À l’heure du numérique, pourrions-nous être autre chose qu’une suite de numéros ?

Au Moyen Âge, les paysans, comme les rois, n’avaient qu’un prénom, avec parfois un surnom et/ou numéro d’ordre pour distinguer les homonymes : Justin du Bois, Henri II, Philippe IV le Bel, etc.

On numérote tout : les hommes, les lieux, les choses. On numérote pour faciliter le classement, ou plutôt l’ordonnancement dans une série que l’on doit gérer. Après, certains numéros sortent du lot, acquièrent la célébrité, laissant leurs copains d’avant (et d’après) sombrer dans l’oubli :

Numéro 5 de Chanel

Numéro 6 (Le prisonnier)

Agent 007

Vol 714 (pour Sydney)

Suite Sofitel numéro 2806 …

Donc, nous vivons une époque formidable où notre identité est largement constituée par une suite de numéros, des numéros qui sont plus que des numéros, des numéros qui sont des identifiants :

A – identité numérique pérenne de citoyen et d’administré :

numéro de sécurité sociale

numéro de carte nationale d’identité, de passeport

numéro d’allocataire, numéro fiscal

numéro matricule de ci ou de ça

B – identité numérique engageante des biens majeurs que nous possédons :

numéros de compte(s) bancaire(s) et carte(s) de crédit, numéro IBAN

numéro de téléphone, de box, d’IP (adresse Internet Protocol), numéro IMEI, numéro RIO

numéro cadastral de la maison ou du jardin

numéro d’immatriculation de la voiture, de la moto ou du bateau, numéro de carte grise, de permis ou de licence, etc.

C – identité éphémère de nos actions :

numéro de réservation d’un titre de transport

numéro client ou numéro de commande, numéro de réclamation

numéro de facture, numéro de dossier

numéro d’attente au service SAV de la FNAC ou ailleurs (« Numéro 17 : guichet H ! Dernier appel ! »), etc.

Pas étonnant que la loterie nationale se porte mieux que jamais !

Nous existons au travers de tant de numéros que nous sommes incapables de les retenir tous (personnellement, je ne connais par cœur que mon numéro de sécurité sociale – 2171363588051 – car je préfère remplir ma mémoire d’autres choses) voire de les connaître. Rassurons-nous, d’autres les écrivent pour nous. Nous sommes tracés, tracés du matin au soir, tracés du début à la fin…

La suite au prochain numéro.

6 commentaires

  1. Sûr que ça mérite d’être connu par coeur un numéro de sécu aussi extraordinaire : il prouve non seulement que l’année 1917 a compté un 13e mois (je sais que ça existe sur les bulletins de paie, mais in real life, ça m’épate), mais en plus que dans le Puy-de-Dôme il y a au moins 588 communes. Un sacré numéro, vraiment !

    • Bonjour Thibaut,
      J’attendais la réplique sur ce point, merci de me la donner.
      Comme quoi, chaque caractère compte dans la fiabilité d’un écrit!
      Autre commentaire possible : Je ne comprends pas: ce numéro de sécu est écrit sur Internet, il doit être vrai 😉
      PS: j’attends des propositions de la région Auvergne pour une retraite complémentaire pour mon 5e âge…

      • Sans vouloir te décourager, je crains que la réputation d’extrême économie que les Auvergnats partagent avec les Ecossais ne les pousse à rejeter tes demandes, au motif qu’ils auront trouvé sur internet, par exemple sur Wikipédia, que tu n’es pas née dans leur région…

  2. On numérote pour faciliter le classement ou l’ordonnancement, certes, mais aussi et surtout pour contrôler. La numérotation (numérisation???) de l’être humain est essentielle au système carcéral. Voir «Monsieur le 6» (autrement dit Donatien Alphonse François de Sade, pensionnaire au même numéro du donjon de Vincennes – à moins que ce ne soit de celui de la Bastille), ou les numéros tatoués sur les avant-bras des prisonniers des camps. Une description est floue, une généalogie un peu moins (mais quand même un peu, à cause du cocufiage…). Un numéro, en revanche, peut être unique. Et les numéros servant au contrôle des personnes le sont.
    D’abord on A un numéro, ensuite on EST un numéro.
    Bonjour chez vous…

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