La naissance est une des choses les mieux partagées. Chacun en a une. Et pas seulement les individus. Tous les êtres vivants, s’ils pouvaient parler, pourraient en dire autant. Et même les choses, les idées, les organisations qui existent, toutes sont passées par la case naissance.

À côté de l’être lui-même ou de la chose elle-même qui témoigne directement de sa propre existence, la naissance se prouve le plus souvent par un acte écrit : déclaration de l’enfant à la mairie, vote des crédits de construction d’un hôpital, statuts d’une entreprise, bulletin d’adhésion à la SACEM, déclaration de saillie et de naissance d’un chaton, manifeste d’un nouveau courant littéraire, etc.

L’acte de naissance le plus répandu, depuis le plus long temps, est le premier évoqué ci-dessus : l’acte de d’état civil. L’acte de naissance procure à l’individu d’abord une identité, ensuite des droits et des obligations. Ce n’est pas un hasard si les actes de naissance ne sont pas des procès-verbaux indépendants les uns les autres comme autant de témoignages de l’arrivée d’un nouvel individu ici ou là, qu’on archiverait là ou ailleurs, mais des registres rigoureusement tenus dans chaque parcelle du territoire national qu’est la commune. Sauf exception qui confirme la règle, la naissance des individus n’est pas un événement libre ; elle est encadrée par la loi. La naissance des entreprises l’est aussi. Celle des animaux également dans de nombreux cas.

Le jour venu, la mort est enregistrée à son tour. L’administration gère le début et la fin de tout ce qu’elle peut gérer.

La naissance et la mort encadrent ce qu’on appelle le cycle de vie – qui est en réalité plus un déroulé linéaire qu’un cycle (mais ça, c’est une autre histoire, qui me ferait pédaler trop loin). Naissance et mort sont deux événements que l’on peut dater, en jour et heure autrefois, à la seconde près aujourd’hui, mais évidemment, en attendant le second (on n’est pas pressé), c’est le premier, la naissance, qui sert de point de repère pour organiser l’entre-deux, qu’on appelle la vie, grâce à l’âge (vaccination, âge scolaire, majorité électorale, mal de dos, retraite…).

De l’acte de naissance à la naissance de l’acte, il n’y a qu’un pas, que je franchis allègrement, car la comparaison est tentante.

Le cycle de vie de l’acte écrit présente en effet quelques similitudes avec le cycle de vie de l’individu : la genèse du document précède sa naissance, même si sa durée est beaucoup plus élastique que pour l’être vivant ; et sa vie, comme pour les humains, est plus ou moins longue, plus ou moins mouvementée, plus ou moins médiatisée, etc. avant le dernier soupir et la véritable dématérialisation, je veux dire la disparition du support matériel, la désintégration de l’enveloppe physique (disque numérique inclus).

Je pourrais poursuivre la comparaison (qui n’est pas raison bien sûr) :

  • le clonage, tout à fait au point pour la population des documents avec les appareils de photocopies et surtout les scanners ;
  • l’IVD (interruption volontaire de documents), pratique assez récente dont l’application Snapchat est le meilleure exemple avec une disparition automatique du document engendré après un laps de temps très court ; toutefois, le procédé ne donne pas entière satisfaction (on peut le contourner) ; la technologie est encore… embryonnaire ;
  • la renaissance (une redécouverte, une notoriété inespérée après une période d’oubli ou d’ignorance) ;
  • etc.