Je suis frappée depuis quelques mois par cette habitude de mettre une majuscule à chacun des mots du titre d’un article. Le phénomène concerne plus particulièrement les billets postés sur les réseaux sociaux par des anglophones. Par exemple, sur Linkedin :

Cela commence à se voir aussi pour des titres en français. Une affaire de mode sans doute, ou une certaine forme de compensation à une époque où la minuscule s’est quasiment imposée dans la rédaction des adresses mail et des url.

Certes, les règles d’utilisation des majuscules sont différentes d’une langue à l’autre. En français, on les réserve ordinairement à la première lettre d’une phrase et aux initiales des noms propres, avec des subtilités qui ont toujours une charmante origine historique comme dans « Premier ministre » où la majuscule doit se mettre à Premier et non à ministre. En allemand, tous les substantifs prennent une majuscule à l’initiale. En anglais, l’usage pousse à mettre des majuscules aux mots que l’on veut souligner, faisant passer l’œil du lecteur avant la grammaire. On en est là. La majuscule se rit de la règle et suit son objectif : attirer le regard, retenir l’attention, flatter le client (Merci, Cher Monsieur, de Votre Précieux Avis), etc.

Les autorités (Académie, Office des publications des Communautés européennes…) qui veillent sur les langues recommandent de se prémunir contre la majusculinite aiguë. Cause perdue…

Finalement, pourquoi ne pas céder à la mode ?

Imaginons que je prévoie d’écrire un billet titré : Attention, vos traces numériques peuvent vous jouer un mauvais tour ! Je devrai donc écrire :

Attention, Vos Traces Numériques Peuvent Vous Jouer un Mauvais Tour !

Mmouais…. Si le but est de signaler à l’internaute les mots importants au premier coup d’œil, comme des mots d’index, il serait sans doute plus efficace de classer les mots du titre dans l’ordre alphabétique, pour raccourcir le chemin du mot-clé au cerveau. J’écrirai donc plutôt :

Attention Mauvais Numériques Tour Traces Vous

Il y a là un ravissant petit air d’Amour Belle Marquise Vos Yeux…. mais si j’ai des lecteurs avec ce titre, je m’estimerai chanceuse…

Suivre la mode, c’est sympathique. Mais ce n’est pas désagréable non plus de la devancer. Ainsi, en creusant l’idée initiale, si l’objectif est d’attirer l’attention du lecteur avec des mots-clés pour lui faire gagner du temps, allons-y carrément et passons aux pictogrammes. C’est dit, je vais titrer mon article :

 

 

3 commentaires

  1. Bonjour Mme Chabin,

    À ma connaissance (c’est ce que j’ai appris dans mes cours d’anglais du secondaire et du CEGEP, mais ça date un peu…), l’utilisation d’une majuscule aux mots contenus dans un titre est la norme quant à la langue anglaise. Par contre, cela ne s’applique pas aux articles (a, an, the), aux conjonctions de coordination (and, but, for, etc.) et aux prépositions (on, at, to, from, etc.). Donc, selon ces règles, le second exemple présenté en anglais devrait plutôt être écrit ainsi:  »The Ten Questions You Need to Become a Superhero ».

    Je crois que la pratique de mettre des majuscules à tous les mots dénote plutôt d’un besoin de rapidité et de non-questionnement lors de la rédaction d’un titre. Pour ce qui est de sa popularisation dans la langue française, eh bien, bon gré mal gré, nous avons toujours été très influencé par nos voisins anglophones (pour ne pas dire américains, très souvent)! 😉

    Malgré tout, oui, cela peut être une belle façon d’attirer l’attention. Mais puisque la pratique se généralise de plus en plus, cela ne changera plus grand chose au bout du compte, car tous les titres se ressembleront dans leur forme!

    • Bonjour, Mylène, et merci pour votre témoignage québécois.
      Pour le second exemple, vous avez raison ; la pratique anglo-saxonne voudrait que l’on ne mette pas de majuscule aux articles, prépositions et conjonctions de coordination. J’avoue que j’ai choisi ce titre exprès, justement, parce qu’il va plus loin.
      D’accord avec vous sur l’analyse :
      1. les majuscules à tout-va masquent sans doute une certaine paresse dans la réflexion,
      2. quand la mode sera éculée, il faudra inventer autre chose.
      Les abus sont faits, entre autres, pour qu’on les dénonce et qu’on les moque. Je ne peux brimer, surtout en cette période estivale, mon tempérament moqueur (j’ai aussi le tempérament moocqueur aussi, ou plutôt MOOCqueur si je veux respecter les majuscules, mais c’est une autre histoire dont nous reparlerons bientôt.

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