Le site gouvernemental www.legifrance.gouv.fr est très représentatif d’un passage réussi du monde papier au monde numérique.

Le Journal officiel est une publication quotidienne qui remonte à la Révolution française. Son rôle est de diffuser auprès de tous les citoyens la loi que nul n’est censé ignorer. C’est d’ailleurs pour cette raison que la loi est applicable non pas quand elle est votée ou quand le Journal officiel sort de presses mais quand ledit journal a été reçu dans les préfectures, sous-préfectures et mairies (ce qui, à la fin du XVIIIe siècle nécessitait un peu de temps, a fortiori pour l’Outre-mer) de sorte qu’un citoyen ayant contrevenu à la loi ne puisse arguer qu’il ne connaissait pas telle interdiction ou telle obligation.

L’État a fait son travail de mise à disposition de la loi, à chacun de faire l’effort d’aller au siège administratif le plus proche ou le moins éloigné de chez lui prendre connaissance des dernières dispositions législatives s’il veut être un citoyen informé.

La première édition « en ligne » du Journal officiel, celle qui abolit les distances (à condition qu’on ait le réseau…) date de 1998. Le site Légifrance a été créé en 2002, refondu en 2008. La version numérique du « JO » a la même valeur que la version papier depuis 2004. L’édition papier a été supprimée fin 2015 et le Journal officiel de la République française n’est, depuis le 1er janvier 2016, accessible qu’en ligne. On y trouve les lois mais aussi tous les textes réglementaires, avec une reprise d’antériorité de soixante-dix ans, ainsi que la jurisprudence.

Au sujet de la disparition de l’édition papier du Journal officiel, on a beaucoup parlé des économies d’impression et d’affranchissement (pas si impressionnantes que cela si on les comparait au coût d’impression et de la diffusion de la publicité inutile…). Mais le plus remarquable, me semble-t-il, est ce fait qu’on est passé en moins de deux décennies de l’existence de quelques dizaines de milliers de collections du Journal officiel ayant le statut d’archives (c’est-à-dire de documents qui tracent les droits et obligations et qu’on ne doit donc pas détruire) à une seule collection en ligne, avec quelques centaines de milliers d’internautes abonnés ou utilisateurs réguliers. L’opération s’est parfaitement passée, alors que tant d’autres projets de « dématérialisation » entrepris ici et là, dans le public ou dans le privé, ont échoué ou cahoté. Bravo à ceux qui l’ont réalisée.

Autre caractéristique de cette dématérialisation réussie : l’intégration d’un moteur de recherche plutôt efficient. Avant Légifrance, rechercher dans le corpus législatif les articles relatifs à telle thématique pouvait s’apparenter au treizième travail d’Hercule ou à une tâche de bénédictin (cochez la case de votre choix). J’en sais quelque chose pour avoir épluché les soixante-dix codes français à la recherche des occurrences des mots conservation et archivage. (j’avais besoin de textes précis et de statistiques pour argumenter face à ceux qui emploient ces mots-là de travers…). Il m’a fallu quelques heures bien sûr pour constituer ce corpus de citations mais, manuellement, j’y serais peut-être encore.

Enfin, la version numérique du Journal officiel, en supprimant certaines informations figurant naguère dans la version papier, met en évidence les enjeux de protection des données personnelles dans le monde connecté. En effet, les décrets et autres décisions administratives relatives aux naturalisations, changements de nom et condamnations fiscales ne sont pas en ligne. J’aimais jadis feuilleter ces pages-là pour achever de me noircir les doigts à la fin de ma lecture du courrier du service.

Oserai-je avouer que je n’ai jamais songé à recopier ces données et à les vendre à tel ou tel marchand de soupe ou de poudre de perlimpinpin. Il est vrai que je n’ai pas beaucoup d’imagination.