Pour approfondir mon billet de la semaine dernière sur les « clics engageants », j’ai voulu regarder de plus près ce qui se passe lors de l’ouverture d’un compte sur un réseau social. Je suis donc allée sur la page d’accueil de Facebook.

Sous le titre « Inscription », l’internaute doit d’abord indiquer nom, prénom, adresse, date de naissance et sexe. Au-bas de l’écran, un bouton vert « Inscription » (traduction spécieuse de « Sign up », n’est-il pas ?). Entre les deux, en tout petits caractères (comme dans les contrats d’assurance), il est dit « En cliquant sur Inscription, vous acceptez nos Conditions et reconnaissez avoir lu et comprendre notre Politique d’utilisation des données, y compris Utilisation des cookies ». Un simple clic sur le bouton vert et l’internaute est engagé. À quoi ?

En dépliant ces trois liens associés à l’inscription, j’obtiens plusieurs dizaines de pages de texte, et plus encore en comptant la version anglaise, la seule valable en cas de litige…

Je lis. Je relis. Un mot me vient : imbroglio !

Classiquement (je me réfère à ce que m’a appris la diplomatique), un contrat comprend trois zones de texte : l’exposé du contexte, la décision (le « dispositif » en diplomatique médiévale) et les clauses, le tout précédé de l’identification des parties et suivi des signatures et date.

Mais dans cet imbroglio de pages et de liens, il est bien difficile de distinguer la nature du contrat, les droits et obligations réciproques, la date et la durée de la relation. Le texte mélange sans logique apparente ce qui relève de l’explication du fonctionnement du réseau social, les engagements et renoncements de l’internaute, les prérogatives du réseau social, le présent et le futur, le contexte réglementaire et le lien spécifique qui est créé entre une personne privée et une entreprise de réseau social.

Il faut atteindre le 19e et  dernier article (dénommé « Autre » !!), al. 2, pour lire : « Cette Déclaration constitue l’intégralité de l’accord entre les parties » (aucun rappel ici du fait que seule la version anglaise est acceptée par Facebook – litigieux, isn’t it ?).

Donc, en cliquant sur le bouton, l’internaute, entre autres :

  • accepte que ses informations soient transférées et traitées aux États-Unis (art.17-1) ;
  • accepte que chaque fois qu’il se connectera à son compte Facebook, il acceptera de fait les mises à jour des conditions (forme d’avenant au contrat (art.14-3) ;
  • permet à Facebook d’utiliser le contenu et les données du compte à toutes fins, y compris commerciales (art. 9-17) ;
  • permet à Facebook d’utiliser son nom et sa photo de profil en association avec les contenus non protégés par les paramètres de confidentialité (art.10-3) ;
  • accepte que s’il supprime des contenus, ceux-ci ne seront pas supprimés des sauvegardes, « pendant un certain temps » (reasonable period of time…) (art.2-2) ;
  • accepte que Facebook se réserve tous les droits qui ne lui sont pas explicitement accordés (art. 19-10) ;
  • accepte que les articles 2.2, 2.4, 3-5, 8.2, une bonne partie des articles 9 à 11 et les articles 15 à 19 restent en vigueur après la dénonciation du contrat…

Comme quoi, la contractualisation en ligne peut s’avérer une vraie « embrouille », un imbroglio qu’on pourrait mettre en scène. Le marié malgré lui, pièce en trois actes : rencontre, séduction, clic-clac (la photo), un clic et les voilà e-mariés, mais la mariée à une sœur jumelle en Amérique, quiproquos, déclic, en attendant les claques…