Frigo vient de froid (frigidarium en latin, fridge en anglais) avec la désinence en –o du français argotique. On en a fait à juste titre un diminutif de réfrigérateur, cet appareil qui abaisse la température des choses qu’il contient et où l’on conserve aussi bien des aliments que des médicaments, des organes humains en attente de greffe ou des ovocytes en attente d’implantation. Mais le sens de frigo a été et reste plus large. Le terme est d’ailleurs usité dans d’autres métiers :

  • la police : « mettez-moi cet énergumène au frigo ! », une température « fraîche » ayant pour réputation d’assagir un tempérament trop « chaud » ;
  • la radio et la télévision : on met au frigo les reportages dont la diffusion est reportée à une date ultérieure ;
  • l’industrie du luxe, où le frigo désigne la chambre noire (à défaut d’être froide) où l’on remise les prototypes qui n’ont pas jamais dépassé le stade de prototype, pour cause d’inventeur trop en avance sur son temps, de designer trop excentrique ou de choix marketing ; ce lieu, pour ceux qui ont le privilège d’y pénétrer, ressemble à une caverne d’Ali Baba…

Dans tous les cas, il s’agit de conservation, à court terme (quelques jours), à moyen terme (quelques années) ou à long terme (plusieurs décennies). On peut dont s’étonner que le frigo ne fasse pas partie du vocabulaire des archivistes. Il y a là de toute évidence une lacune à combler, d’autant plus que l’expression « durée de conservation », si on en croit l’ami Goût-gueule, renvoie aussi bien au monde du froid qu’au monde du temps.

Dans la société branchée (électriquement parlant du moins), on a le frigo facile : viande et laitage bien sûr, mais aussi légumineuses, agrumes, tomates, œufs, crottin de Chavignol, vin de Bordeaux, pain… de sorte que, à force de stocker dans le frigo tout et n’importe quoi, « on en arrive à ne plus savoir conserver nos aliments » ; on redécouvre alors la valeur de certaines méthodes traditionnelles.

En effet, à chaque type d’aliment, à chaque produit de la terre ou de l’agriculture correspond un mode de conservation optimal pour respecter le cycle de production, préserver la saveur et valoriser les vertus du produit, tout en tenant compte de l’environnement (pour le développement durable) et du budget (coût des équipements, facture électrique).

De même, à chaque type documentaire (données de connexion, contrat numérique, scan de consultation, notes papier, etc.) correspond un mode d’archivage et de conservation optimal, pour tenir compte du processus de production, préserver l’information originale, valoriser la trace et le contenu, tout en respectant l’environnement (contre la surconsommation de cellulose et la surchauffe des datacenters) et le budget (coûts de stockage). Et quand les produits sont périmés, il convient de les jeter.

Décidément, cuisine et archivage ont beaucoup en commun.