Accointance est un vieux mot que sa forme anglaise, acquaintance, plus usitée, remet un peu au goût du jour.

Il s’agit, au pluriel, de certaines relations qu’entretiennent certaines personnes, pour leur profit ou leur intérêt. L’emploi du mot, en français, souligne volontiers le caractère officieux de la relation et traduit parfois, dans la bouche du locuteur, une condamnation moral de ces liens, coquins ou douteux (sans aller forcément jusqu’à la French connection).

La forme anglaise, quant à elle, n’a pas cette connotation et sa neutralité est plus conforme à l’étymologie latine du mot qui signifie simplement connaissance. Notons au passage que l’accointance n’a rien à voir avec le coin, même si on imagine aisément un lien entre certaines accointances et certains coins discrets… Toujours est-il que c’est cette connotation tendancieuse, malicieuse, subtile, qui fait le charme de l’accointance, tant dans la littérature française que dans la conversation.

L’usage réserve les accointances aux personnes mais pourquoi les documents – qui sont du reste créés par des personnes – n’en auraient-ils pas ?

En effet, il est manifeste que certains documents entretiennent des liens particuliers avec d’autres documents, pour leur intérêt et pour leur profit, que ce soit de manière officielle ou officieuse.

Les documents qui ont pour but d’attester ou de prouver quelque chose développent des accointances informationnelles, avec des actes, des registres, des dossiers, des listes, des plans, des images, etc. appartenant à d’autres lieux ou d’autres milieux.

Ces accointances se matérialisent par la présence dans le document de données telles que mentions d’enregistrement et références, capables de constituer une caution pour le document ainsi « accointé » :

  • tel acte de vente a ses entrées chez le notaire qui peut, le cas échéant, conforter ses dires et appuyer son action ;
  • tel rapport comporte des références uniques qui sont un sésame vers de nouvelles connaissances qu’on espère fructueuses ou du moins agréables.

Un document doté de nombreuses références peut donc renforcer son autorité ou son impact au moyen de ces relations qu’il fait jouer pour arriver à ses fins ou étendre son expérience. Cet « entredocument » (sur le modèle de l’entregent) est forcément un plus dans l’existence d’un document.

L’accointance écrite est une question de forme du document, d’indices que la personne qui rédige, qui valide ou qui gère le document intègre à celui-ci. Elle n’est pas liée au support. Cependant, les technologies numériques permettent d’immédiatiser ces connexions via un simple clic.

Ce qui me faisait dire, récemment, dans une conversation sur la preuve numérique, que la preuve réside en grande partie dans la capacité du document à activer ces liens extérieurs et que, en quelque sorte, le document probant est d’abord un objet connecté.