Les commentaires sur le billet «authenticité » avaient mis en avant le mot imputabilité, en lien avec la jurisprudence française relative à la signature électronique.
L’imputabilité dans ce contexte de preuve fait référence aux éléments, aux indices qui permettent d’attribuer un acte à un auteur. L’authenticité aussi, avec un positionnement différent. L’authenticité vise l’acte, le document qui doit porter (comporter, supporter, pouvoir importer et exporter…) les traces de la validation d’un contenu par son auteur prétendu et la date de cette validation. La notion d’imputabilité ratisse plus large dans le sens où elle s’applique à une action ou à un fait et qu’elle peut s’appuyer sur des éléments extérieurs au document proprement dit. L’authenticité est une qualité du document engageant ; l’imputabilité est une possibilité à partir de ce document. L’imputabilité passe par les caractéristiques d’authenticité quand elles existent, mais pas seulement.
Le point commun entre les deux mots est que ni l’un ni l’autre ne figure dans l’article 1316-1 du code civil relatif à la reconnaissance légale de l’écrit électronique : il n’y est question que d’identification de la personne et de conservation intègre. Par ailleurs, si authenticity est une notion bien affirmée en anglais notamment dans les normes d’archivage/records management, imputability est un mot plutôt rare si on en croit l’ami Google ; il traduit bien sûr «imputabilité » mais accountability est bien plus fréquemment utilisé pour cela, lequel mot accountability n’a pas non plus de traduction frontale en français et renvoie souvent au terme responsabilité qui ne correspond pas tout à fait responsibility. Après tout, c’est bien comme ça, sinon on s’ennuierait…
L’imputabilité est étymologiquement le fait de «porter au compte de ». L’usage le plus courant concerne la comptabilité avec l’imputabilité d’une dépense sur telle ou telle ligne budgétaire. Mais on parle aussi de l’imputabilité d’une action de formation (sous entendu au plan de formation de l’entreprise), ou encore de l’imputabilité des maladies à l’activité professionnelle, et bien sûr de l’imputabilité d’une faute, d’un dommage, d’un crime (on « impute » rarement des bienfaits).
Dans sa dernière enquête – voir Curtain, en français Hercule Poirot quitte la scène – Hercule Poirot démontre que cinq crimes depuis longtemps élucidés sont en réalité imputables à un même personnage qui n’en a pourtant commis aucun au sens strict mais qui fait partie de l’entourage de chaque affaire, Cet individu n’a pas versé le poison ni tenu l’arme du crime, mais il a instillé dans l’esprit du meurtrier ou de la meurtrière en herbe, en proie à la souffrance et au doute, les arguments justificatifs à leurs propres yeux du geste fatal, à la manière de Iago dans Othello. L’imputabilité ne repose pas là sur des indices matériels du crime mais sur une analyse plus complexe des motivations et des influences.
Pour revenir au document en général et au document numérique en particulier, il est souhaitable d’anticiper les traces à charge ou à décharge sur lesquels se fondera en premier lieu la preuve et la recherche d’imputabilité. Comment faire ? En ayant recours à « l’input-abilité », c’est-à-dire la capacité des individus (décideurs, collaborateurs, personnes privées) à insérer les bons «inputs » (signature, horodatage…), dans les documents et les dossiers numériques de façon à en assurer la lisibilité, la validité, la fiabilité, l’authenticité…