Comme tout voyageur scientifique à l’époque, J.-N. Delisle s’attache davantage aux sciences naturelles, en particulier à la zoologie. Il s’intéresse donc à la faune que connaissent les Samoyèdes. À partir d’une liste de noms français et russes de mammifères, de poissons et d’oiseaux, il donne, quand ils existent, les termes correspondants dans la langue samoyède.

Pour compléter son dossier, Delisle rédige un petit mémoire sur les mammouths et la vision qu’en ont les Samoyèdes. Cet écrit est d’ailleurs aussi instructif sur le peuple samoyède que sur la science du XVIIIe siècle. En effet, on sait peu de chose au milieu du XVIIIe siècle sur cet animal préhistorique dont il ne subsiste le plus souvent que les ossements ou les défenses. Delisle rapporte que, pour les Samoyèdes, le mammouth est un animal souterrain dont les défenses sont les cornes. Le savant hésite lui-même à dire si ce sont des cornes (et dans ce cas il pourrait s’agir de cornes caduques, comme les bois du cerf, vu que l’on en a trouvé beaucoup et, proportionnellement, peu de têtes de mammouths) ou des dents. Il préconise donc un examen attentif des différentes « dents » (dont beaucoup sont malheureusement coupées en morceaux pour être plus aisément transportées) afin de déterminer leur mode de fixation et de pouvoir établir des comparaisons. Delisle conclut son exposé en évoquant le Béhémoth de la Bible et, pour celui qui voudra étudier son identification avec le mammouth, il donne la référence au livre de Job (chapitre 40, versets 10 et suivants).

Delisle n’est d’ailleurs pas le seul en Russie à s’interroger sur les défenses de mammouth. Plusieurs Russes, en Sibérie mais aussi à Moscou et à Pétersbourg, en possèdent un morceau sans savoir ce qu’il en est réellement. Aleksandr Grigor’evič Stroganov qui a une dent entière de morse en fait don au savant français.

À l’issue de ce séjour sur les bords de l’Ob’, Joseph-Nicolas Delisle emporte dans ses bagages une quantité assez étonnante d’objets achetés à titre personnel ou reçus en présent en Sibérie. À côté des ossements et des défenses de mammouth, on y trouve divers objets samoyèdes et ostiaks (des vêtements, un seau d’écorce, des bottes, des gants brodés avec du poil de chien, des sacs en peau de poisson confectionnés par des femmes ostiaks, un carquois et des flèches samoyèdes, etc.), des pierres rares, des pommes de cèdre et de pin, des porcelaines de Tobol’sk, etc.