Louise Merzeau, professeure à Nanterre, spécialiste des traces numériques, photographe, a été emportée par une maladie foudroyante le 15 juillet 2017.

 

Louise, comme tous ceux qui ont appris ta brutale disparition mi-juillet, j’ai été choquée et profondément attristée, et j’ai maudit cette grande Faucheuse qui, impoliment et cruellement, ponctionne de la surface de la terre ceux avec qui nous n’avons pas fini de parler.

Le plus dur, c’est d’entendre et voir combien, en apprenant la nouvelle de ton départ impromptu, par un switch à la fois horrible et naturel du cerveau, les uns et les autres se mettent à parler de toi au passé : elle était… Non, décidément, deux mois plus tard, je ne peux pas ; l’imparfait ne passe toujours pas.

Alors, chère Louise, je préfère penser que nous allons poursuivre nos échanges, sur les traces numériques et l’archivage du Web, sur la mémoire d’Internet et sur ce que tu appelles les « friches », sur la diplomatique et l’archivage managérial. Que nous aurons bientôt l’occasion de nous livrer à une de ces « disputes » amicales dont ta clairvoyance sereine du monde numérique et ton sourire amusé de sage malicieux sortent toujours vainqueurs. Que nous développerons la discussion « très stimulante » (je te cite) sur les pratiques de la messagerie électronique et de Twitter, la puissance et les limites de ces outils dans le temps et dans l’espace. Que nous actionnerons d’autres partenariats entre l’université et le monde de l’entreprise, après le MOOC « Bien archiver » qui n’aurait jamais existé sans toi.

Et puis, je veux encore rire avec toi de la meilleure astuce pour se dépêtrer d’un lot de devoirs d’étudiants qui portent tous le même nom sibyllin (devoir.doc, projet.pdf…) ; écouter ton discours limpide devant la caméra, avec cette aisance retenue, caractéristique des grands acteurs qui improvisent sans cacher qu’ils travaillent beaucoup ; t’entendre formuler calmement, un verre de jus de fruit dans une main et un petit gâteau dans l’autre, quelques sentences qui constituent le fondement d’une vraie politique de collecte des archives numériques ; mesurer ta patience et ta douce détermination dans les réunions qui  s’enlisent ; surprendre ton œil qui pétille à l’approche d’une nourriture agréable, intellectuelle ou matérielle ; observer ta conscience professionnelle de faire ce qu’il faut quand il faut, quoi qu’on en pense ou quoi qu’il en coûte. Quant à la bienveillance au travail, dont les réseaux sociaux (qui t’intéressent tant) nous rebattent les oreilles, toi, simplement, tu l’incarnes au quotidien.

Je compte sur toi, Louise, pour continuer de provoquer ma réflexion et pour m’inspirer.

Amitiés.