Il y a l’observatoire de Paris, créé en 1667 par Colbert avec Cassini. Il y a l’observatoire de Saint-Pétersbourg, fondé par Joseph-Nicolas Delisle à l’invitation de Pierre le Grand vers 1730 (réalisation pour laquelle j’ai une affection particulière exprimée dans ma thèse). Et bien d’autres installations à vocation astronomiques ou météorologiques, réparties tout autour du globe.

Les observations réalisées par ces observatoires se traduisaient jadis par des opérations de cartographie et se traduisent aujourd’hui par expéditions spatiales, lancement de satellites et de télescopes, missions scientifiques, coordonnées par des agences (l’Agence spatiale européenne, Agence spatiale canadienne, Agence spatiale fédérale russe, etc.). Il est en effet logique d’observer avant d’agir et d’agir après avoir observé la situation.

Pourquoi se limiter à l’observation du ciel et des phénomènes de la nature ? C’est sans doute la réflexion que se sont faite les fondateurs publics ou privés des très nombreux observatoires du début du 21e siècle, sur des sujets politiques, économiques, humains… :

l’Observatoire de la qualité de l’Air Intérieur (OQAI) (2001),

l’Observatoire de la sécurité des cartes de paiement (2001),

l’Observatoire du Véhicule d’Entreprise (OVE) (2002),

l’Observatoire des inégalités (2003),

l’Observatoire national des zones urbaines sensibles (2003),

l’Observatoire français des think tanks (OFTT) (2006),

l’Observatoire national des agendas 21 locaux (2006),

l’Observatoire du pain (2006),

l’Observatoire de la laïcité (2007),

l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (OLAP) (2008),

l’Observatoire des subventions (2008),

l’Observatoire des sondages (2009),

l’Observatoire de la santé des dirigeants de PME, commerçants et artisans (2010),

l’Observatoire du bonheur – une structure créée par Coca-Cola (2010), dans le but de « rassembler les connaissances sur le bonheur tout en analysant les phénomènes sociaux et en décryptant les perceptions du bonheur et de ses représentations », une jolie bouteille à la main de préférence, afin de doper la collecte et de rendre l’analyse plus pétillante,

l’Observatoire du réel – avec toutes sortes de personnes en quête de nouvelles compréhensions de notre monde… (2011),

sans oublier l’Observatoire des contreparties du pacte de responsabilité annoncé par le président de la République en ce début 2014 (un peu moins fun que les précédents, c’est normal).

Face à cette surabondance d’observatoires, on note une raréfaction des agences, même si certains observatoires font plus qu’observer et même si certaines agences n’agissent guère. Un seul exemple : l’Agence nationale pour l’emploi a fait place en 2008 à Pôle emploi (il est bien connu que les pôles sont un lieu majeur dans le dispositif d’observation…).

Les mots sont symptomatiques de l’état général. On observe. On observe comme si l’observation était une fin en soi, comme si l’étude pouvait remplacer l’action, comme si observer exonérait d’agir.

Il faut espérer que les rapports, dossiers d’enquêtes et autres diagnostics réalisés par tous ces observatoires seront soigneusement archivés, afin que les historiens du 22e siècle puissent bénéficier de ces sources historiques majeures pour étudier comment la société du début du 21e siècle s’abîmait dans l’observation. On espère également que les archives comptables de Coca-Cola, dûment conservées, permettront d’analyser en parallèle l’impact de la boisson énergétique sur le bonheur humain…

2 commentaires

  1. « … c’est l’une des têtes pensantes du Comecom… avant lui on ne savait pas pourquoi notre marché commun à nous fonctionnait mal… A présent on sait…
    – Et ça fonctionne mieux à ton avis ?
    – Non, mais la connaissance est sans prix pour des régimes scientifiques comme le nôtre… »
    Enki Bilal et Pierre Christin , Partie de chasse, Humanoïdes associés, 2000 (première édition 1987) – p. 43

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