Il y a deux points de vue pour parler de cocorico : celui de l’émetteur et celui de l’auditeur.

Émetteur. Cocorico est le cri du coq, comme hi-han est celui de l’âne et miaou celui du chat: pour le son, cliquez là Cocorico.

Après, il y a la culture. Cocorico est assimilé à une expression de gloriole, à une proclamation d’auto-satisfaction, les motifs de satisfaction étant par exemple : faire se lever le soleil le matin comme le fait le Chanteclerc d’Edmond Rostand, ou savoir discerner les enjeux politiques et économiques de la société comme les borgnes savent discerner au pays des aveugles, ou avoir créé un outil logiciel qui sait tout à la fois dire « Papa Maman », traduire automatiquement les rapports de tamoul en berrichon, et préparer des profiteroles à la demande.

À noter que cocorico est un mot macho par nature ; les poules ne font pas cocorico, mais elles admirent leur coq et lui donnent du crédit (surtout par temps de pluie…).

Le coq qui fait cocorico est volontiers taxé de « petit », comme dans la chanson de Jacques Poterat, « Le petit coq » :

Nul n’est indispensable
Et ne peut s’en vanter
Cocorico, cot, cot, codet
Le coq le plus aimable
Est vite remplacé,
Cocorico, cot, cot, codet.

Auditeur. Un des coqs les plus célèbres (bien qu’il n’ait pas de petit nom) est celui de l’Évangile qui chante, par deux fois, au moment où Pierre renie Jésus le jour de son arrestation. Le cocorico est l’instrument qui réveille les consciences qui ont lieu de ne pas être tranquilles. Dans le Mystère de la charité de Jeanne d’Arc, Charles Péguy fait dire à Madame Gervaise une longue tirade sur le chant du coq qui symbolise le reniement de saint Pierre : elle s’emporte sur ce coq de Palestine dont on parle tout le temps, comme s’il n’y avait pas de coq dans les fermes de Lorraine et d’ailleurs, comme s’il n’y avait pas d’autres reniements à dénoncer par les coqs de tous les pays : « Hélas, hélas, il n’y a pas un coq dans pas une ferme qui n’ait chanté, qui n’ait sonné, qui n’ait annoncé le soleil levant, qui n’ait enregistré, chaque jour, chaque soleil, des reniements pires ».

Et Dieu sait si les reniements sont nombreux, bien au-delà du seul domaine de la foi : promesses oubliées, engagements sacrifiés à la conjoncture, projets ambitieux et forcément pérennes, inaugurés en grande pompe et qui s’échouent deux ans plus tard faute de budget de fonctionnement.

Les coqs ont fort à faire sur ce plan-là. Encore faut-il entendre le cocorico, ce qui est de plus en plus difficile : le coq se fait rare en ville ; à la campagne, il doit souvent faire profil bas devant les nouveaux campagnards qui voudraient bien lui couper les cordes vocales pour grassematiner tranquille ; sans parler des confusions linguistiques : ceux qui ont quelque chose à se reprocher en français n’entendront peut-être pas le kikeriki du coq allemand ou le cucuriguuuu du coq roumain…