Dans le vocabulaire documentaire et archivistique, correspondance est le singulier collectif qui désigne l’ensemble des documents qui tracent une conversation écrite entre une personne et une ou plusieurs autres personnes avec qui une conversation orale n’est pas matériellement possible (pour cause d’éloignement) ou pas souhaitée (on n’écrit pas comme on parle, les écrits restent…). La conversation, avec son suffixe –con, latin cum, comme dans con-respondance, suppose, sollicite une réponse de l’interlocuteur, laquelle réponse nourrira une autre lettre, un autre courrier, et ainsi de suite.

Sans doute à cause de mes études, initiales et continues, je retiens dans l’histoire de la correspondance quatre domaines applicatifs, sans chronologique stricte bien sûr : politique, scientifique, littéraire et administrative.

Pour la correspondance politique, je pense à ces missives échangées entre têtes couronnées à l’époque dite médiévale. La plus représentative des correspondances politiques est pour moi la missive que le pape Innocent IV fit porter par son légat Jean de Plan Carpin au grand khan des Mongols à Karakorum au milieu du XIIIe siècle ; cette lettre est une invitation à se convertir au christianisme, à laquelle Güyük, le grand khan en question, répond en invitant le pape et l’Occident à rejoindre son empire…

La grande époque de la correspondance, au sens fort d’échange et de réseau, est sans doute les XVIIe-XVIIIe siècles, le Grand siècle et siècle des Lumières, autrement dit le temps de la République des Lettres (à une époque où on ne séparait pas bêtement les lettres et les sciences). Les savants correspondaient, questionnaient les autres chercheurs de leur spécialité au moyen de longues lettres qui mettaient parfois plusieurs mois à atteindre leur destinataire (de Paris à Pékin par Saint-Pétersbourg) mais qui faisaient circuler et fructifier la connaissance scientifique en matière de géographie, d’astronomie, de sciences naturelles ou d’ethnographie. C’était là un réseau plein d’espérance scientifique que j’ai eu le bonheur de fréquenter pour rédiger ma thèse.

Ferdinand Dubois de Fosseux, secrétaire de l’Académie d’Arras à la veille de la Révolution française avant de devenir le premier maire de cette ville, avait commencé à industrialiser le processus avec son fameux « bureau de correspondance » qui produisit une correspondance de près de 30000 lettres en quelques années !

À côté des romans épistolaires comme genre littéraire (Les lettres persanes, Les liaisons dangereuses…), la correspondance des écrivains, privée ou faussement privée, fait depuis longtemps la joie des éditeurs : Madame de Sévigné, George Sand, Louise Michel ou Voltaire (18000 lettres), Victor Hugo, Stéphane Mallarmé, pour ne parler que des Français.

Enfin, ce terme de correspondance est un descriptif générique très fréquent dans les analyses archivistiques qui forment les inventaires de fonds contemporains : la pluparts des dossiers d’archives comportent des actes, des plans, des procès-verbaux, des rapports, des comptes rendus, etc. et de la « correspondance », c’est-à-dire des courriers échangés par le gestionnaire du dossier avec la personne concernée par l’affaire (administré, responsable de projet, plaignant, etc.), avec des tiers consultés pour leur expertise ou avec d’autres administrations. Correspondance est un mot un peu facile parfois car il n’apprend pas grand-chose ; il faudrait catégoriser ou normaliser davantage la restitution de la valeur de cette gangue…

Et aujourd’hui ? Et demain ? La consistance et la pérennité de la plume s’effacent devant la légèreté et l’éphémérité du clic. Les posts et les tweets publiés sur les murs des réseaux sociaux n’appellent plus de réponses circonstanciées mais des réactions impulsives. Finalement, dans l’environnement numérique, à quoi la correspondance correspond-elle ?

 

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