Je n’y suis jamais allée.

Mais j’irai peut-être un jour. En souvenir de ce billet, par exemple.

Ce qui me plaît, dans Saint-Sébastien-sur-Loire, ce n’est ni sa maison de la petite enfance ni sa déchèterie réhabilitée, ni le fait que cette commune de 26000 habitants de la banlieue sud de Nantes abrite la propriété familiale du général Cambronne (ce n’est pourtant pas rien, merde !), non, ce qui me plaît, c’est son nom, un nom représentatif de la toponymie française, un mode d’enregistrement de l’histoire et de la géographie dans la mémoire collective : un nom  de saint + un nom de fleuve.

Près de 4800 des 36 700 communes françaises, soit plus de 13%, portent un nom qui commence par Saint ou Sainte ou qui inclut ce vocable dans sa dénomination, témoignages de la christianisation de l’Occident et du culte des saints de l’époque médiévale. Le pourcentage tombe à 4% pour les chefs-lieux de départements avec Saint-Brieuc, Saint-Etienne, Saint-Lô et Saint-Denis (de la Réunion). Quant aux noms de départements, créé la par Révolution française, il est bien évident que les saints n’y ont pas leur part. L’exception qui confirme la règle est la Seine-Saint-Denis, mais le département n’a été créé qu’en 1964 et le nom du saint y joue sans doute un rôle de résistance dans ce nouveau territoire communiste. Du reste, l’appellation administrative de la circonscription est en perte de vitesse face à la langue populaire qui a « baptisé » le territoire du petit nom de 9-3.

Le culte des saints, notamment sous la forme de pèlerinages, a tenu une place importante dans la vie locale jusqu’à la fin du Moyen âge, jusqu’à la Révolution française pour certains et parfois après. Saint-Sébastien-sur-Loire était ainsi la destination d’un pèlerinage nantais en l’honneur du saint éponyme, invoqué plus spécialement contre la peste et plus généralement contre les épidémies. Saint Sébastien est aussi le patron des archers (c’est bien le moins pour un saint martyr mort sous les flèches en combattant) et plus largement des soldats.

Quant aux noms de fleuve et de rivière, ils sont également bien présents dans la toponymie car ils structurent le territoire, même si les habitants le ressentent beaucoup moins qu’autrefois dans la vie quotidienne. La Loire, qui d’une certaine façon, coupe la France en deux avec ses mille et quelques kilomètres de cours, a joué un rôle politique, économique et culturel majeur dans l’histoire du pays. Elle est la ligne de partage entre la langue d’oc (au sud) et la langue d’oïl (au nord). Elle fut longtemps la principale voie de communication commerciale, avant de se faire doubler par le chemin de fer au XIXe siècle. Pour les populations, le fleuve marque la frontière même si, avec plus de cent cinquante ponts aujourd’hui, la Loire se traverse plus aisément que du temps où il n’y en avait que dix (un pont tous les 100 km en moyenne !). Enfin, il y a les crues, plus ou moins dévastatrices, qui marquent la mémoire des riverains et rappellent aux hommes qui tendraient à l’oublier dans un environnement urbanisé et informatisé que la nature est capricieuse et qu’il faut la connaître et la respecter pour  limiter les dégâts de ses caprices. L’histoire et la géographie sont loin d’être périmées.

Saint-Sébastien-sur-Loire, un nom évocateur pour peu qu’on prenne le temps de s’y arrêter. Que sortirait-il d’un micro-trottoir auprès des 26000 habitants du lieu sur ce qu’évoque le nom de leur ville ? Hélas, la toponymie est loin des préoccupations des citoyens : le nom de la ville n’a pas changé mais on peut le lire comme six syllabes indifférenciées : saintsébastiensurloire, et on peut l’écrire plus rapidement : 5Cbasti1surlwar.