Dans les années 1950, les visionnaires de l’époque imaginaient qu’en l’an 2000 on se nourrirait de pilules de couleurs variées au goût des mets d’antan. Trente ans plus tard, Maggi a trouvé mieux avec les plats cuisinés déshydratés (lyophilisés) : « Bolino, Bolino ! Le bon petit plat tout chaud ». Un succès ! Si tout le monde n’y a pas goûté, tout le monde a entendu la pub (si vous voulez la réécouter, cliquez ici).

La pub date et la marque ne fait plus les devants de gondoles, mais le produit a encore quelques adeptes. C’est que le Bolino, c’est séduisant :

B comme Bon marché, bien moins cher que le plat du jour chez le traiteur du coin (mais plus cher qu’une baguette aux céréales).

O comme Odoriférant (une odeur de cantine de collège qui joue les prolongations en s’accrochant au palais et aux vêtements pour toute la journée… Ah ! nostalgie…).

L comme Léger dans le sac à provision (un pot pèse 75 grammes pour un plat qui, une fois reconstitué en fait 275).

I comme Instantané, enfin presque parce qu’il faut quand même le temps de chauffer l’eau, de mélanger et de laisser refroidir, soit cinq à dix minutes selon l’équipement. On peut trouver plus rapide mais c’est nettement plus vite fait, par exemple pour le hachis Parmentier – produit phare du Bolino – que de cuire des pommes de terre, de hacher la viande et d’avoir pensé à garder un reste de viande.

N comme Nouille, car il n’est pas besoin d’avoir inventé la poudre pour préparer un Bolino (la poudre de nouille au fond du bol…).

O comme On the shelves : le Bolino c’est du « prêt à consommer », à la mode de notre temps, pour les gens pressés, passifs devant ce qu’ils ingurgitent, attirés par les couleurs qui flashent et sans grandes exigences sur la qualité du contenu.

Prêt à manger, prêt à lire ou prêt à informer, tout cela  fonctionne sur le même principe. Le journaliste, l’étudiant ou le chef de projet qui doit rédiger un article ou un rapport mais qui ne sait pas choisir les ingrédients d’une bonne préparation, qui ne veut pas se donner la peine d’éplucher ses sources, de mixer les idées, de faire revenir après la première saisie, de tourner pour faire disparaître les phrases grumeleuses et de goûter pour voir si c’est bon, un rédacteur donc qui a la flemme de prendre le temps d’une composition documentaire équilibrée, se comporte en bolinophile. Recette : on se procure sur Internet un fond d’information brute, genre dépêche d’agence ou un fait quelconque, et on l’allonge avec de l’eau tiède (pas de problème d’approvisionnement, les inventeurs d’eau tiède sont légion), sous la forme de copiés-collés, de périphrases, de redites, d’extraits de vieilles versions mal fagotés. Et voilà, le « Bolinfo » est prêt à consommer ! C’est rapide, c’est pratique. C’est fade, pâteux, indigeste, mais c’est à la mode.

Finalement, la vertu principale du Bolino, c’est sa capacité à susciter l’envie d’un bon repas, à réveiller la cuisinière et le gastronome (ou inversement) qui dort en chacun de nous. Enfin, c’est ce que peuvent penser les optimistes.

3 commentaires

  1. Aux journalistes, étudiants et chefs de projet, j’ajouterais les romanciers, dont la tendance à boliner démontre au moins une chose : ces gens-là sont opiniâtres…

  2. Dernières nouvelles : parce que je suis quelqu’un de sérieux et que je n’aime pas trop affirmer des choses sans les avoir vérifiées, j’ai mangé ce midi un Bolino Hachis Parmentier (le dernier remontait à une vingtaine d’années).
    Je confirme mon billet. Je maintiens la description. Je réitère la conclusion.

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