Dissertation sur l’armoire de bureau.

Thèse.

Une armoire de bureau, c’est vraiment très pratique.

Il y a beaucoup de modèles : bois ou métal, grandes ou petites, portes ouvrantes ou coulissantes, étagères réglables, hamacs avec des étiquettes de couleur ou tablettes simples pour poser des dossiers à plat, des classeurs, des boîtes ou des cartons. Il y a également les armoires ignifuges et les armoires fortes (moins nombreuses que les coffres forts, les exigences de la parité n’ayant pas encore atteint le mobilier…).

L’armoire protège de la poussière, ce que ne font pas de vulgaires étagères (et avec l’air pollué qui nous entourent…). Et puis, les autres n’ont pas besoin de savoir ce que je mets dans « mon armoire ». On peut coller le plan de classement au revers de la porte battante, ce qui facilite le repérage des dossiers.

Pour l’organisation, l’armoire est une unité de mesure du volume papier stocké dans une entreprise (des points de vue logistique ou archivistique). Avec une équivalence de cinq mètres linéaires de documents par armoire, les calculs sont rapides.

Antithèse.

Cependant, l’armoire présente un certain nombre d’inconvénients.

On a beau dire, une armoire, c’est encombrant dans un bureau qui est toujours trop petit. Et puis, il y a les documents hors formats (les plans roulés par exemple) qui ne tiennent pas dans l’armoire (sauf dans l’armoire à plan, encore plus encombrante).

L’armoire de bureau, c’est bien mais il faut être dans le bureau pour s’en servir. Si je suis en réunion à l’extérieur et que j’ai besoin d’un dossier rangé dans mon armoire, je ne suis pas bien avancé. Sans parler des jours où la clé est égarée. Le bon côté, quand on ne sort rien de l’armoire, c’est qu’on n’a pas à re-ranger ce qu’on a sorti, parce que ça, le rangement, c’est vraiment rasoir. D’un autre côté, si on ne range pas, on ne risque pas de retrouver la prochaine fois. Non, vraiment, gérer le classement dans une armoire, c’est trop contraignant.

Surtout, l’armoire se remplit trop vite et il faut trier, faire de la place, tasser les dossiers suspendus, dégrossir les dossiers, supprimer des boîtes. Soupirs… Heureusement qu’il y a les stagiaires d’été !

Synthèse.

Tout bien considéré, l’armoire de bureau reste un instrument efficace pour gérer la documentation, à deux conditions toutefois :

  1. adapter la taille de l’armoire au besoin réel de l’utilisateur ; l’espace de stockage vide appelle la paperasse (brouillons, photocopies, prospectus) et le bazar (bouteilles vides, blouses, vieux calendriers, disquettes illisibles), comme les sirènes appelaient Ulysse et ses compagnons. L’occupant du bureau doté d’une grande armoire a tôt fait de la remplir, de tout comme de rien, et de s’installer dans la croyance d’un besoin de place de rangement toujours croissant. Or, le besoin véritable d’un dépôt documentaire de proximité est aujourd’hui, grâce au numérique, relativement restreint ; les entreprises qui, pour des raisons d’organisation et de sécurité, ont imposé à chaque collaborateur un caisson de 50 cm de côté ne s’en portent pas plus mal ; l’armoire systématique déresponsabilise et s’allie à la paresse contre un archivage collectif raisonné ;
  2. avoir une gestion coordonnée du contenant et du contenu car l’un n’a pas d’intérêt sans l’autre et l’autre est fragilisé sans l’un. Les propriétaires de la documentation ne doivent pas faire abstraction du statut de l’armoire comme mobilier de bureau géré par le service des moyens généraux avec un numéro d’inventaire, une affectation et une éventuelle réaffectation, une tournée de remplacement du matériel ou de déménagement. De même, les responsables logistiques ne devraient pas ignorer la qualité du contenu des armoires qu’ils gèrent. Contenant et contenu forme un tandem indissociable et il n’est pas inutile de le rappeler si l’on songe à la mésaventure survenue l’an passé au photographe Daniel Mordzinski : il avait rangé ses archives photographiques (quarante années de clichés) dans l’armoire du bureau d’un collègue du journal Le Monde ; un manutentionnaire, chargé de déménager un lot d’armoires vers d’autres bureaux, focalisé sur son ordre de service, a jeté le contenu de ladite armoire pour alléger à charge à transporter, sans crier gare ni aviser personne…

2 commentaires

  1. Je me souviens… Premier poste de professeur-documentaliste, un collègue tout frais émoulu lui aussi, et devant nous, cinq magnifiques armoires. Chacun ouvre la sienne. Un temps d’arrêt.
    « Tu vois ce que je vois ?
    – moi, je vois des piles et des piles et des piles de papier…
    – moi aussi…
    Trois ans de courrier empilé (et un CDI de lycée, ça en reçoit, du courrier !). Nous n’avions pas encore découvert la réserve ( les « archives » qui n’ont mérité leur nom qu’un an plus tard) et sa magnifique armoire à quotidiens, tous empilés. Nous avons mis espièglement en image de fond de nos archives un petit Gaston Lagaffe archiviste, et nous avons retroussé les manches.
    A vu de nez, les agents ont estimé à 5 mètres cubes le papier que nous avons jeté en six mois, tout trié à la main par nos soins. Et nous avons enfin des armoires à documentation, et non des réceptacles à papier…
    Depuis, l’ouverture d’une armoire inconnue dans un nouveau poste me procure toujours le frisson intense de l’aventure qui commence…

    • Merci pour votre témoignage et l’indice qu’il contient d’une équivalence activité/mètre linéaire : 3 ans de centre de documentation de lycée = 5 ml (si je traduis bien), ou encore 1 an = 1,70 ml . Ce serait intéressant de faire la comparaison avec d’autres CDI vu le nombre de lycées…

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