À quoi sert un plan de classement ? À classer ? Mais que veut dire classer ? Pourquoi a-t-on besoin de classer ? Classer quoi ? Pourquoi classer alors que les moteurs de recherche retrouvent tout (même ce qu’on a détruit) ?

Ranger ET structurer

Le plus simple est sans doute de partir de la langue anglaise qui, comme équivalent de « plan de classement », utilise deux expressions distinctes : filing plan et classification scheme. Il y a d’un côté une objectif de rangement (filing), d’organisation pratique, de gestion, et de l’autre, une idée de schéma intellectuel, de structuration des thématiques, d’organisation des sujets pour faciliter l’accès. On peut dire aussi qu’il y a une notion d’organisation des objets qui contiennent l’information (documents, dossiers, fichiers) et une notion d’organisation des contenus.

Ces deux notions se recouvraient autrefois et, tant dans les bibliothèques que dans les archives, le rangement physique correspondait au classement intellectuel ; on a encore ce système dans les salles de lecture en accès libre. Le plus souvent, elles s’articulent avec une base de données qui organise les contenus et qui, pour chaque objet physique, renvoie à un lieu de stockage ou à un outil qui gère ce lieu, tout cela par le biais d’un identifiant unique de chaque objet géré.

Deux profils d’UTILISATEURS du plan de classement

Une autre remarque sur les plans de classement est que leurs utilisateurs sont de deux types :

  1. en amont du cycle de vie de l’objet documentaire: ceux qui utilisent le plan de classement pour ranger les documents au bon endroit après leur production ou leur réception, pour leur attribuer un lieu de conservation, pour leur affecter la bonne étiquette, pour les rattacher aux bonnes métadonnées ; ce sont les gestionnaires qui identifient, collectent et organisent les documents dans des fonds et/ou des collections en se basant sur un plan de classement ;
  2. en aval de la production et pendant toute la durée du cycle de vie : ceux qui ont besoin de consulter le document et qui utilisent le plan de classement comme une table d’orientation pour accéder plus facilement aux documents recherchés, en suivant les ramifications de l’arborescence logique et thématique jusqu’au point le plus fin correspondant à la thématique ou au groupe de documents recherché, la dernière étape se faisant par un repérage chronologique, alphabétique ou numérique ; ce sont les chercheurs, au sens large, ceux qui cherchent l’information dans des fonds et des collections souvent multiples avec des préoccupations très différentes les unes des autres.

En résumé, un plan de classement sert d’une part à structurer de manière logique un ensemble de documents afin de mieux le gérer ; d’autre part, à naviguer pour rechercher plus rapidement une information dans un fonds ou une collection.

L’exhaustivité : une exigence pour l’archivage

Il convient de distinguer trois types de recherche :

  1. précise: je cherche LE ou LES documents qui sont requis dans telle affaire, pour tel client, pour tel projet : ce sera le contrat n° 160 du 22 mars 2014 avec Madame Chumi et pas un autre contrat ;
  2. générique: je cherche UN ou DES documents ayant trait à tel sujet et qui me permettront de répondre à ma question : ce peut être une note ou une autre (d’un autre ingénieur à une autre date) ; ce peut être une note ou un rapport ou un compte rendu (l’important est que l’information s’y trouve) ;
  3. exhaustive: je cherche TOUS les documents répondant à tel critère (mentionnant l’amiante sur le chantier X, comportant des données à caractère personnel de plus de trois ans, traçant les relations de l’entreprise avec tel client en phase de pré-contentieux, etc.).

Il faut savoir qu’une fois sur deux, quand on ne trouve pas un document dans une entreprise, ce n’est pas parce qu’il est mal conservé, c’est parce qu’il n’a pas été identifié comme important et n’a pas été archivé, ou qu’il a été « classé » en dehors du plan de classement, par négligence ou parce que ce plan de classement est inadapté à la réalité de l’entreprise, ou bien trop sophistiqué pour des collaborateurs dont le classement documentaire n’est pas la spécialité.

Cette question de l’exhaustivité est cruciale quand les documents à organiser sont des documents qui engagent la responsabilité et qui ne peuvent être remplacés par un autre document qui jouerait le rôle de « document alternatif ».

Donc, le plan de classement : c’est bien pour structurer logiquement un existant documentaire ; c’est bien aussi pour se repérer dans une collection déjà constituée si on ne veut pas y aller à tâtons ; mais c’est insuffisant pour assurer la complétude d’un fonds d’archives en cours de constitution, avec des producteurs, des formes de documents et des supports démultipliés.

Le cadre de classement Arcateg

J’ai depuis longtemps fait le double diagnostic suivant :

  1. pour la recherche d’une information précise, les technologies actuelles (moteurs de recherche, algorithmes…) sont plus efficaces que les plans de classement et les arborescences documentaires ou archivistiques ; ces technologies sont même très utiles pour créer des plans de classement à la demande, soit pour un utilisateur précis qui peut fabriquer son plan de classement « à la volée » avec ses propres critères, soit pour une institution qui veut structurer son offre documentaire/archivistique afin de la promouvoir auprès du public ;
  2. la vraie difficulté de gestion de l’information est aujourd’hui dans sa qualification (beaucoup plus que dans la capacité d’y accéder ou dans sa conservation) ; le défi pour une entreprise est donc de savoir si les documents émis ou reçus en son nom sont de bonne qualité (précis, fiable, etc.) et s’ils sont bien gérés (archivés, sécurisés, détruits lorsque la réglementation l’impose).

C’est pour cela que la méthode Arcateg ne propose pas de « plan de classement documentaire » ouvert, lourd à entretenir dans une entreprise en constante évolution, mais un « cadre de classement pour l’archivage » fermé, basé sur cent valeurs de conservation universelles, facile à adapter à chaque entreprise, selon son activité, sa taille et son ancienneté. Toutes les « classes » pertinentes doivent être régulièrement « peuplées ». On ne doit pas se contenter de classer et archiver ce qu’on voit ; on doit rechercher ce qui doit être classé et archivé.

Ce cadre de classement est également la structure du référentiel de conservation : deux en un !

Pour en savoir plus : Formations Arcateg : les 4 et 5 juillet 2017 et les 9 et 10 octobre 2017.

 

7 Commentaires
  1. Lamriri

    Intéressant, l étape suivante serait probablement d établir une base d apprentissage riche et la plus exhaustive possible, fondée sur les catégories Arcateg. Avec comme objectif de disposer d’une technologie universelle et automatique de qualification de tout nouveau document électronique.

    • La technologie peut aider, si elle est bien conçue mais la qualification correcte d’un document, dans sa dimension de trace de la réalité, est et restera une affaire de prise de conscience et de comportement. MAC

      • Lamriri

        Nous sommes bien évidemment d’accord sur ce point.

  2. Bonjour, je travaille à la mise au point d’un plan de classement documentaire collectif reposant sur un système de classification qui veut que (comme semble l’imposer votre méthode), « toutes les « classes » pertinentes » soient « régulièrement « peuplées » » (« On ne doit pas se contenter de classer et archiver ce qu’on voit ; on doit rechercher ce qui doit être classé et archivé »). La méthode sur laquelle il se fonde diffère probablement de la vôtre car il ne se veut pas « « cadre de classement pour l’archivage » fermé », mais plutôt cadre « ouvert » de planification de l’activité documentaire d’une communauté professionnelle pour éclairer la fonction qui fonde cette collectivité à partir d’un besoin avéré de sens qui l’anime, et doit en permanence s’adapter à des thématiques « en constante évolution ». L’idée de « planification de l’activité documentaire » sur laquelle repose ma méthode est pourtant tout à fait dans l’esprit de votre « peuplement régulier de classes pertinentes » (« rechercher ce qui doit être classé » plutôt que « se contenter de classer ce qu’on voit »). Est-il possible d’en savoir un peu plus sur votre méthode Arcateg et ces « valeurs de conservation universelles »? (à titre de réciprocité, mes travaux universitaires sur le sujet sont accessibles à partir de mon blog (rubrique « Mes publications »).
    FB

    • Bonjour et merci de votre message très intéressant sur les rapprochements méthodologiques.
      Pour répondre à votre question : oui, vous pouvez en savoir plus sur la méthode grâce à mon livre publié justement en avril (il y a 15 jours) :
      Des documents d’archives aux traces numériques. Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La méthode Arcateg™, éditions KLOG
      https://www.editionsklog.com/product/des-documents-d-archives-aux-traces-numeriques-identifier-et-conserver-ce-qui-engage-l-entreprise-la-methode-arcateg
      L’introduction est en ligne ici : http://fr.calameo.com/read/0005936512f21cbb51459
      Nos approches sont différentes car vous veillez aux intérêts des utilisateurs et de mon côté je veille aux intérêts du l’entité juridique propriétaire et comptable de ses traces vis à vis de tiers (y compris les autorités).
      Cependant, je constate en vous lisant que « rechercher ce qui doit être classé » plutôt que « se contenter de classer ce qu’on voit » convient aux deux approches.
      Je vous propose d’en reparler plus longuement à l’occasion.

      • MABOUMBA LOUBAKI L'OR ZITA

        Bonjour, existe-t-il une différence entre un plan de classement et un cadre de classement? Si oui laquelle ?

  3. Merci pour votre réponse. Je lirai avec intérêt votre dernier ouvrage. Nos deux approches sont évidemment différentes, mais probablement pas tant que ça sur le plan méthodologique. Si à n’en pas douter, « je veille aux intérêts des utilisateurs », c’est également et avant tout pour l’intérêt de la collectivité dont relèvent ces utilisateurs et donc de « l’entité propriétaire et comptable de ses traces vis-à-vis de tiers (y-compris les autorités) ».
    Je serai ravi d’en reparler plus longuement avec vous, reste à trouver l’occasion…

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