J’aime bien l’articulation progressive que l’on rencontre assez souvent, ici, ou encore , entre les mots donnée, information et connaissance (au singulier). Je comprends que :

  1. la donnée est une chose brute, un morceau de matière, un être ou un fait observable, un signe visible ou lisible, mais une chose qui porte un nom car la donnée n’existe qu’à partir du moment où l’homme ou la machine déléguée par l’homme la prend en compte, parmi d’autres données. Au passage, on peut noter que le mot donnée n’existe pas en anglais, data étant un pluriel comme en latin ; pour désigner l’unité, on dira fact, ou piece of data ou data element ;
  2. l’information est une proposition composée d’un sujet et d’un verbe, avec ou sans compléments (objet, lieu, temps…), pour décrire une réalité ou exprimer une idée à partir d’un groupe de données ; que ce soit du point de vue de l’émetteur ou du point de vue du récepteur, une information se présente sous la forme d’une phrase qui a un sens ;
  3. la connaissance se place au niveau du récepteur de l’information ; elle est le résultat d’une information non seulement ingérée et digérée (acquise), mais encore exploitée ou du moins exploitable par la personne concernée ; la connaissance est la transformation de l’information pour l’action, l’action qui naît avec l’information (cf l’étymologie du mot connaissance : naître avec).

Soit un lâcher de ballons dans le ciel.

Les données sont : les matériaux (matière plastique de couleurs différentes, ficelles), les éléments géographiques (coordonnées Lambert du lieu, altitude, vitesse du vent, présence de nuages, température), les cartons accrochés aux ballons, les mots écrits sur les cartons mais aussi le nom de l’organisateur, l’aéronef d’où les ballons sont lancés, le nom des personnes impliquées, les mobiles de l’opération, etc.

L’information est le film, l’annonce ou le récit du phénomène à des (télé)spectateurs : Aujourd’hui à tel endroit il y a eu/Levez les yeux et regardez… Les ballons… Lancés par/pour… Le même spectacle peut donner lieu à diverses informations.

Pour une part des spectateurs ou auditeurs de l’information, il n’y aura aucune suite ; l’information glissera vers l’abîme, emportée par le flux de  centaines ou milliers d’autres informations. Pour d’autres, l’information conduira à une action particulière, rendue possible par cette information, issue directement de cette information, liée par l’intelligence du récepteur à d’autres informations, d’autres données ; elle sera transformée en connaissance, avec des manifestations diverses selon la personnalité de chaque acteur :

  • récupérer un des ballons pour le donner à un enfant,
  • écrire un poème sur les ballons,
  • contacter le responsable de l’opération dans le but d’organiser une opération du même type,
  • envoyer de l’argent à l’adresse indiquée sur les cartons,
  • étudier les restes de ballons éclatés pour essayer d’en fabriquer de plus gros ou de plus solides,
  • etc.

Les données peuvent être démultipliées, les informations aussi mais si la connaissance est liée à la personne humaine, elle n’est pas extensible dans les mêmes proportions ; il faut le temps de l’ingestion-digestion, le temps et la capacité de fixer l’information, comme on fixe le fer ou le calcium. N’y a-t-il pas un problème dans l’écart croissant entre l’information, exponentielle, et la connaissance, qui ne l’est pas ?