C’est, dans le cadre d’une conversation, prendre une personne pour une autre, une chose pour une autre (quid pro quo en latin), le Pirée pour un homme, etc. La Fontaine et Molière ont eu recours au procédé pour se moquer des travers à l’origine de certaines situations : aveuglement ou surdité, égocentrisme ou fanfaronnade de l’un ou de plusieurs des interlocuteurs.

La plupart des quiproquos sont rapidement dissipés mais certains s’enlisent, les précisions données dans la suite de l’échange (c’est le cas de le dire !) venant alimenter l’erreur, aidées par un contexte linguistique et culturel hétérogène, la naïveté ou l’obstination des protagonistes.

Les dénouements vont du rire à la confusion, en passant par le drame et le temps perdu. Pour éviter les déboires d’un quiproquo, il n’y a guère d’autre moyen que la clarté du discours et la reformulation : connaître les sens des mots (ils ont rarement un sens unique), savoir s’exprimer, savoir écouter.

La scène se passe dans une entreprise :

–       Dis-donc, tu n’aurais pas vu l’original ? Je le cherche partout.

–       À quoi il ressemble, ton original ? Tu sais, Anita, des originaux, il y en a beaucoup dans un service juridique…

–       C’est au sujet de l’affaire DUBOS- BARNUM, Éric. Une chemise jaune avec de grandes lettres noires.

–       Jaune… Noires… Ça me fait penser au dernier tee-shirt d’Hervé : vert avec de grandes lettres blanches… Mais non, je ne vois pas. Tu peux m’en dire un peu plus ?

–       Comme tous les originaux, il est authentique, fiable et intègre.

–       Hum… C’est difficile de juger comme ça. Il faudrait être intime… Entre la réputation et la réalité, il y a parfois de la marge.

–       Je ne l’ai pas vu à la reprographie ! Il a peut-être été copié. Mais ça ne change rien. Il me faut absolument l’original : il est unique.

–       Ah ça ! Hervé, on peut dire qu’il est unique : l’autre jour, il avait mis une cravate rouge et les jours suivants, ils l’ont tous copié ; tout le monde avait mis une cravate dans les tons de rouge, même le patron, c’est dire ! Au fait, on t’a dit qu’il était passé au scanner récemment ? Il avait un problème dans le côté depuis quelques temps. Ce doit être pour ça qu’il est si excentrique, pour donner le change. Je crois que finalement, le résultat du scan est très bien.

–       Mais enfin, de quoi parles-tu ?

Un grand blond s’encadre dans la porte du bureau. Il porte une chemise rose et tient un dossier rose à la main :

–       Eh ! Salut ! Tiens, Anita, je te cherchais pour te donner le contrat signé. Fais attention, c’est l’original… Euh… j’ai renversé mon café sur la pochette et j’ai dû changer la chemise ; aux fournitures, il n’y en avait plus de jaune… mais le contrat est intègre, rassure-toi. Au fait, comment trouvez-vous ma nouvelle liquette ?

–       Quel original cet Hervé !