Prenez modèle sur les parlementaires. Pas en toutes choses, bien sûr ! Les parlementaires sont des hommes et des femmes avec beaucoup de travers, comme tout le monde, et leur statut de représentant du peuple ne suffit à en faire des parangons de vertu ni de vice. Il est cependant une circonstance où l’attitude des parlementaires me semble exemplaire : c’est dans la gestion de leur déclaration de patrimoine.

Grâce à Jérôme Cahuzac (l’a-t-on seulement remercié ?), les parlementaires ont collectivement voté en 2013 une loi (et même plusieurs) sur la transparence de la vie publique. Il en est notamment résulté la création de la Haute Autorité (une de plus !)  pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Coincés entre la transparence exigée par l’opinion publique et le souci de maîtriser la diffusion des données sensibles qui les concernent, ces messieurs-dames qui font nos lois (enfin, ce que l’Europe leur laisse à décider) se sont donc imposé de remplir un formulaire dénommé « déclaration de patrimoine » où ils dressent la liste de leurs biens avec les valeurs associées. Les déclarations sont contrôlées par les agents de la HATVP selon une procédure rigoureuse. Depuis la mi-juillet 2015, ces déclarations de patrimoine sont consultables au siège de la préfecture du département où le parlementaire a été élu, par tout citoyen inscrit sur les listes électorales, en présence d’un fonctionnaire (il faut prendre rendez-vous). Le « consultant » n’est pas autorisé à prendre des notes (a fortiori une copie ou une image) ; et la divulgation des informations lues est interdite et passible de sanctions conséquentes.

Sont appliquées ici deux modalités administratives tombées en désuétude, non qu’elles soient mauvaises, bien au contraire, elles sont éprouvées par plusieurs siècles d’histoire, mais parce que la société de l’information hyper-connectée les a un peu trop vite ringardisées. Je veux parler de la publicité et de la communication sur place.

  1. La publicité

Il ne s’agit pas, bien entendu, de la pub (genre spot sur Youtube vantant un train de sénateur) mais du sens premier de la publicité, celui de rendre publique une information dans le but général de faire savoir une chose à qui doit la savoir et dans le but plus précis de permettre à toute personne de dénoncer, le cas échéant, un fait illicite ou erroné. L’exemple le plus classique est la publication des bans de mariage devant permettre à toute personne connaissant un empêchement légal à l’union annoncée d’en faire état (personne déjà mariée quand la règle est la monogamie par exemple). Dans le cas de la déclaration de patrimoine, un citoyen qui constaterait un mensonge éhonté dans une déclaration ou qui aurait un doute sérieux, pourrait (devrait) saisir la HATVP pour procéder à une vérification (car ce n’est pas au citoyen mais bien à l’administration de faire la police dans ce domaine).

  1. La communication sur place

La protection de la vie privée et le contrôle des données à caractère personnel étant un sujet très sensible par suite de quelques excès favorisés par les réseaux numérico-sociaux, les parlementaires ont choisi un mode d’accès à l’information extrêmement prudent : uniquement avec les yeux, dans un lieu physique unique, en présence d’un tiers. Cette pratique me rappelle celle en vigueur autrefois pour le cadastre : on pouvait aller à mairie, regarder le plan cadastral et demander qui était propriétaire de telle ou telle parcelle mais on n’avait pas le droit de noter ces informations ou de prendre une copie des documents. À l’heure de la dématérialisation tous azimuts, cela peut prêter à sourire mais la fin justifie les moyens. Dire : « j’ai vu cela » a moins d’impact que de poster sur le web l’image d’un document original. Wikileaks est passé par là.

Exemple à suivre ou du moins à méditer pour toute entreprise et tout individu face à des documents doublement à risque, car engageants et confidentiels.


 

Un commentaire

  1. PS : À lire dans Le Monde l’article d’Hélène Bekmezian qui est a comparé les modalités d’application de cette disposition réglementaire dans plusieurs préfectures. Il y a quelques particularités amusantes. Son article « Des déclarations de patrimoine « off the record » » m’a cependant fait tiquer car ces déclarations n’ont rien d’officieux et ont été au contraire dûment enregistrées pour constituer de très officiels « records » à la HATVP. La source, on la connaît. C’est l’accès qui est protégé. Du reste, les « déclarations d’intérêts et d’activité » (revenus et non les biens) sont consultables en ligne depuis un an. Et la façon dont elles sont remplies est déjà tellement parlante…

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