Retour sur une petite expérience.

À l’automne 2015, après quelques mois de pratique quasi-quotidienne du réseau LinkedIn, j’ai décidé de me livrer au petit exercice suivant : copier dans un fichier à part les images de mon « mur » ayant retenu mon attention, quel que soit le motif de cet intérêt (contenu, caractère esthétique, drôlerie, originalité, représentativité du réseau social, etc.). Bref, simplement les images qui accrochaient mon regard et que je prenais le temps de regarder, que je valide ou non leur message (la plupart des images me plaisent ; pour d’autres, c’est négativement que je les ai remarquées).

Mon objectif était d’abord de garder une trace de ce qu’était mon mur à ce moment-là, sachant qu’il me serait difficile de retrouver plus tard, pour la revoir ou pour la citer ou l’utiliser, une image qui m’aurait marquée. C’est que le défilement des nouveaux posts engloutit rapidement la mémoire des posts d’hier, a fortiori d’avant-hier (grosso modo, ce qui a plus d’un mois sur le réseau est out). C’était là en quelque sorte un réflexe d’archiviste (comme d’autres en leur temps ont décollé des affiches révolutionnaires des murs des villes pour en garder témoignage avant que d’autres affiches ne les recouvrent…). Oui, mais mon propos n’était pas d’archiver LinkedIn en soi ou pour les autres (quel sens cela peut-il avoir d’ailleurs sinon du point de vue de l’émetteur ?) mais modestement de documenter mon souvenir.

L’idée initiale était aussi de rassembler un matériau daté pour comparer ultérieurement ma sélection avec la sélection d’une autre période (j’ai continué mon expérience en 2017), à défaut de pouvoir comparer avec la sélection d’une autre personne (sur quels critères le faire ?). Je souhaitais savoir ce que cela pourrait m’apprendre sur l’évolution du réseau, ou sur moi-même. J’ai choisi LinkedIn parce que c’est le seul réseau social dont je sois membre actif (et même membre tout court).

La valeur de l’expérience est toute relative car il est bien difficile d’analyser une matière unique (le mur de chaque internaute est individuel ; personne ne voit la même chose que moi) et instable (le rafraîchissement de la page la transforme radicalement, même quand il n’y a pas de nouveaux posts entre temps). Tout ceci est le propre d’un réseau social. Ce que je vois sur mon mur est donc conditionné par trois facteurs :

  1. mon réseau de contacts ; je suis passée pendant la période de 1500 à 2000 contacts (dont une minorité s’exprime sur le réseau) ;
  2. les algorithmes et la politique de LinkedIn qui comportent autant de mystères (par exemple la disparition brutale et durable d’un post dont on a eu juste le temps d’entrevoir l’intérêt) que d’évidences (comme les publicités payantes, oh pardon, je veux dire les « contenus poussés ») ; il y a une part de loterie dans l’affichage des news mais une fois qu’on le sait, ce n’est pas plus gênant que lorsqu’on feuille le magazine Géo (farci de pubs) ou qu’on cherche son chemin dans la rue, il suffit de ne pas voir ce qu’on n’a pas envie de voir, et de se convaincre que LinkedIn est un « plus » aléatoire en matière d’ information et surtout pas une source exhaustive) ;
  3. mon état d’esprit ou ce que j’ai fait avant d’ouvrir LinkedIn qui me font plus curieuse certains jours que d’autres ou plus attentive à certaines images qu’à d’autres.

Néanmoins, le critère retenu pour sélectionner une image (je me suis arrêtée pour la regarder de plus près) en vaut bien d’autres, thématiques, statistiques ou aléatoires.

Bref, j’ai joué le jeu, consciencieusement, sans retour en arrière jusqu’à la fin de l’expérience, et j’ai collectionné ainsi un peu plus de 200 images au fil des mois (près d’un par jour ouvré finalement). N’ayant, et pour cause, aucun classement préétabli pour cette collecte, je me suis efforcée après coup (il y a quelques mois) de faire des regroupements et de catégoriser ces images. Voici le résultat, illustré de quelques spécimens que j’ai plaisir à regarder de nouveau.

Le premier groupe (73 images, soit un bon tiers) est constitué de citations et de diverses sentences proverbiales, de Sénèque, Abraham Lincoln, Nelson Mandela ou le Dalaï-Lama, à John Lennon et Mark Zuckerberg, en passant par Jean d’Ormesson, René Char, Nikola Tesla et bien d’autres.

Il y a ensuite un lot de 36 images relatives au management (le bon chef, la relation patron-employé, la bienveillance, la conduite de projet, etc.) et aux comportements dans la société numérique (opposition des générations, empathie) :

Paradoxalement peut-être, les images liées à mon activité professionnelle, c’est-à-dire la gestion de l’information et l’archivage, ne sont pas très nombreuses (14) ; en réalité, les posts professionnels sur mon mur sont assez nombreux mais les images associées me paraissent anodines ou inodores, poussant mes yeux à zapper l’illustration pour aller directement au texte. En voici deux qui m’ont fait sourire :

Le groupe suivant (le second en termes de volume, avec 42 images) concerne des posts humoristiques, des jeux de mots, des énigmes, des caricatures :

 

Une question récurrente sur LinkedIn est de savoir si l’humour y a sa place. Question que je ne me pose pas. Certains le rejettent au nom du strict professionnalisme, renvoyant à Facebook pour la plaisanterie. D’autres rétorquent que le rire fait partie de la vie professionnelle, ce que je crois aussi. À partir du moment où le réseau est « social », le rire ou du moins le sourire doivent s’y exprimer. La question est plutôt celle de la qualité, notion il est vrai partiellement relative.

Un cinquième groupe regroupe une vingtaine de photos anciennes ou artistiques, le critère de sélection étant là purement esthétique :

Le dernier groupe, comme souvent dans les classements documentaires, est le groupe « divers », avec 15 images hétérogènes (quelques réactions à l’actualité, comportements d’animaux, histoire, publicité) voire hétéroclites.

Quelles conclusions tirer de cette expérience ?

Rien de transcendant mais je remarque tout de même que :

  • ma culture de l’écrit est tenace car ce que je vois dans les images, c’est d’abord l’écriture ! Comme quoi, on ne perd pas ses réflexes si facilement et les mutations prennent toujours du temps ;
  • si je me fie à cette innocente sélection, le réseau social m’attire davantage pour l’humour et l’esthétique que pour l’information professionnelle ; mais, compte tenu, d’une part, de la diversité de mes 2000 contacts et, d’autre part, des savants algorithmes qui sont à l’œuvre dans le réseau, il est vrai que les posts qui concernent directement la gestion de l’information ou l’archivage numérique sont finalement minoritaires dans ce que je vois ;
  • en revoyant ces photos, je trouve que, finalement, LinkedIn a un côté agréable, surtout si je m’efforce, comme pour les souvenirs, de ne conserver que les bonnes, en essayant de pas voir ce qui m’agace (LinkedIn est aussi très agaçant) et de ne retenir que ce qui m’enrichit ; en résumé c’est un lieu charmant pour une promenade matinale sélective, comme je l’évoquais dans un précédent post.

Et vous, avez-vous tenté ce genre d’expérience ?

À suivre.