Twitter est une mode, un formidable outil de communication et une invitation à l’exercice de style.

Rien de plus facile que de touiter : on ouvre un compte l’instant de le dire et l’on devient « touitauteur » en envoyant des touits (ne pas confondre avec les oiseaux) à ses affiliés, ou simple « péritouiteur » en s’abonnant aux touits de ceux que l’on a choisis de suivre, ou encore les deux.

Les phrases circulent et tourbillonnent, s’égaient et égaient d’un même clic, puis vont généralement s’échouer dans les e-profondeurs de la superficialité ou fécondent une idée, un lien, un rebond. L’objectif de Twitter généralement mis en avant est « d’augmenter le trafic », d’alerter en temps réel et, pourquoi pas, de communiquer.

Le plus intéressant dans l’histoire est la règle des 140 caractères maximum que doit contenir le touit car cette contrainte peut obliger à condenser son discours ; tout dépend de ce que l’on touite. Or on touite toutes sortes de choses.

« Ce matin, j’ai 39 de fièvre et une démangeaison dans la fesse droite » tient aisément dans le cadre imposé ; c’est une information factuelle, simple et brève, qui peut dans certains cas présenter un intérêt certain : Louis XIV s’adressant à ses courtisans, des médecins statisticiens prenant le pouls de leur réseau, etc.

Résumer une pièce de théâtre en 140 caractères est en revanche un véritable exercice de style. Hamlet nous fournit un bon exemple de touitérature.

13-touiteEn 2009 paraît Le petit guide de Twitter (The Little Book Of Twitter) de Tim Collins, résumé de la littérature classique à raison de 140 caractères le livre (voir l’article de Kate Jackson, journaliste au Sun). Hamlet y est ainsi tourné : « La mère d’un type danois épouse le frère du père assassiné. Il voit le fantôme de son père. Tout le monde meurt. Échec. » (Danish guy’s mum marries his murdered father’s brother. He sees his dad’s ghost. Everyone dies. Fail).

De ce point de vue, le touit est un art, et l’art, contrairement à l’outil, n’a pas d’âge. Ainsi, il y a quatre-vingts ans, l’écrivain italien Giovanni Papini (1881-1956) s’exerçait au touit sans le savoir. En 1931, dans les premières pages de Gog, il donne un époustouflant résumé des chefs d’œuvre de la littérature, et notamment, pour Hamlet : « Un lâche qui, pour venger son père assassiné, fait mourir une jeune fille qui l’aime et divers autres personnages ». Le chef-d’œuvre de Shakespeare, l’époque et la personnalité des commentateurs expliquent sans difficulté l’écart substantiel entre ces deux condensés d’Hamlet. Mais on en redemande !

Toutefois, contrairement à Tim Collins, Papini ne donne pas les titres originaux ni les auteurs de sa bibliothèque universelle, laissant au lecteur le soin de deviner… On y trouve : « Des hordes, dites héroïques, de gens qui s’étripent, dix ans de suite, sous les murs d’une bourgade, à cause d’une vieille femme séduite » (137 caractères) ou encore « Un fou sec et un fou gras qui s’en vont par le monde à la recherche de coups de bâton » (85 caractères seulement !), etc. Vous voyez ?


 

Un commentaire

  1. Dans un ordre d’idée légèrement voisin, Raph (blogueur humoriste hélvète) propose une simplification des oeuvres classiques pour les enfants de la génération y :
    http://www.bonpourtonpoil.ch/?m=201102

    « Madame Bovary de Flaubert
    « Mon mari c’est trop un relou qui ressemble pas du tout à Edward de Twilight, et toi, tu cherches quoi sur Meetoc ? »

    Le Cid, de Corneille
    Chimène Badi
    Va, je ne te hais point
    Rodrigue
    Quoi ? Quel point ?
    Chimène
    Je ne te hais pas, tu veux être mon bestah ?
    Rodrigue
    Tu veux dire que tu me kiffes ? C’est toujours tellement compliqué les meufs !
    Chimène
    Grave. Même que si tu butes mon père, ce bâtard, je veux bien te montrer mon soutien-gorge.
    Rodrigue
    LOL même pas peur, si je le croise dans la rue j’appelle mes potes, sérieux, on sera au moins trois mille.
    Chimène
    Wah toi au moins tu vis chaque jour comme le dernier.
    Rodrigue
    Grave.

    Voyage au bout de la nuit de Céline
    « Ils m’entraînent, au bout de la nuit, les démons de minuit. Ils m’entraînent jusqu’à l’insomnie, les fantômes de l’ennui. »

    Roméo et Juliette
    Juliette
    Ô Roméo, Roméo, pourquoi es-tu Roméo ?
    Roméo
    LOL je sais pas, c’est mon prénom.
    Juliette
    C’est nul comme prénom
    Roméo
    Ouais je sais, ma mère voulait m’appeler Matteo mais l’officier d’état-civil était sourdingue.
    Juliette
    Pwned. »

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