Les archives d’entreprise me font souvent penser à une omelette.

À une omelette, certes appétissante, mais concoctée à la hâte avec tous les œufs de l’entreprise parce que l’heure du déjeuner approche et que tout le monde semble avoir faim, sans réfléchir, sans se poser la question de savoir si c’était bien une grosse omelette qu’il fallait faire, si ce plat unique convenait à tous les appétits et à tous les convives, en termes de goût mais aussi en termes de digestion, s’il n’aurait pas été opportun de proposer également des œufs sur le plat, ou des œufs à la coque ? Et surtout s’il n’aurait pas été utile de conserver quelques jaunes pour préparer une mayonnaise, ou quelques blancs en vue de meringues ? Bien sûr, on peut se rabattre sur la mayonnaise en tube, mais elle est rarement aussi bonne que la mayonnaise maison. Et pour les meringues, le pâtissier a peut-être déjà fermé sa boutique…

Les couleurs mises à part, nombreux sont les documents dans l’entreprise qui ressemblent à des œufs, faits de deux parties associées et potentiellement dissociables : un document validé et engageant (disons le jaune) entouré de divers documents de travail (ici, le blanc). L’un et les autres sont produits dans le même processus (la ponte si on veut vraiment poursuivre la métaphore) mais n’ont pas la même fonction : le document validé a une valeur de preuve, pendant une durée plus ou moins longue ; le document de travail peut avoir une valeur de preuve mais le plus souvent il n’en a pas ; en revanche, tous ont une valeur informative, pendant une durée plus ou moins longue également.

Pour faciliter l’accès à l’information et le traitement des affaires, il est très commode de regrouper tous les documents à portée de main dans une armoire commune ou sur un serveur bureautique partagé. Les affaires avancent, les documents s’accumulent et se mélangent dans l’armoire ou le serveur, classés au fur et à mesure par les collaborateurs, suivant le plan de classement préétabli, sauf quand on n’a pas le temps, ou qu’on ne trouve pas la bonne case… c’est-à-dire la plupart du temps. Et voilà l’omelette documentaire !

03-archivabiliteEt quand l’armoire est pleine, que l’omelette est bien baveuse, c’est là qu’on se dit qu’il faudrait quand même archiver les documents engageants et probants, les mettre en sécurité pour prévenir les risques de pertes, et se débarrasser de ce qui est périmé pour faire un peu de place. C’est bête tout de même de ne pas avoir mis les jaunes de côté…

 

 

2 commentaires

  1. Questions subsidiaires : quel est le cours de l’omelette dans les entreprises, et pas seulement dans les cantines ? risque-t-on prochainement une pénurie d’oeufs ? qui a dit que la production de telles omelettes était contre-cyclique par rapports aux autres productions des entreprises ? combien de temps les omelettes archivées restent-elles baveuses ? pourquoi les rares omelettes qui auront réussi à échapper à tous leurs prédateurs, et que des archéologues archivistes retrouveront desséchées dans deux mille ans, atteindront-elles une cote à faire pâlir d’envie tous les chefs étoilés ? Puisque les mystères de l’archivage nous échappent, feignons d’en être les organisateurs !

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