Valeur ajoutée de la méthode Arcateg pour un archiviste

La méthode Arcateg™ a été conçue pour aborder l’organisation de l’information à risque dans une entreprise ou un organisme public.

L’angle d’attaque de cet enjeu commun à tous est celui de l’existence et de la protection dans la durée de l’information dont l’entreprise est propriétaire et détentrice. Il s’agit d’énoncer des règles claires qui permettent à chaque collaborateur de réponse à ces questions récurrentes:

  1. Dois-je mettre les documents et les données que je gère en sécurité ou non? Et si oui à quel degré de sécurité et comment?
  2. Dois-je jeter ou conserver telle trace ou telle information? Ce qui ne peut se faire valablement qu’après une analyse de la globalité de l’impact avéré et potentiel de cette trace ou de cette information pour l’entreprise et ses responsables.

Non seulement, l’entreprise doit énoncer des règles en réponse à ces questions, mais elle doit encore s’assurer que ces règles sont conformes à la réglementation et qu’elles sont réellement appliquées par les collaborateurs.

Les fondamentaux de la méthode Arcateg sont issus de l’observation de situations d’archivage déficientes ou chaotiques depuis deux décennies: abandon de documents et de données dans des endroits non gérés et non protégés, destruction d’actifs informationnels qui auraient permis de répondre à une mise en cause ou à une investigation, perte financière par négligence de production ou d’accessibilité d’une information ou d’une preuve.

Ces fondamentaux ont été mis à l’épreuve dans un certain nombre d’entreprises et d’organismes publics avant d’être présentés dans l’ouvrage Des documents d’archives aux traces numériques. Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La méthode Arcateg™, éditions KLOG publié y au printemps 2018.

Le nom de la méthode AR (pour archivage) + CATEG (pour catégories) souligne l’approche méthodologique: les enjeux de gestion de l’information d’entreprise sont abordés par la question de l’archivage qui s’affirme comme le pivot de la gouvernance des données: tout fichier, tout document porte une valeur de risque pour l’entreprise, valeur qui conduit a) à contrôler sa qualité (pour éviter des interprétations erronées), b) à le mettre en sécurité pendant la durée nécessaire et suffisante, c) à gérer son cycle de vie tant sur le plan de la préservation que l’accès aux contenus, tout ceci étant résumé par le terme « archivage » pris dans son acception la plus forte. Il n’y a pas d’autres mots pour dire simplement tout cela. La catégorisation est le moyen de maîtriser l’inévitable hétérogénéité de la masse en rationalisant et en normalisant la réalité. On parle beaucoup aujourd’hui de catalogage des données; c’est la même idée.

De ce point de vue et du point de vue réglementaire, il est clair qu’Arcateg renvoie bien davantage à une mise en œuvre du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) qu’à une mise en œuvre de la gestion des archives publiques telle que la définit le code du patrimoine.

Pour le dire d’une manière plus classique aujourd’hui, Arcateg™ relève assurément du records management (archivage managérial) et non de la gestion des archives patrimoniales, bien que la méthodologie puisse également servir une démarche de gestion de la connaissance et de la mémoire.

La question se pose donc de savoir si la méthode Arcateg™ peut être utilisée avec profil dans la gestion d’un service d’archives.

La réponse est oui, mais à certaines conditions. En effet, dès lors que la démarche Arcateg™ est orientée Risques tandis que les pratiques archivistiques publiques sont orientées Patrimoine, il faut bien mesurer l’usage que l’on fait de chaque concept et respecter les différentes facettes de l’information.

Arcateg™ est construit sur un système archivistique alternatif dédié au management des données au quotidien, de sorte que vouloir fondre les fondamentaux d’Arcateg avec les pratiques archivistiques existantes dans une seule vision documentaire risque de conduire, comme je l’ai constaté parfois, à une cacophonie archivistique inefficiente.

Il ne s’agit donc pas de fondre les notions et de superposer les gestes archivistiques mais de les articuler pour répondre à un plus grand nombre de besoins.

Par exemple:

  • Arcateg donne un cadre de référence pour un recensement exhaustif de la production informationnelle d’une entité juridique, ce qui est autre chose que la gestion de l’existant dans une des composantes de cette entité.
  • Arcateg privilégie une règle de conservation simplifiée dès la création de l’information, basée sur sa valeur de risque pour l’entreprise, quel que soit son support et sa localisation, ce qui n’empêche d’avoir des règles plus détaillées pour la gestion des archives dans la durée.
  • Arcateg est également le support d’un tableau de bord normalisé et codifié pour identifier les doublons et les lacunes, afin de faire des reportings à la direction de l’organisme (établissement, administration) ou de gérer un plan d’actions pour améliorer le stock et le flux.

En résumé, la méthode Arcateg™ permet à un archiviste d’archiver « plus vite, plus haut, plus fort ».

En vous souhaitant une forme olympique!

Le récolement

Récolement est un terme classique et toujours courant du vocabulaire archivistique.

On peut toutefois constater un glissement de sens de récolement vers inventaire. Les deux notions doivent être distinguées, surtout en archivistique.

Définitions

Voici, dans l’ordre chronologique quelques définitions tirées de publications institutionnelles:

Le procès-verbal de récolement. L’instrument de recherche le plus sommaire, mais le premier à établir, est le procès-verbal de récolement, auquel est astreint tout directeur de service d’archives lors de son entrée en fonction, ou à la suite de remaniements importants survenus lors du déménagement des collections. Il s’agit de dresser un tableau précis du contenu du dépôt, en situant l’emplacement exact des liasses, registres et volumes et en signalant les lacunes constatées par rapport aux récolements antérieurs et aux instruments de recherches rédigés postérieurement au dernier en date des récolements. – Manuel d’archivistique (1970), p 250

Le procès-verbal de récolement est le tableau descriptif du contenu du service d’archives. – Pratique archivistique française (1993), p 154

Récolement. Opération consistant à identifier, un par un, tous les articles d’un service d’archives, et à les inscrire sur une liste (dite « procès-verbal de récolement »), en signalant les lacunes constatées. Cette opération, qui est de plus en plus fréquemment informatisée, est réglementaire à chaque changement de directeur dans un service d’archives, et (dans les archives communales) à chaque changement de municipalité. – Pratique archivistique française (1993), Glossaire

Récolement. Vérification systématique, lors de la prise en charge d’un service d’archives ou à date fixe, de ses fonds et collections consistant à dresser dans l’ordre des magasins et des rayonnages la liste des articles qui y sont conservés ou qui manquent par rapport aux instruments de recherche existants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement permanent. Liste tenue à jour des articles conservés dans un service d’archives assortie de leur localisation, présentée dans l’ordre des magasins et des rayonnages, permettant un programme d’utilisation des espaces vacants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement des archives. C’est un état des lieux des archives dressé lors d’un renouvellement de l’exécutif. Il se présente sous la forme d’un procès-verbal de décharge (pour le maire sortant) et de prise en charge (pour le maire entrant), accompagné d’un état sommaire ou détaillé des archives présentes en mairie. – Fiche « Le récolement des archives » de l’Association des archivistes français (AAF) (2014).

Le récolement (empr. au lat. class. recolere « pratiquer de nouveau », d’où « repasser dans son esprit », « passer en revue ») est une opération de contrôle de la présence de documents et d’objets dans une collection, telle qu’un dépôt d’archives, une bibliothèque, un centre de documentation ou un musée.
Il consiste en l’utilisation de listes formant des répertoires sur papier ou numérisées à partir desquelles on recherche si chaque item est physiquement présent. Si des absences sont repérées, elles provoquent la mise à jour de l’inventaire après une recherche éventuelle des documents correspondants.
Il ne faut pas confondre:
– le récolement, qui s’apparente à l’opération habituellement appelée inventaire dans la gestion des stocks commerciaux, (inventaire physique),
– l’inventaire, qui est le registre, sur papier ou informatisé, qui liste les éléments formant la collection de la bibliothèque, du dépôt d’archives ou du centre de documentation, par ordre d’entrée, (inventaire comptable).
En France, cette opération est obligatoire dans les collections publiques, pour les archives municipales à l’occasion de chaque mandat, pour les archives départementales à chaque changement de directeur. – Wikipédia

Commentaires

Le rapprochement des différents extraits ci-dessus illustre, discrètement mais sûrement, le grignotage de l’archivistique française par la logistique au détriment du droit, au cours des dernières décennies.

D’une action de contrôle (le récolement) et de l’acte réglementaire et engageant qui en découle, avec décharge de la responsabilité des lacunes observées et déclarées (le procès-verbal), on est passé à une action de gestion des stocks pris en charge (avec cette particularité archivistique que pas deux objets du stock ne sont identiques). Cette pratique fait passer au second plan la valeur juridique de l’opération (quand ce n’est pas purement et simplement aux oubliettes).

Le « récolement permanent », inventé à fin du siècle, alors que les services d’archives s’accoutument à l’informatique de gestion, a une petite allure d’oxymore car comment peut-on à la fois être le constat d’un fait (ce qui existe et ce qui manque lors d’une passation de fonction) et une base de données évolutive? Comment un mot peut-il désigner à la fois un document daté et signé et des données de travail mises à jour au quotidien?…

Les deux acceptions restent cependant utilisées et je note que les archivistes communaux, plus sensibles sans doute aux effets des élections locales, ont su davantage préserver le sens original du récolement. Ce qui est gênant est que le même terme professionnel ait deux sens assez différents et, pis, sens que ses utilisateurs ne distinguent pas toujours. Diable, la langue française est-elle si pauvre? Wikipédia, lui, s’en sort très bien!

Mon commentaire n’est pas une réaction de puriste de la langue. Même si le préverbe « re » est mon préverbe préféré dans les langues latines, cela ne me choque pas plus qu’autre chose de voir sa signification originelle escamotée par l’usage et de voir le sens du mot « récolement » réduit à celui de « colement » sans le ré (cool, man!). Non, ce qui me gêne, c’est, d’une part, l’ambiguïté du discours, d’autre part, l’abandon de cet acte administratif engageant la responsabilité des acteurs propriétaires et détenteurs de archives.

La règle voulait naguère que le récolement ait lieu dans les quelques semaines suivant une prise de fonction, obligeant l’archiviste à caractériser la situation dans une forme compréhensible par l’élu ou le représentant de l’Etat amené à y apposer sa signature. C’était le moyen de mettre en évidence les lacunes (tout du moins dans les » archives essentielles »), de synthétiser les acquisitions du mandat, de pointer les anomalies, bref de suggérer une politique archivistique en même temps que de satisfaire à une obligation réglementaire toujours valide même si elle tombe en désuétude.

Mais, hélas, le mieux analytique est l’ennemi du bien archivistique.

Combien de récolements de dépôts n’ont jamais abouti parce que l’archiviste voulait être exact, précis, complet? Et le sens du récolement a commencé à se perdre. Le comptage des boîtes et des cartons l’a emporté sur la politique. En attendant que l’informatique l’emporte sur l’archivistique… Dommage.

Et maintenant, la question qui tue: c’est quoi un récolement numérique?…

Question subsidiaire: quelle la durée de conservation d’un procès-verbal de récolement?

Dix sens du mot archive(s)

Chacun peut constater la polysémie du mot archives, entre le point de vue des informaticiens, celui des archivistes, celui des juristes, celui des historiens, celui du quotidien, entre le support papier et les données numériques, entre les exploitations historiques et artistiques de cette matière informationnelle multiforme. En marge de diverses lectures et écritures archivistiques, j’ai mis à jour la liste de ces acceptions ou significations à laquelle je me suis déjà attelée plusieurs fois à la fin du dernier siècle. Je distingue ici dix acceptions auxquelles j’accroche un qualificatif plutôt qu’un numéro.

Archives millénaires

A tout seigneur, tout honneur, je commence par les archives que je qualifie de « millénaires », c’est-à-dire celles qui existent depuis l’Antiquité, depuis l’invention de l’écriture, et dont la définition est restée assez stable au cours des siècles. Il s’agit des actes (titres, décisions, contrats) et des documents de gestion (comptabilité, état civil, cadastre…) que les responsables d’un territoire ou d’une communauté décident de mettre en sécurité dans un endroit contrôlé afin de pouvoir s’y reporter plus tard au cas où quelqu’un contesterait les droits fondés par ce document ou qu’il serait nécessaire de disposer des informations originales consignées dans ces documents. Cette mise en archives est avant toute chose une décision managériale, un geste de protection des documents qui engagent la responsabilité.

Le mot « archives » désigne d’abord le lieu où ces documents sont mis en conservation, puis l’ensemble des documents rassemblés dans ce lieu en raison de leur valeur (valeur d’archives, valeur de pouvoir si on retient l’étymologie grecque du mot archives). Un acte, individuellement, est un « document d’archives » c’est-à-dire un document qui a été sélection pour faire partie des archives, un document qui a été volontairement archivé. Le double sens de contenant (le lieu) et du contenu (les documents) a perduré jusqu’à aujourd’hui.

En anglais, depuis plus de cinq siècles, cette même réalité documentaire est appelée « records »: ce qui est pris en compte dans la définition anglaise est le geste de mettre en sécurité dans un lieu dédié (to record) tandis que la langue française a retenu le terme désignant le lieu dédié où les documents sont mis en sécurité (les archives).

Ces archives millénaires présentent trois caractéristiques:

elles ne sont pas leur propre finalité, c’est-à-dire qu’un document d’archives est initialement la trace délibérée d’un acte juridique ou d’une action humaine distinct du support d’information qu’il suscite, à savoir l’acte ou l’action dont les auteurs ou les protagonistes veulent garder la mémoire écrite, tangible, pour pouvoir s’y référer ultérieurement, à titre de preuve ou d’information; à ce titre, les archives s’opposent aux livres, objets de connaissance autonomes, produits « culturels » qui sont leur propre finalité;

  1. la forme et le support n’ont pas d’incidence sur la valeur de document d’archives mais ont une conséquence son exploitation et sa conservation (un mauvais support conduira à l’illisibilité de l’information au bout d’un certain temps; une mauvaise qualité de forme créera de l’ambiguïté lors de l’utilisation du contenu);
  2. la valeur d’archives est acquise par le document au moment de sa création-validation-acceptation, c’est-à-dire au moment où la portée du document est assumée par la personne qui le détient.

De ce point de vue, les données personnelles collectées et utilisées par les entreprises et les organisations publiques dans un cadre contractuel ou réglementaire tel que le décrit le RGPD (Règlement général pour la protection des données personnelles) sont des archives, même si le RGPD n’utilise pas le mot.

Archives historiques

L’expression « archives historiques » recouvre en partie le périmètre constitué par l’ensemble des archives au sens millénaire du terme, mais en partie seulement car, d’une part, toutes les archives ne sont pas historiques et, d’autre part, on a coutume de qualifier d’archives historiques des documents qui ne sont pas et n’ont jamais été les traces d’un acte ou d’une action consignée sciemment par écrit pour faire preuve ou faire mémoire. Ainsi, ne sont pas archives historiques les documents archivés puis délibérément détruits par leur détenteur comme inutiles au regard de ses intérêts (après dix, trente ou cent ans). Le facteur temps qui élime souvent la valeur des choses joue ici en faveur d’une réduction de l’utilité des archives.

De l’autre côté, le facteur temps réactive parfois la valeur des choses (besoin humain de mémoire individuelle et collective, ou simple tendance vintage) et joue donc également en faveur d’un élargissement du périmètre des archives historiques. Ainsi des objets d’information plus ou moins anciens et sans valeur de preuve ou de mémoire identifiée par leur auteur peuvent être retrouvés là où ils ont été abandonnés et être « repêchés » par une personne tierce qui leur accorde une valeur de connaissance ou de témoignage (prospectus, lettres, brouillons…). C’est ce que j’ai appelé les archives par baptême, par opposition aux archives par nature.

Il ne faut pas confondre les archives historiques avec les archives publiques (le code du patrimoine définit les archives publiques mais pas les archives historiques). On peut lier toutefois les deux notions à la création des Archives nationales au moment de la Révolution française, même si la patrimonialisation des archives se s’est imposée qu’au cours des décennies suivantes. En l’absence de définition légale des archives historiques (voir le billet Qu’est-ce que les archives historiques?), la qualité d’archives historiques est donc fluctuante. Sont archives historiques ce que l’on désigne comme archives historiques, c’est-à-dire ces documents, objets, etc. auxquels on accorde une valeur de mémoire individuelle et collective. La définition des archives historiques est essentiellement relative au locuteur.

Archives audiovisuelles

Les archives audiovisuelles recoupent aujourd’hui les deux premiers périmètres (traces engageantes d’une activité et documentation de mémoire sous forme audiovisuelle) mais elles visent originellement un ensemble de supports d’information non archivistiques.

En effet, l’expression « archives audiovisuelles » remonte à une cinquantaine d’années (seulement) et désigne au départ les productions du cinéma et de la télévision, soit à 95% des produits culturels destinés à être diffusé au public; ils sont leur propre finalité comme les livres et les journaux (les 5% restant étant les rushes ou les éléments préparatoires des émissions télévisées). On aurait aussi bien pu appeler cet ensemble « publications audiovisuelles » et si le terme archives l’a spontanément emporté, c’est sans doute à cause du caractère unique (ou du très petit nombre d’exemplaires) d’un film ou d’une émission (comme dans le cas des archives traditionnelles), alors que les journaux et les livres sont produits (dans l’environnement analogique du moins) en des milliers d’exemplaires (voir le dossier de l’INA de 2014 à ce sujet: L’extension des usages de l’archive audiovisuelle).

L’expression a été « récupérée » un temps par le vocabulaire archivistique pour désigner non seulement les images animées mais également les images fixes, ce que les archivistes appellent aussi les documents figurés (cartes postales, estampes, affiches…) mais si cette acception n’est plus vraiment usitée.

Avec le développement des technologies numériques, les producteurs d’archives audiovisuelles se sont multipliés incluant de très nombreux « éditeurs de contenus Web », à des fins de production culturelle mais aussi dans l’exercice d’une activité économique, de recherche, de formation, de soins, etc., de sorte que le sens de l’expression s’est élargi à toutes les archives (au sens millénaire) sous forme de vidéo.

Le poids de la forme et du support reste très fort dans cette notion d’archives audiovisuelles et il est parfois difficile (et peut-être inutile du reste) de distinguer les différentes acceptions. Par exemple, quand on parle des archives audiovisuelles de la Justice pour désigner l’enregistrement audiovisuel des grands procès, les sens de trace d’une activité administrative (dont le but est le jugement et non le film) et de publication officielle sont mêlés.

Archives poussiéreuses

L’image des archives, dans le quotidien des bureaux, a légèrement progressé, du fait de l’évangélisation réalisée inlassablement par les archivistes, du fait aussi de la diversification des acteurs de l’archivage dans l’environnement numérique.

Cependant, dans la langue courante, les archives ont encore une connotation poussiéreuse ou du moins vieillotte, laquelle n’est d’ailleurs pas toujours négative (voir la formule « J’adore les vieilles pierres »). Par ailleurs, l’âge inspire (quelquefois) le respect, la déférence, et on note dans d’emploi du mot archives une connotation d’authenticité, de confiance.

Tout de même, sur ce sujet, il est intéressant de noter que l’association archives-vieux trucs est en partie véhiculée par certains archivistes eux-mêmes qui, dénonçant cette expression pour se défendre de cette image de poussière dont ils sont convaincus qu’elle leur colle à la peau, l’entretiennent au contraire, ou bien qui se complaisent (consciemment ou pas?) à utiliser des mots tels que ménage ou dépoussiérage pour parler de leurs activités.

Archive unitaire

Parler d’archive, au singulier, était encore une hérésie il y a vingt ans (j’ai toujours en mémoire la lettre d’insulte que j’ai reçue d’un lecteur en 2000, via mon éditeur, Hermès-Lavoisier, pour avoir osé titrer mon livre « Le management de l’archive », avec ce singulier inhabituel, proscrit par l’Académie et du coup provocateur. On m’a encore qualifiée très récemment de « dame qui parle d’archive au singulier ». Eh bien!

En vingt ans, l’eau a bien coulé sous les ponts de Paris et tout le monde, archivistes et académiciens compris, s’est mis à cette singularité. On dit couramment « une archive » pour désigner « un document d’archives » et plus personne ne songe à s’en offusquer.

Qu’est-ce qui a provoqué cette évolution? Plusieurs facteurs vraisemblablement: l’influence de l’anglais où le singulier archive est répandu (avec d’autres sens, voir ci-dessous); l’émiettement de l’information dans l’environnement numérique, la démocratisation des archives (plus de producteurs, plus d’utilisateurs, plus de documents à valeur d’archives) et le fait que les gens, archivistes et académiciens compris, sont de plus en plus pressés et préfèrent un mot de deux syllabes à une expression de cinq…

Archive informatique

Dans les années 1990, la profession archivistique a utilisé un temps l’expression « archives informatiques » pour désigner ce que l’on a appelé « archives électroniques » dix ans plus tard, avant que les « archives numériques » ne prennent le relais. Mais ce n’est pas de cette expression (où l’acception du mot archives n’est pas nouvelle) dont je veux parler ici.

Loin de l’archivage managérial (records management), de l’histoire et des médias, le mot archives a un sens particulier dans le vocabulaire informatique, sous l’influence de l’anglais technique. Je cite Wikipédia: « En informatique, une archive est un fichier dans lequel se trouve tout le contenu d’un dossier (fichiers, arborescence et droits d’accès). Les archives sont généralement des fichiers portant l’extension .tar (format UNIX) ou .zip (sous windows) et ceux-ci sont également souvent compressés. Le but principal d’une archive est de transporter tout un dossier en un seul fichier. De plus, cela permet de profiter de la redondance entre les fichiers lors de la compression ».

Ce sens ne relève pas de l’archivistique (est-ce que je me trompe?).

Archive plateforme

Toujours sous l’influence anglo-saxonne et dans l’environnement numérique, on rencontre le terme archive au singulier pour désigner un centre d’archives (avec les données, les équipements pour les gérer et même le personnel) ou encore une plateforme regroupant des collections de fichiers (données, documents, publications, images) collectés et mis à disposition d’un public intéressé. C’est ainsi que la norme ISO 14721 (modèle de référence pour un Système ouvert d’archivage d’information) parle d’archive OAIS (systèmes et personnes). C’est le cas également de l’archive ouverte HAL pour les articles scientifiques. On peut citer aussi, en anglais la plateforme Internet Archive.

L’archive-concept

L’intégration du geste d’archiver ou de l’objet-archive à la réflexion philosophique ou sociologique s’observe chez un certain nombre d’auteurs mais on peut dire que l’archive, toujours au singulier, a été institutionnalisée comme concept philosophique d’abord par Michel Foucault dans L’Archéologie du savoir (1969) puis par Jacques Derrida dans son livre Mal d’archive: une impression freudienne (1995), essai issu d’une conférence intitulée « The Concept of the Archive: A Freudian Impression », et traduit en anglais sous le titre Archive fever….[la conférence a certainement eu lieu un samedi soir 😊]

Derrida interroge l’étymologie du mot, son genre et son nombre au fil des siècles, ses significations, entre le commencement et le commandement, l’objet et sa localisation, la consignation et l’accès, etc.

J’aime à citer cette phrase de Derrida: « La question de l’archive n’est pas une question du passé. […] C’est une question d’avenir, la question de l’avenir même, la question d’une réponse, d’une promesse, d’une responsabilité pour demain ». J’aime particulièrement les derniers mots: « une responsabilité pour demain.

Les archives naturelles

Un autre sens d’archives, au pluriel cette fois, est le sens figuré: au sens propre, les archives sont des documents, des objets documentaires, des assets informationnels, des données, etc. c’est-à-dire des (sous-)produits de l’activité humaine, au moyen de l’écriture d’abord mais aussi de l’image, des chiffres, des signaux; au sens figuré, archives désigne donc des traces non écrites, non issues de l’activité humaine. Le sens est alors celui de traces créées en dehors l’esprit et de la main des hommes et que l’on peut cependant considérer comme des documents (voir Suzanne Briet, Qu’est-ce qu’un document?) et donc interroger et interpréter. C’est pourquoi je les appelle « naturelles »: ce sont les archives du climat, les archives de la terre, les archives du corps, qu’il faut bien entendre comme les traces laissées par le temps qui passe, décrites et traitées en tant que sources de connaissance, et non comme collections thématiques d’archives traditionnelles ou audiovisuelles sur le climat, la terre, le corps.

Archives engagées

Après avoir commencé par les archives « millénaires », documents de preuve et de mémoire qui engagent la responsabilité de celui qui les crée ou les reçoit mais surtout qui assume les conséquences de leur bonne ou mauvaise gestion – les documents engageants donc (records en anglais) – ,  je termine cette énumération, avec un clin d’œil, par les archives « engagées ».

J’entends par là des objets documentaires qui sont le sous-produit (by-product) d’une activité économique, commerciale, artistique… mais d’abord militante, et qui sont en même temps leur propre finalité. Je pense aux archives de communautés, d’associations, d’artistes, constituées de documents écrits, photographiques ou audiovisuels, délibérément collectés ou créés pour agir, pour revendiquer, pour témoigner, pour faire connaître. Des archives qui sont à la fois des archives par nature et des archives par destination, appréhendées comme un instrument proactif immédiat et non comme une trace défensive différée.

C’est une catégorie nouvelle, une notion et une expression qui mériteraient une étude plus approfondie.

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Si vous avez un onzième sens, n’hésitez pas…

PS: Quant au mot archivage, j’en ai analysé six acceptions différentes sur la base d’un corpus d’articles tirés du journal le Monde: l’analyse est sur mon blog.

Définitions d’archivistique

En préparant mon intervention au prochain colloque du GIRA (Groupe interdisciplinaire de recherche en archivistique) le 30 novembre 2018 à Montréal, sur le thème « État, conditions et diffusion de la recherche en archivistique », j’ai « révisé » les définitions du mot archivistique (archival science en anglais).

Voici, à toutes fins utiles, la liste de ces définitions, dans l’ordre de longueur des définitions (la source est mentionnée à la suite de la définition).

Science des archives.

Dictionnaire Larousse

Science de la gestion des archives.

Direction des Archives de France, Pratique archivistique française (1993)

A systematic body of knowledge that supports the practice of appraising, acquiring, authenticating, preserving, and providing access to recorded materials.

Pearce-Moses, Richard. A Glossary of Archival and Records Terminology. Chicago: Society of American Archivists, 2005, repris par InterPares

Science qui étudie les principes et les méthodes appliquées à la collecte, au traitement, à la conservation, à la communication et à la mise en valeur des documents.

Direction des Archives de France, Dictionnaire de terminologie, 2002

Archival science, or archival studies, is the study and theory of building and curating archives, which are collections of documents, recordings and data storage devices.

Wikipedia anglais

Discipline universitaire traitant des modes de collecte, d’analyse et de description, de tri et de classement, de conservation matérielle et de mise en valeur des archives.

Marie-Anne Chabin, Nouveau glossaire de l’archivage, mars 2010

XXe siècle. Dérivé d’archiviste. Ensemble des principes théoriques et des règles pratiques applicables à la collecte, à la conservation, au classement, à l’inventaire, à la communication et à l’utilisation des archives.

Dictionnaire de l’Académie française (9e édition)

L’archivistique est la discipline relative aux principes et aux techniques relatifs à la gestion des archives. Elle relève à la fois des sciences auxiliaires de l’histoire et des sciences de l’information et des bibliothèques.

Wikipédia

Discipline qui recouvre les principes et les techniques régissant la création, l’évaluation, l’accroissement (l’acquisition), la classification, la description, l’indexation, la diffusion et la préservation des archives.

Université de Montréal, École de bibliothéconomie et des sciences de l’information, “Terminologie archivistique de base proposé aux étudiants,” 1999

Science qui étudie les principes et les procédés méthodiques employés à la conservation des documents d’archives permettant d’assurer la présentation des droits, des intérêts, des savoir-faire et de la mémoire des personnes morales et physiques.

Dictionnaire des archives: de l’archivage aux systèmes d’information; Afnor-Ecole des chartes, 1992

Archival science is an academic and applied discipline that involves the scientific stydy of process-bound information, both as a product and as agent of human thoughts, emotion, and activities, in its various contexts. Its field of study encompasses personal documents, records, and archives of communities, government agencies, and other formal organizations, and archival materials in general, whether or not kept by archival institutions units, or programs. It covers both the records themselves and their contexts of creation, management, and use, and their sociocultural context. Its central questions are why, how, and under what circumstances human beings create, keep, change, preserve, or destroy records, and what meanings they may individually or jointly attribute to records and to their recordkeeping and archival operations.

Encyclopedia of archival science, sous la direction de Luciana Duranti et Patricia C Franks, Rowman & Littlefield, 2015

A noter que le « petit glossaire » du site de l’Association des Archivistes Français ne comporte pas d’entrée « archivistique ».

Il n’y a pas non plus d’entrée « archivistique » dans l’index du Manuel d’archivistique de la Direction des Archives de France, publié en 1970, et cet ouvrage ne comporte pas de glossaire.

Je termine par quelques explications données par Michel Duchein dans l’introduction de la Pratique archivistique française (1993)

« Le grand développement de l’archivistique comme science est surtout un phénomène postérieur à la seconde guerre mondiale. La cause en est, évidemment, le bouleversement apporté aux pratiques traditionnelles de la gestion des archives par les conditions nouvelles nées du développement des technologies, de l’accroissement vertigineux de la production documentaire des administrations et de l’émergence des nouvelles nations pour lesquelles le problème des archives se posait en terme très différents de ceux des pays européens ».

« Le mot archivistique est de création relativement récente. Comme adjectif (signifiant « relatif aux archives ») il remonte, en France, aux années 1950. Comme substantif (« science de la gestion des archives ») il a été utilisé en Italie en 1928 par Eugenio Casanova mais on ne le voit guère en France avant la seconde guerre mondiale. L’Académie française ne l’a introduit dans son dictionnaire qu’en 1987″.

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Si vous connaissez d’autres définitions, n’hésitez pas à m’en informer.

La diplomatique, plus importante que l’archivistique ?

Contrairement à ce qu’on enseigne encore parfois, la diplomatique, comme méthode d’analyse et de critique des faux, n’est pas qu’une simple « science auxiliaire de l’histoire ». Elle est une discipline à part entière qui permet de critiquer valablement l’information produite, reçue et utilisée dans les activités humaines, aujourd’hui dans le contexte numérique comme hier lors de l’affaire Dreyfus ou avant-hier avec les faux médiévaux.

Pour rappel, la diplomatique contribue à une bonne évaluation de l’information à archiver et à la bonne critique des sources à utiliser (ce qui relève des mêmes exigences). De ce point de vue, c’est une discipline scientifique (sciences humaines) au service des experts de l’information. L’archivistique, de son côté, est constituée d’un ensemble de pratiques professionnelles en vue de maîtriser les masses documentaires archivées. De ce point de vue, l’archivistique relève davantage de l’organisation des services et des collections.

Quand je lis ce qui s’écrit, sur les faux mails occasionnés par l’aubaine de faire du business avec le RGPD (Règlement général pour la protection des données personnelles) ou sur le statut de certains documents privés ou publics, par des gens qui n’ont a priori pas de culture historique, archivistique ou diplomatique, et qui – surtout – ne l’ont remplacée par rien d’équivalent, je constate certaines contre-vérités, des affirmations parfois aussi péremptoires que légères, un manque d’esprit de finesse caractérisé, avec les conclusions hâtives et parfois dommageables qui en découlent.

De ce point de vue, la diplomatique me semble au XXIe siècle très importante pour la société, pour la vie des entreprises, pour la vie des citoyens. La diplomatique me semble aujourd’hui plus importante que l’archivistique (trop liée au papier, mais c’est un autre sujet que je développerai bientôt). L’absence d’une certaine critique de l’information sur la toile, ou du moins l’absence de certains arguments qui bien qu’anciens sont toujours pertinents, ou encore la mise en avant de certaines allégations non vérifiées et possiblement fallacieuses, m’incitent à prendre la plume de plus en plus souvent pour alerter sur certains éléments du débat, voire pour dénoncer certaines dérives.

J’invite mes lecteurs, s’ils sont d’accord sur le fond, à faire connaître autour d’eux, cette approche diplomatique de la société d’aujourd’hui.

La diplomatique a besoin d’adeptes !

Ci-après un récapitulatif de mes dernières publications sur le sujet au cours de ces dernières années.

Et n’hésitez pas à intervenir, à poser susciter la discussion, à signaler des faux (je fais collection !)

Billets sur mon blog marieannechabin.fr es autres blogs et sur mon site professionnel Arcateg:

Articles et ouvrages

Une journée dans la vie de Lili Eting (et son chat) : petit précis de diplomatique souriante, 2016, ouvrage collectif, 2016. Voir la présentation de l’ouvrage: Petit manuel de diplomatique numérique pour les nuls

CHABIN (M.-A.), « Peut-on parler de diplomatique numérique ?« , in Vers un nouvel archiviste numérique, sous la dir. de Valentine Frey et Matteo Treleani, L’Harmattan, 2013 (actes de la table ronde de l’INA, 25 novembre 2010)

CHABIN (M.-A.), « L’ère numérique du faux », revue Médium, n° 31, avril-juin 2012, pp 46-66

Qu’est-ce qu’une durée de conservation?

Durée de conservation. Les mots sont simples et l’expression ne semble pas poser de problème de compréhension. Et pourtant, la durée de conservation est trop souvent maltraitée. C’est pourquoi je me réjouis de la prochaine entrée en vigueur du RGPD (Règlement général pour la protection des données personnelles) qui illustre très bien ce concept.

La durée est le laps de temps pendant lequel une chose se déroule ou existe, avec un début et une fin à l’action ou à l’objet : la durée légale du travail, la durée d’un bail, la durée d’un mandat électoral, la durée d’un congé, la durée d’un trajet (plus longue par temps de grève, en cas de panne ou si on fait des pauses), la durée d’un projet, la durée d’une communication téléphonique, la durée d’une chanson (qui peut varier selon l’interprète), ladurée de cuisson d’un macaron, etc.

Lire la suite sur le blog marieannechabin.fr

Conservation du bulletin de salaire pendant 50 ans ?

Jean-Louis Pascon a publié sur LinkedIn un article au sujet de l’obligation faite aux employeurs de conserver pendant 50 ans le double des bulletins de salaire numériques, intitulé « Le bulletin de paie numérique mais pas n’importe comment »

L’auteur rappelle la réglementation relative au bulletin de paie électronique depuis sa création en 2009 jusqu’à la disposition du décret de décembre 2016 qui demande aux employeurs de « garantir à ses employés l’accès à leurs bulletins de salaire électroniques sur une période de 50 ans », et s’interroge sur la faisabilité technologique et organisationnelle de cette obligation.

J’ai versé les trois remarques suivantes à la discussion :

  • la première est que la question n’a pas attendu le bulletin de salaire numérique ; depuis des décennies, le code civil et le code du travail exigent que l’employeur conserve son double des bulletins de salaire pendant 5 ans ; or, 80% des entreprises, d’après mes constats, conservent ces bulletins pendant 50 ou 60 ans, sans fondement juridique précis mais pour rendre service à leurs anciens salariés qui auraient perdu leur original et seraient ennuyés pour constituer leur dossier de retraite ;
  • la seconde veut attirer l’attention sur la formulation « 50 ans ou 6 ans après le départ de l’employé à la retraite » : cette façon d’exprimer la règle est bien connue des archivistes : quand on n’a pas de visibilité sur le terminus ad quem (borne finale), on transpose le délai à partir de… en durée objective en faisant une hypothèse sur cette borne finale (au passage, c’est une des caractéristiques d’Arcateg que de gérer des durées et non des délais car c’est bien plus efficace) ;
  • troisièmement, depuis le temps que j’observe les archives et les pratiques d’archivage, je crois pouvoir dire que les besoins de conservation des bulletins de salaire pour la retraite étaient réellement justifiés avant la réforme de 1971 (c’est plus facile de créer son dossier quand la carrière se situe après cette date, ce qui est le cas de la très grande majorité aujourd’hui) ; par ailleurs les caisses de retraite collectent aujourd’hui les informations de plus en plus tôt de sorte que cette durée de 50 ans perd largement de son sens.

Conclusion : je crois que le droit se cherche encore un peu sur le sujet.

Le débat reste ouvert.

Traduction de « record » dans le Règlement européen pour la protection des données personnelles

Le Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) est la version française du General Data Protection Regulation (GDPR). Une traduction technique et juridique a priori.

C’est pourquoi il n’est pas banal de constater qu’un même mot anglais est traduit par quatre mots français différents. C’est le cas du mot « record » qui, selon les passages, devient : dossier, archives, registre et enregistrement.

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L’archivage a-t-il de l’avenir ?

Évidemment la réponse est OUI, l’archivage a de l’avenir parce qu’il n’a jamais été aussi important dans la société et dans les entreprises de veiller sur le devenir des données, de leur création à leur destruction. Et pourtant, l’archivage est loin d’être une évidence pour tous.

L’archivage est un geste fort

L’archivage est ce geste managérial qui conduit à mettre en sécurité les documents ou données qui engagent dans la durée, avec une règle de vie qui pilote leur qualité, leur stockage, leur pérennisation, leur accès et leur destruction un jour, au mieux des intérêts de tous. On disait autrefois « classer aux archives », c’est-à-dire transférer délibérément les documents importants dans un lieu sécurisé, pour s’y référer plus tard, à titre de preuve et de mémoire. Les anglo-saxons parlent de records (les documents enregistrés car dignes d’être enregistrés dans un centre de conservation), et de records management.

Précisions sur les exigences incluses dans la règle de vie :

La qualité des données semble une évidence mais il n’est pas inutile de le répéter : si on archive un document de mauvaise qualité, il ne deviendra jamais un document de bonne qualité. Si le document n’est pas authentique au moment de son archivage (c’est-à-dire dont l’auteur est identifié et sûr et dont la date est certaine), il sera très difficile d’établir a posteriori son authenticité. De même, si un document n’est pas fiable parce que sorti de son contexte, farci de sigles ou de formules inintelligibles, non validé, etc. il sera hasardeux de l’utiliser. Dès lors, pourquoi le conserver ?

Le stockage – qui n’est qu’une composante de l’archivage – renvoie au fait que tout document archivé est conservé physiquement quelque part, qu’il s’agisse d’un rayonnage pour les supports physiques ou d’un disque, un data center pour les fichiers numériques. Comment gérer un objet si on ne contrôle pas sa localisation ? La question est aussi celle de la territorialisation des données, ne serait-ce que par l’exigence du fisc français de conserver sur le territoire français les données qu’il peut être amené à contrôler.

La pérennisation est le corollaire de la durée de conservation : dès que la durée de conservation dépasse un certain nombre d’années, disons 10 ans en moyenne, les supports numériques requièrent des migrations de formats et/ou de supports pour continuer d’être lisibles et exploitables.

L’accès est la finalité même de l’archivage : à quoi bon archiver si ce n’est pas dans la perspective de consulter un jour les documents archivés ? À noter que l’accès à deux volets que sont, d’une part les droits d’accès, les habilitations (à gérer également dans la durée, ce qui est souvent mal fait), d’autre part, les outils qui permettent de retrouver le document précis ou l’information recherchée.

La destruction est le destin de la majorité des documents d’entreprise, au bout de 5, 10, 30 ans ou plus sauf si leur valeur patrimoniale suggère de les conserver parmi les archives historiques (voir sur ce sujet la théorie des quatre quarts des archives historiques).

Mais ce n’est pas tout : pour que ce geste soit toujours efficace, il faut que la démarche concerne l’exhaustivité des documents et données de l’entreprise qui portent une valeur de preuve ou de mémoire. Si des documents qui engagent la responsabilité de l’entreprise ne sont pas gérés (conservés, détruits conformément à l’environnement réglementaire et à ses intérêts), l’entreprise court un risque. Si, à l’inverse, des documents ou des données sont indûment conservés dans l’entreprise (les données personnelles notamment), elle court également le risque d’une utilisation malencontreuse ou tout simplement d’une sanction des autorités pour non-conformité à la loi ou au Règlement général pour la protection des données personnelles.

Donc l’archivage est tout sauf obsolète. Et pourtant, deux courants, pour ne pas dire deux « idéologies », observables actuellement dans la société semblent le menacer. La démarche d’archivage managérial est en effet prise en étau entre deux attitudes néfastes : celle de ceux qui veulent tout mettre dans le cloud et laisser les technologies capturer, diffuser, trier, déréférencer, etc. ; et ceux qui veulent tout collecter pour être trié après par des archivistes (des archives intermédiaires aux archives historiques). Ces deux attitudes extrêmes sont le ferment d’une déresponsabilisation dommageable des entreprises sur leurs écrits, les données qu’elles traitent et les documents qu’elles reçoivent.

Tout conserver, c’est ne rien archiver

Depuis près de trente ans, le développement des technologies numériques instille chez les utilisateurs cette idée que l’on peut tout conserver en informatique et qu’il est ringard de s’occuper d’autre chose que de produire des données selon ses envies et d’accéder à l’information selon ses désirs.

Cette invitation des outils à la paresse et à la négligence des utilisateurs est très séduisante : pourquoi s’embêter et se contraindre à des tâches fastidieuses puisque les technologies permettent aujourd’hui de tout stocker pour quelques euros de plus, de tout retrouver, de tout classer ?

Il y a là un amalgame fâcheux entre la capacité technologique à soulager l’humain dans des tâches fastidieuses ou minutieuses et la responsabilité humaine de constituer une mémoire fiable, cohérente et raisonnée de ses activités, mémoire contrôlée au sein de laquelle cette capacité technologique peut donner le meilleur d’elle-même.

Les outils seront d’autant plus efficaces que les écrits éphémères ou périmés seront éliminés au fur et à mesure de leur péremption. Tout conserver, c’est ne rien archiver. Tout conserver, c’est subir le stockage. Tout conserver, c’est laisser aux outils le soin de gérer – ou de ne pas gérer – les traces humaines.

Cette inféodation à la technologie conduit les individus et les entreprises à abdiquer la responsabilité de définir les règles de vie des documents et des données qui leur appartiennent. C’est un renoncement au droit de chacun à l’archivage conscient et délibéré de ce qui a du sens à être conservé, pour la preuve, pour la conformité ou pour la connaissance.

Et c’est sans compter avec :

  • les exigences légales de protection des données personnelles portées par le Règlement général pour la protection des données personnelles ;
  • les coûts énergétiques de la conservation du rien ou du nul ;
  • l’ambition légitime d’une mémoire (débarrassée de ses scories informationnelles) à transmettre à la génération suivante.

Si tout est archive, il n’y a rien à archiver

Une autre idée s’est incrustée dans les esprits depuis quarante ans, au moins dans le secteur public : « tous les documents naissent archives ».

Cette affirmation pose question. En effet, si les archives sont (au plan linguistique) le fruit de l’archivage de documents, autrement dit la conséquence du classement de ces documents aux archives, cette « génération spontanée » d’archives court-circuite la notion même d’archivage, en tant que geste volontaire et managérial de mise en archive. Si tout est archive, l’archivage n’existe plus.

Cette conception des archives s’appuie sur la définition légale française des archives, apparue en 1979 dans la loi sur les archives (3 janvier 1979) et inscrite depuis, légèrement modifiée, dans le code du patrimoine, art. L211-1. Le texte dit : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ».

La formulation laisse une place à l’interprétation. En effet, « dans l’exercice de leur activité » peut être vu comme restrictif et viser les documents officiellement produits au titre de l’activité ; l’expression peut aussi être considérée comme un simple périmètre géographique et temporel de production : tout brouillon produit au sein d’un organisme public ou par un des collaborateurs de cet organisme est un document d’archives publiques, même s’il n’a jamais été validé ni diffusé.

Les prises de positions du Service Interministériel des Archives de France (SIAF) de ces dernières années optent clairement pour la seconde acception. Et sur ce plan, le secteur public influence en partie de le secteur privé ou parapublic.

Dire que tout est archive, cependant, ne signifie pas qu’il faut tout conserver. Les archivistes sont les premiers à dire que toutes les archives ne doivent pas être conservées et leur mission consiste en bonne part en la mise en œuvre des circulaires de tri diffusées par l’administration des Archives ou élaborées dans leurs organismes respectifs. La nuance est que la sélection est faite par les archivistes et que les services producteurs et propriétaires des documents et données produits ou reçus sont en quelque sorte dépossédés de la responsabilité d’archiver qu’ils avaient autrefois, avant cette loi ou avant son interprétation si étroite.

Cette position exclusivement archivistique ignore l’archivage en tant que tel, en tant que sélection motivée des documents à conserver par le propriétaire, et ce au nom du droit de regard des archivistes sur toute production documentaire, au cas où il y aurait quelques traces modestes, non essentielles pour l’organisme producteur mais potentiellement éclairantes pour l’histoire de cet organisme ou l’histoire de l’époque.

L’holoarchivisme n’est pas le seul moyen de conjurer cette crainte de rater un document croquignolet ou symbolique dans la constitution du patrimoine archivistique d’une collectivité publique. Il est possible de préserver la collecte éclairée d’archives non essentielles à la vie du service tout en laissant à chaque entité juridique la responsabilité de gérer sa production documentaire en fonction de ses obligations et des risques externes et internes à conserver ou à détruire. Ce moyen est d’appliquer la collecte en suivant la théorie des quatre quarts des archives historiques qui dissocie la collecte des archives historiques provenant des documents archivés au nom de l’organisme (gestion du cycle de vie des documents engageants) et la collecte des archives historiques complémentaire via une prospection active de l’archiviste auprès des acteurs de la collectivité auprès de laquelle il exerce son métier, tout comme un bibliothécaire ou un conservateur de musée repère et acquiert les objets susceptibles d’enrichir ses collections. Cette distinction serait même vertueuse pour l’historien car la provenance serait plus explicite et mieux documentée.

Défense et illustration de l’archivage managérial

Entre la tendance « user centric » des nouveaux outils proposés aux entreprises (l’utilisateur est en relation directe avec le cloud comme si l’information n’appartenait qu’à celui qui la manipule) et la tendance archivistico-historique du tout archive, les dirigeants d’entreprise peuvent se sentir confortés dans leur ignorance de l’archivage et dans leur négligence du devenir des données.

Or, de déresponsabilisation à irresponsabilité, il n’y a qu’un pas.

Il y a donc lieu, encore et toujours, de les alerter sur les enjeux du non-archivage et sur la nécessité d’élaborer des règles de création-conservation-destruction des données dans leur entreprise car ces données sont des actifs informationnels dont l’entreprise est comptable (accountable) devant ses actionnaires et devant les autorités. Ces dirigeants doivent intégrer une démarche d’archivage managérial dans le cadre d’une politique globale de gouvernance de l’information, avec les concepts managériaux de proportionnalité et de raisonnabilité.

Espérons que le Règlement général pour la protection des données personnelles fera avancer les choses (voir la table ronde du CR2PA sur ce sujet).

En effet, l’exigence impérative de documentation des processus et de fixation de durées de conservation des données personnelles va s’imposer à tous dès le printemps prochain. Qu’elles se trouvent dans des bases de données ou dans des documents, les données personnelles devront être gérées de près, qualifiées en regard des activités réelles de l’entreprise, stockées dans des lieux contrôlés, accédées selon des droits justifiés, sorties ou maintenues dans l’entreprise en application de règles motivées.

Pourquoi les dirigeants n’en profiteraient-ils pas pour étendre la démarche à tout type de données au moyen d’une politique globale d’archivage managérial. Les entreprises y gagneront en investissement et en crédibilité.

La carte grise, résumé archivistique des dernières décennies

Les bureaux physiques des cartes grises en préfecture et sous-préfecture seront définitivement fermés à compter du 1er novembre prochain et les utilisateurs devront passer par les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT).

C’est l’aboutissement, dans ce domaine comme dans d’autres, d’un processus de dématérialisation des démarches administratives, plutôt bien mené d’ailleurs par les autorités françaises, avec l’aide de l’ANTS.

Une des conséquences est que l’administration n’aura plus à conserver sous forme papier les dossiers de demandes de cartes grises dont le volume au cours des dernières décennies pouvait inspirer le vertige.

Cette information, entendue à la radio, m’a fait l’effet d’une madeleine (proustienne) tant la carte grise a eu un rôle important au début de ma carrière d’archiviste. La carte grise m’apparaît ainsi constituer un bon résumé des problématiques archivistiques des cinquante dernières années.

1/ Explosion de la production administrative

Les années 1960-1970 voient un épanouissement saisissant du volume d’archives administratives, ce qui a fait parler d’accroissement exponentiel (exagéré sans doute) et a conduit à construire des bâtiments d’archives toujours plus vastes.

Plusieurs facteurs se combinent : développement économique, développement de la réglementation (toujours plus de pièces justificatives à produire), utilisation à tour de bras du photocopieur (cet engin du diable).

Les dossiers de cartes grises sont parmi les documents administratifs (avec les dossiers d’étrangers) dont le volume a augmenté le plus vite dans ces décennies dans les régions en pleine expansion démographique, région parisienne en tête. La question de l’archivage des cartes grises, ou du moins de leur stockage posait donc un problème aux préfectures et sous-préfectures qui se retournaient bien évidemment vers les Archives départementales, en suivant cette (détestable) pratique de se débarrasser aux Archives de ce qui encombre les bureaux.

Quand j’ai pris mes fonctions de directeur des Archives départementales de l’Essonne en 1984, les cartes grises étaient un des principaux problèmes de mon service (la production atteignait deux boîtes d’archives par jour dans ce département comptant alors plus d’un million d’habitants, et il n’existait pas à l’époque de bâtiment d’archives dans ce département hormis quelques locaux provisoires).

J’ai gardé en mémoire le récit de ce que s’était passé en Seine-Maritime à la fin des années 1970. Devant le refus des Archives départementales de prendre en charge les dossiers clos de cartes grises, le préfet décida de microfilmer les dossiers et de jeter les originaux pour gagner de la place, en dépit de la circulaire fixant à 10 ans la conservation des dossiers (voir ci-dessous) ; cette opération apparaissait comme un acte audacieux, voire révolutionnaire. On imagine que l’analyse de risque opérée par le préfet l’avait conduit à valider cette opération pragmatique, dès lors que l’action de microfilmage était contrôlée, en considérant que l’État étant propriétaire et décideur en termes de réglementation, il pouvait se fier à cette organisation de dossiers microfilmés. Le mot « risque » ne faisait pas partie alors de la culture des archivistes.

2/ Des métiers et des compétences

Ce constat pose la question du décalage entre les compétences requises de l’archiviste départementales (études poussées sur le patrimoine écrit et l’histoire) et la gestion logistique de la paperasse administrative. C’est dans ces années-là que les archivistes du secteur public ont été officiellement incités à réserver dans la mesure du possible la place disponible à des archives d’intérêt historique.

Or, l’intérêt des cartes grises pour l’histoire quasi nul. Je dis « quasi » car il y a toujours quelque part quelqu’un qui voudrait utiliser ces archives pour faire, par exemple, un doctorat d’histoire sur la cartographie des femmes conduisant un 4X4 dans le dernier quart du XXe siècle (il y a pour cela d’autres sources – un bon sujet de mémoire pour un étudiant en archivistique, non ?). Ceci dit, pour la « petite » histoire, j’avais décidé de conserver dans les archives historiques la boîte contenant la 1ère carte grise de l’Essonne, « nouveau » département de la région parisienne créé officiellement en 1964 par démembrement de l’ancienne Seine-et-Oise, et doté de services administratifs en 1968 ; je m’imaginais le sourire du public en 2018 devant la carte grise « 001 AA 91 » datant de 1968 dans une exposition ou dans une publication… Sauf erreur de ma part, cette archive « futile » a été éliminée depuis.

Une autre question est celle du recours à des prestataires spécialisés pour des opérations de stockage et de logistique de documents émanant de l’administration. Il n’était pas envisagé (pas envisageable) dans ce temps-là de confier le stockage des archives administratives publiques à un tiers, davantage pour des raisons de principe (je me rappelle très bien que l’idée choquait dans les années 1980) que pour des questions de compétences du prestataire ou de sécurité. Il faudrait attendre 2009 pour que cette externalisation des archives publiques sans valeur historique soit autorisée ! Tout ne va pas si vite qu’on le dit communément.

3/ Une règle de conservation qui se cherche

L’encombrement est évidemment corrélé à la durée de conservation de ces cartes grises par l’administration. La direction des Archives de France avait diffusé le 6 août 1970 une circulaire relative à la « Conservation de certaines catégories de documents intéressant la circulation routière » visant à réduire les délais alors appliqués. Pour les cartes grises (« dossier d’immatriculation des véhicules automobiles », la durée de conservation est alors fixée à 10 ans (le texte précisant qu’au delà de 10 ans les mentions du registre d’immatriculation devraient suffire) mais, comme souvent à l’époque, la circulaire ne détaille pas les raisons du besoin ultérieur de consultation et ne mentionne aucune prescription sur le sujet.

Au cours des décennies suivantes, la réglementation a évolué à la baisse concernant les durées de conservation des dossiers d’immatriculation de véhicule, notamment avec la circulaire du 17 mars 1993 révisée par la circulaire du 30 juillet 2003: on passe de 10 à 8 ans puis à 5 ans (« en raison de la création du Fichier national des immatriculations en 1994 comme de la mise en œuvre du contrôle technique »), avec un rappel de la circulaire du 12 février 1990 réduisant cette durée à 2 ans « en cas de microfilmage des dossiers-papier ».

Le devenir du papier pour les dossiers microfilmés ou numérisés est l’objet de la circulaire du 14 janvier 2005 fait date dans la réglementation archivistique française. Détaillant les « Modalités de délivrance du visa d’élimination des documents papier transférés sur support numérique ou micrographique », elle assimile la destruction des dossiers papiers scannés ou microfilmés à une destruction d’archives publiques soumise soumise à contrôle : « L’administration qui souhaite détruire des documents papier après les avoir reproduits par numérisation ou micrographie doit donc demander le visa de l’administration des archives. »

On voit ici comment interagissent dans l’évolution de la réglementation : le volume de l’activité administrative (aspects pratiques et logistiques), les innovations techniques et technologiques de gestion et de reproduction des documents, l’impact d’autres documents qui, synthétisant les données essentielles d’une activité, retirent une certaine valeur aux documents de base (le registre de 1994), l’existence d’une copie de sécurité ou d’une copie de substitution, et les pratiques des uns et des autres.

4/ Dématérialisation

Le tournant du siècle a vu se multiplier les projets de numérisation (scan des dossiers) avant de voir se développer une « vraie » dématérialisation du processus administratif (cartes grises ou autres) avec une production nativement numérique des documents de l’administration et un scan au fil de l’eau pour les justificatifs apportés au guichet par les administrés.

En mai 2017, la norme Afnor Z42-026, dite « copie conforme » est venue labelliser la destruction des documents « originaux » après une numérisation « fidèle » grâce à un processus normalisé. Il apparaît à cette occasion que les documents engageants produits sur support papier, tant dans le secteur public que dans les entreprises privées, sont encore très nombreux, malgré le développement de la société numérique.

Le 1er novembre 2017, la gestion papier des cartes grises par l’administration cessera définitivement. Les guichets des préfectures disparaîtra totalement du paysage, du moins en production car il reste le stock papier (le flux multiplié par la durée de conservation).

Le rapprochement de ces deux événements, à six mois d’intervalle, est symptomatique de l’évolution en cours : la normalisation de la numérisation et la téléprocédure (numérique natif) se font écho pour mieux souligner le passage dans le tout numérique, du moins pour ces questions administratives.

Pour les automobilistes qui se sont pas internautes, l’arrêt de la procédure manuelle pour la délivrance des cartes grises s’accompagne d’une mesure additionnelle : les prestataires de service (garagistes, concessionnaires…) sont habilités à effectuer la démarche administrative à la place des clients (coût environ 30 €) ; c’est sans doute le prix à payer (progrès oblige) pour la mise en œuvre de cette téléprocédure, même si ce prix est supporté par ceux qui n’ont pas demandé ce progrès (par ailleurs, un déplacement jusqu’à un bureau préfectoral peut facilement coûter davantage).

Il est également rappelé aux propriétaires de véhicules qu’ils sont tenus de conserver l’ancienne carte grise pendant 5 ans sous peine d’amende. Une mesure de responsabilisation des citoyens dans la gestion de la preuve qui les concerne (avec le problème de conservation numérique pour les particuliers).

Bref, cette petite histoire archivistique des cartes grises illustre assez bien les évolutions de la gestion des archives administratives au cours des dernières décennies, ainsi que celle des services d’archives territoriaux.