Il y a une quinzaine, je me suis livrée, à quelques heures de vol de Paris, à une activité très peu archivistique consistant à évoluer paresseusement dans une mer plutôt chaude, au gré de vagues ni trop calmes ni trop fortes, avec des palmiers à droite, un rocher majestueux à gauche (ou inversement selon mes gesticulations aquatiques). Bref, le pied !

Aïe, ma main !

Une sensation désagréable me tire brusquement de ma léthargie tropicale. Un machin visqueux, genre serpent, m’a furtivement enveloppé la main gauche, provoquant des picotements hélas reconnaissables. Une méduse m’a dit bonjour à sa façon, en agitant son tentacule là où je me trouve aussi. La rencontre tourne court. Certes, la mer est à tout le monde, mais ce n’est pas une raison pour agresser les passants (ce qui vaut d’ailleurs pour moi comme pour la méduse dans le fond…). Chacune rentre chez soi. Sous l’effet du vinaigre, la douleur s’apaise assez vite mais me laisse pensive. Ça me rappelle quelque chose…

C’est finalement la même sensation désagréable quand je navigue tranquillement sur Internet, regardant le paysage, passant d’un site à l’autre, rêvassant sur une thématique, filant un mot ou sautant du coq à l’âne et que, brusquement, je suis cernée par un jet de publicités aussi urticantes que clignotantes, phénomène qui annule complètement le plaisir de la promenade. Autant sortir tout de suite de ce lieu empoisonné, ou plutôt rentrer sans attendre davantage dans mon espace non infesté (tiens, avec le réseau, on ne sait plus très bien quand on entre où et quand on sort de quoi…).

Le grand GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon, même s’il y a d’autres géants du Web) se comporte comme une méduse, assez jolie de loin, détestable quand elle s’approche trop près et déploie ses tentacules pour piéger sa proie.

Je ne parle pas de la collecte des données personnelles, c’est un autre sujet, bien que connexe. Je ne cible ici que la projection fielleuse de réclames de produits et de services, la salve paralysante de pop-up désaxés, de tous côtés de l’écran, sur toutes les pages, dans toutes les fenêtres. À vous dégoûter de surfer. C’est comme une clôture électronique qui enverrait des décharges d’images intrusives dès qu’on fait trois pas à l’air libre. Je n’y vois que la manifestation du plaisir vicieux d’empêcher autrui de s’épanouir dans la nature.

On pourrait imaginer – et même souhaiter – un géant aux grandes dents, de type cerbère, qui serait là, à l’allumage de l’écran, pour vous interdire de vous promener, cerbère que l’on pourrait décider de braver, pour le fun. Non, pas du tout ; vous avez absolument le droit de vous promener où vous voulez. Simplement, les tentacules du GAFA vous escortent. Et si elles vous gâchent la promenade, c’est vous le coupable : vous n’aimez pas la compagnie de ces gentils serviteurs qui se mettent en quatre, en huit et en seize pour vous offrir tout ce qui peut se vendre sur la planète ? C’est vous le méchant !

Si au moins une de ces pubs proposait du e-vinaigre pour neutraliser la démangeaison provoquée par les tripotements outranciers de ces monstres tentaculaires, je crois que je cliquerais tout de suite.

Médusant, non ?

 

 

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