je constate certaines contre-vérités, des affirmations parfois aussi péremptoires que légères, un manque d’esprit de finesse caractérisé, avec les conclusions hâtives et parfois dommageables qui en découlent.

De ce point de vue, la diplomatique me semble au XXIe siècle très importante pour la société, pour la vie des entreprises, pour la vie des citoyens. La diplomatique me semble aujourd’hui plus importante que l’archivistique (trop liée au papier, mais c’est un autre sujet que je développerai bientôt). L’absence d’une certaine critique de l’information sur la toile, ou du moins l’absence de certains arguments qui bien qu’anciens sont toujours pertinents, ou encore la mise en avant de certaines allégations non vérifiées et possiblement fallacieuses, m’incitent à prendre la plume de plus en plus souvent pour alerter sur certains éléments du débat, voire pour dénoncer certaines dérives.

J’invite mes lecteurs, s’ils sont d’accord sur le fond, à faire connaître autour d’eux, cette approche diplomatique de la société d’aujourd’hui.

La diplomatique a besoin d’adeptes !

Ci-après un récapitulatif de mes dernières publications sur le sujet au cours de ces dernières années.

Et n’hésitez pas à intervenir, à poser susciter la discussion, à signaler des faux (je fais collection !)

Billets sur mon blog marieannechabin.fr es autres blogs et sur mon site professionnel Arcateg:

Articles et ouvrages

Une journée dans la vie de Lili Eting (et son chat) : petit précis de diplomatique souriante, 2016, ouvrage collectif, 2016. Voir la présentation de l’ouvrage: Petit manuel de diplomatique numérique pour les nuls

CHABIN (M.-A.), « Peut-on parler de diplomatique numérique ?« , in Vers un nouvel archiviste numérique, sous la dir. de Valentine Frey et Matteo Treleani, L’Harmattan, 2013 (actes de la table ronde de l’INA, 25 novembre 2010)

CHABIN (M.-A.), « L’ère numérique du faux », revue Médium, n° 31, avril-juin 2012, pp 46-66

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Les six catégories de ‘records’ d’InterPARES http://transarchivistique.fr/les-six-categories-de-records-dinterpares/ Sun, 29 Jun 2014 20:43:56 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=443 Continuer la lecture ]]> Le groupe de recherche international pluridisciplinaire InterPARES, créé et dirigé depuis 1997 par Luciana Duranti, professeur à l’École des bibliothèques, archives et sciences de l’information de Vancouver (Colombie britannique, Canada) contribue activement à élaborer la théorie archivistique du XXIe siècle.

InterPARES a lancé en 2013 son 4e projet, nommé InterPARES Trust consacré à la confiance numérique et dont j’ai l’honneur d’être le partenaire français.

Tout au long de ses travaux, InterPARES a construit un glossaire, intégré à la base de données « Terminologie archivistique multilingue » mise en ligne l’an passé par le Conseil international des Archives.

Ce glossaire comporte notamment un groupe de six qualificatifs et de leurs définitions intitulé « The six categories of records », inspiré par Luciana Duranti qui a notamment écrit à la fin du siècle dernier : « Le records management trouve ses racines dans la diplomatique ».

Les étudiants de mon ex-enseignement au CNAM sont familiers de ces six catégories de documents d’archives d’InterPARES mais il est étonnant et regrettable que ces définitions ne soient pas plus connues, débattues, pratiquées en France.

Voici les six termes et leurs définitions, en anglais et en français (j’ai ajouté en français quelques exemples) :

Ip-DisrecDispositive record. A retrospective record whose purpose is to put into existence an act, the effects of which are determined by the writing itself; that is, the written form of the record is the essence and substance of the act.
Décision. Un document qui énonce une action à exécuter en précisant les effets attendus ; ce qui signifie que l’écrit constitue l’essence et la substance de l’acte. Ex : délibération, arrêté.

Ip-ProrecProbative record. A retrospective record for which the juridical system requires a written form as evidence of an action that came into existence and was complete before being manifested in writing.

Contrat. Un document dont la forme est conditionnée par le droit en vue de prouver un acte conclu et réalisé avant d’être consigné par écrit. Ex : contrat notarié (« authentique ») ou contrat sous seing privé.

Ip-InsrecInstructive record. A prospective record that contains instructions about executing an action or process.

Instruction. Document qui décrit les actions à mener pour mettre en œuvre une décision ou un processus. Ex : procédure, circulaire, mode opératoire, manuel, lettre de mission.

Ip-NarrecNarrative record. A record constituting written evidence of activities that are juridically irrelevant.

Rapport. Document qui relate et trace des faits dépourvus de valeur juridique. Ex : rapport d’enquête, rapport d’étonnement, récit.

Ip-SuprecSupporting record. A retrospective record constituting written evidence of an activity that does not result in a juridical act, but is itself juridically relevent.

Pièce justificative. Trace écrite d’une action qui, sans constituer un acte juridique, est juridiquement recevable. Ex : devis associé à la commande, tableau de choix associé à la décision de choix.

Ip-EnarecEnabling record. A prospective record encoded in machine language that is actively involved in carrying out an action or process.

Document auxiliaire. Programme [informatique] indispensable  la réalisation d’une opération ou d’un processus. Ex : formulaire, formules de calcul ou de mise en forme.

Ma traduction n’est pas littérale car j’ai voulu privilégier la compréhension du message. La traduction systématique, mot à mot, en particulier de « record » qui fait partie du nom des six catégories, aurait inévitablement alourdi et compliqué les définitions. Les substantifs de la langue française utilisés ici pour restituer les types de record ou de document sont plus variés (décision, trace, écrit, instruction, rapport, pièce justificative…) et incluent le qualificatif associé à « record ». La preuve que le français n’est pas systématiquement plus long et plus lourd que l’anglais…

Si on réfléchit un peu, il apparaît que ces catégories archivistiques d’InterPARES sont très simples, basées sur les rôles principaux que jouent les traces écrites dans les relations entre les personnes, pour la constitution de la preuve et de la mémoire. Ces catégories relèvent de la diplomatique universelle (décision unilatérale, contrat, rapport, pièce justificative…) et elles font écho à des réalités de la vie documentaire quotidienne. Pourtant, elles ne sont pas très visibles en France et surtout peu utilisées et peu valorisées.

Ce qui me séduit le plus dans cette catégorisation des documents à archiver (records), c’est la simplicité, l’exhaustivité et le non recouvrement des six catégories. Il est extrêmement réconfortant de se dire que six cases suffisent pour évaluer de manière pertinente l’ensemble des documents engageants et de mémoire qu’il faut conserver, et les répartir dans une structure logique qui permet d’appréhender en un clin d’œil les priorités et les enjeux.

6 catégoriesJe dois avouer cependant que la dernière des six catégories (enabling record / document auxiliaire) ne m’a pas totalement convaincue dans sa forme actuelle. Le caractère exclusivement informatique de cette catégorie (machine language) ne correspond pas au principe de valeur universelle dont je parlais plus haut ; une catégorisation universelle (ce que je veux continuer à voir dans cette approche d’InterPARES) devrait s’appliquer à toute trace écrite quel qu’en soit le support. Cependant, la notion d’écrits qui ne représentent rien d’engageant en eux-mêmes mais qui sont indispensables à la production d’une décision (tous les éléments logiciels qui entrent dans les systèmes comptables ou de production de tarif par exemple) existe aussi, d’une façon beaucoup plus sobres dans l’environnement papier, me semble-t-il ; ce sont d’une part les registres et formulaires pré-imprimés (vierges), d’autre part les modes de calculs et autres barèmes qui sont autant d’outils (auxiliaires) pour la production d’une décision « papier » complète.

J’ai délibérément ignoré dans un premier temps deux qualificatifs importants des définitions anglaises, sur lesquels je reviens maintenant. Il s’agit des termes prospective et retrospective, que l’on peut traduire simplement en français par prospectif et rétrospectif. Ces deux termes apportent une précision sur le contexte de production des documents qui engagent leurs auteurs en les classant de manière binaire dans deux ensembles très intéressants quand on se penche aujourd’hui sur la conception d’une chaîne de dématérialisation :

  • ceux qui sont produit après les faits qu’ils consignent, rétrospectivement, comme une décision écrite après l’accord oral des membres du comité de direction ;
  • ceux qui sont produits avant la matérialisation des faits qu’ils visent, comme les procédures à suivre.

Cette typologie, basée sur le mode de production des écrits, orientée sur la valeur de l’écrit et le rôle que joue et pourra jouer le document, est très structurante. Elle peut véritablement aider le professionnel de l’information, confronté à la nécessité de qualifier un document pour statuer sur la bonne règle de conservation à lui appliquer, en lui fournissant un cadre de lecture solide et efficace, parce que simple et atemporel.

J’approfondirai et illustrerai davantage ces notions fondamentales dans le stage de diplomatique de novembre 2014.

 

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Archives, archivistes, secrets d’archives http://transarchivistique.fr/archives-archivistes-secrets-darchives/ Sat, 05 Oct 2013 12:30:05 +0000 http://transarchivistique.fr/?p=236 Continuer la lecture ]]> Publié par Marie-Anne Chabin, 5 octobre 2013

Archives d’archivistes

Il y a les archives. Il y a les archivistes. Et il y a les archives des archivistes.

Parmi ces archives d’archivistes, il y a les archives personnelles, les archives institutionnelles et les archives collectives.

Parmi les archives collectives, il y a les archives traditionnelles (les documents émis et reçus par les associations dans l’exercice de leur activité et conservés pour des besoins de gestion, pour la justification des droits et pour la mémoire) et les « archives » à la mode Internet, c’est-à-dire l’empilement chronologique des publications ou posts sur les forums de discussion de la profession, mais peu importe, la chronologie a toujours du bon.

Les deux plus anciens forums de discussion de la communauté des archivistes français sont :

  1. le forum Lynx créé par la direction des archives de France en 1987 et qui a fonctionné jusqu’en septembre 1998, soit onze ans. Y ont été postés plus de 6000 messages, soit grosso modo dix messages par semaine. L’intégralité de cette messagerie a été sauvegardée grâce à l’initiative personnelle d’un de ses contributeurs, Joël Surcouf, célèbre ancien directeur des Archives départementales de la Mayenne, sous la forme d’un fichier PDF cherchable, plus qu’intéressant à consulter ;
  2. le forum « archives-fr » créé par l’Association des archivistes français le 14 novembre 1998, pour faire suite au précédent en quelque sorte, et toujours actif ; en bientôt quinze ans, il totalise un peu plus de 12000 messages (environ quinze par semaine).

Toutes ses « archives » sont librement accessibles : il suffit de cliquer sur le lien : http://fr.groups.yahoo.com/group/archives-fr/

forum romainJe serais bien curieuse de savoir le nombre de fois où les abonnés à ce forum (aujourd’hui près de 2900) sont allés regarder les archives du forum, disons des archives de plus de cinq ou dix ans, et, si oui, si c’était :

  • via un lien dans un article ;
  • par le biais d’une recherche de mots clés sur un moteur de recherche, Goût-Gueule ou un autre, dont les résultats pointaient sur un message particulier ;
  • ou pour le principe et le plaisir de se promener un peu dans le passé, histoire de savoir ce que disaient les anciens naguère et jadis.

Secrets d’archives

Le premier débat sur ce forum « archives-fr » est intervenu entre le 1er mars et le 14 avril 1999 (donc quelques mois après l’ouverture du forum), à la suite du témoignage, le 11 février de cette même année, de deux archivistes des Archives Paris en faveur de Jean-Luc Einaudi dans le procès qui l’oppose alors à Maurice Papon devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.

Bref rappel des faits : Jean-Luc Einaudi est l’auteur de La bataille de Paris (Seuil 1991) sur la manifestation du FLN algérien à Paris le 17 octobre 1961 et ses conséquences. En mai 1998, interviewé par le journal Le Monde, il parle de « massacre perpétré par des forces de police agissant sous les ordres de Maurice Papon » ; Maurice Papon, préfet de police de Paris à cette date, lui intente un procès en diffamation. Le 26 mars, Maurice Papon est débouté.

En février 1999, les deux fonctionnaires sont l’objet d’une part d’une sanction administrative, d’autre part de plusieurs pétitions de soutien.

Une vingtaine d’archivistes (j’en étais) a pris part à l’échange qui compte plusieurs dizaines de messages, avec plusieurs « conversations » dont la première porte en objet « Archiviste : un métier dangereux »… Encore une fois, tout cela est consultable, à l’adresse: http://fr.groups.yahoo.com/group/archives-fr/message/58 et suivants.

Au delà des tensions politiques et syndicales, la polémique se situe autour d’une double question :

  1. les archives judiciaires communiquées par les archivistes des Archives de Paris au chercheur Jean-Luc Einaudi, et dont il est fait état lors du procès, étaient-elles communicables ? et d’abord, quels sont exactement les documents en cause ?
  2. le témoignage d’un fonctionnaire des Archives sur l’existence et le contenu d’archives, même non communicables, devant la justice est-il une violation du secret professionnel ou non ?

Pour ma part, plus diplomatiste qu’historienne, je me suis trouvée parmi ceux qui ont souhaité à l’époque creuser la première question, mais sans doute le forum professionnel n’était-il pas le bon lieu pour le faire car la question n’a pas vraiment trouvé là de réponse très claire.

C’est en évoquant ces souvenirs lors d’une conversation à bâtons rompus avec Régis Debray qu’est née l’idée d’un article sur le secret des archives dans un numéro spécial de la revue Médium dont il est le fondateur et le directeur.

Logo RFJe me suis efforcée dans cet article, quatorze ans après les faits, de décortiquer la question de la libre communicabilité ou non des différents documents évoqués lors du procès par le témoin. Cette analyse critique (dans le respect de la tradition chartiste, du moins je l’espère) m’a conduite à une relecture encore plus attentive des lois de 1979 et de 2008 sur les archives, et à comparer leurs articles respectifs sur les délais de communicabilité des archives publiques. Stupéfiant !

Je connais quasiment par cœur les deux passages que j’ai maintes fois utilisés (loi de 1979) ou que j’utilise (loi de 2008 qui remplace la précédente) pour mes cours sur la législation archivistique ou pour les recommandations que je formule pour mes clients, mais ma grille de lecture tournait jusque-là autour des délais proprement dits (30 ans, 60 ans, 75 ans….).

L’analyse comparée des deux articles avec une grille de lecture diplomatique met en évidence une terminologie très différente entre les deux textes, tant pour parler de l’accès aux archives que pour qualifier les documents eux-mêmes. Et cette terminologie est loin d’être neutre. Il est vrai que près de trente ans séparent les deux lois. Mais ceci n’explique pas tout car les archives n’ont pas tant changé et les concepts archivistique fondamentaux non plus.

Je dois avouer que les conclusions auxquelles je parviens ne sont pas tout à fait celles auxquelles je m’attendais : la loi de 2008, présentée comme une avancée avec le raccourcissement de la plupart des délais de libre communicabilité au public, s’avère potentiellement plus restrictive que la loi de 1979…

Médium-SecretsLe numéro 37-38 de Médium (octobre-décembre 2013) vient de paraître, intitulé « Secrets à l’ère numérique : http://regisdebray.com/mediologie:medium

Le double numéro aborde aussi bien le secret d’État que le secret professionnel, les secrets intimes que les secrets littéraires. Extraits du sommaire (22 articles en tout) :

  • Hypocrites démocraties par Pierre Conesa
  • Archives par Marie-Anne Chabin
  • Merci Assange par Françoise Gaillard
  • La confession par Maurice Sachot
  • Les origines par France Renucci
  • Partager ses secrets en public par Louise Merzeau
  • Éloge du secret bancaire par Marc Bonnant
  • Secret des sources par Antoine Perraud

Paul Soriano, rédacteur en chef de la revue, introduit le dossier par ces mots : « Qu’est-ce qui fait d’un secret un secret ? Le message est par définition inconnu. Ne reste alors que le médium, support et véhicule protégés de l’information confidentielle. C’est le sceau qui fait le secret. »
Ma contribution porte le chapô suivant : Une fâcheuse confusion affecte les règles et les exceptions qui gouvernent la publication des archives. Et l’on peut craindre que les évolutions législatives récentes n’aggravent plutôt ce défaut de transparence. Pourquoi ne pas faire enfin confiance aux gens du métier, les archivistes ?

Je ne peux que vous inviter à lire cet article, à dévorer tout le numéro et à vous abonner à Médium!

 

 

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