Vous pensez immédiatement au chronomètre et au « top-chrono » qui va lancer votre footing, après quoi, vous jouerez peut-être au Chrono Trigger sur votre console, non sans avoir préalablement commandé une côte de bœuf chez Chrono viande (livraison à domicile en 72h) ou appelé Chrono Pizza (plus rapide) Vous n’y êtes pas.

Sans rechercher les temps disparus, sans vouloir mesurer le temps, le raccourcir, le gagner ou le perdre, je veux simplement évoquer ici le vrai bon vieux chrono, c’est-à-dire la collection chronologique de correspondance (courriers émis et parfois courriers reçus) d’une institution ou d’une personnalité. Mais…

C’est là un instrument
Que les moins de vingt ans
Ne peuvent pas connaître.
La boîte en ce temps-là,
Dans le secrétariat,
Classait toutes les lettres.
Et si l’humble classeur
Tenu avec rigueur
Ne payait pas de mine,
C’est là qu’on retrouvait
Les courriers sans délai,
C’était cool, c’était clean.
Bon système, sans problème…

La forme du chrono a évolué au gré de l’évolution des techniques d’écriture : d’abord des registres ou cahiers de copie-lettres à l’époque de la correspondance manuscrite (il en existe de magnifiques pour le début du XXe siècle), auxquels ont succédé les fragiles peluriers regroupant les copies carbone sur papier pelure des courriers tapés à la machine, puis les simples « chronos » constitués de photocopies mais parfois également d’originaux.

Le chrono est  un aide-mémoire de proximité mais c’est aussi et surtout la trace concise d’une activité, avec un ratio densité d’information/volume particulièrement  intéressant, à la fois pour le dirigeant qui arrive et a l’intelligence de sonder le passé, et pour l’historien.

C’était avant que :

  • l’emballement de la circulation du papier ne rende les chronos obèses de copies sans intérêts, de courriers qui ne veulent rien dire, de publicités impertinentes…, jusqu’à éclater ;
  • la bureautique qui clignote n’envahisse tout et ne ringardise le chrono sans que le nécessaire désordre induit par la technologie soit compensé par de nouvelles pratiques de maîtrise du temps ;
  • la plupart des circulaires administratives relatives à la conservation des archives ne prescrivent sèchement la destruction après cinq ans des chronos de correspondance.

Combien de chronos de directeur général ou de chargés de mission, véritables chroniques, quintessence des activités, ont-ils été détruits sans état d’âme, au nom d’une réglementation délétère appliquée sans discernement ?

Combien de chronos de directeur général ou de chargés de mission sont-ils mort-nés, éparpillés dans des dossiers d’affaires, émiettés dans des mails éphémères ?