Procès-verbal d’interrogatoire, avec un mail suspect dans le rôle du prévenu et un interrogateur avisé en informatique mais aussi en diplomatique.

L’interrogateur : Vous avez déclaré à mon collègue être le message envoyé par M. Henri Pamois à Mme Setelle pour annuler un rendez-vous préalablement fixé avec elle au salon de thé de la rue de l’Héritage à 17h17.

Le prévenu : C’est la vérité. Je suis parti hier midi de chez M. Pamois

L’interrogateur, goguenard : Et M. Pamois a déménagé la semaine dernière, c’est bien ça ?

Le prévenu : Non. Non, non. M. Pamois habite toujours au même endroit.

L’interrogateur : Vous voulez dire  à l’adresse IP dynamique 75.65.111.XXX , dans le quarter Hotmail ?

Le prévenu : Oui, Monsieur, c’est bien cela.

L’interrogateur : Dans ce cas, comment expliquez-vous qu’on vous ait vu sortir de chez M. José Lôtre, qui habite à l’adresse IP fixe 82.225.240.23, boulevard Free, à l’autre bout de la ville, le jour et l’heure auxquels vous prétendez être parti de chez M. Pamois ?

Le prévenu, blêmissant : Mais comment est-ce que… J’ai dit la vérité. C’est M. Pamois qui m’a envoyé. C’est imprimé sur le papier, là, sur la table.

L’interrogateur se fâche : Parce que vous croyez que je vais me contenter de l’impression d’un mail et croire ce qui est écrit sous prétexte que c’est du papier ? Vous me prenez pour un novice ou quoi ? C’est comme si je suspectais un gars de cacher des armes sous ses vêtements et que je lui disais de garder son manteau pour l’interrogatoire ! Les preuves sont là, mon vieux ! Il ne sert à rien de nier l’évidence. Votre en-tête Internet indique clairement le point de départ de votre course. Et je la crois plus volontiers que le baratin de celui qui vous envoie.

Le prévenu : Euh… C’est que… M. Pamois et M. Lôtre sont amis ; ils se fréquentent… Oui, je me souviens maintenant ; M. Pamois était en train de déjeuner chez son ami Lôtre quand il m’a envoyé porter le message. Suis-je bête d’avoir confondu !

L’interrogateur, impatient : Des amis qui fréquentent tous les deux la riche héritière de la famille Sételle… C’est Pamois, c’est Lôtre…. On connaît la chanson. Bon, admettons…  Revenons à vous : les derniers mots du message à Mme Setelle : « Votre Henri dévoué ».

Le prévenu, soulagé de changer de sujet : Euh… C’est bien ce que m’a dit M. Pamois… Oui, c’est bien ça. C’est ce qu’il dit toujours. Oui, M. Pamois signe toujours : Votre Henri dévoué ». Tous ses messages se terminent ainsi.

L’interrogateur : Là, mon  vieux, vous vous enferrez. Nous avons interrogé quelques dizaines de messages électroniques reçus par Mme Sételle. Les messages de M. Lôtre se terminent en général par « José, votre dévoué », tandis que ceux de M. Pamois sont signé « Votre Henry, tout dévoué » ; il y a toujours un « y » à la fin de Henry (c’est la coquetterie de M. Pamois, nous avons vérifié dans la correspondance auprès d’autres femmes), et l’ordre des mots est immuablement celui-là. Alors, je veux bien admettre le coup de l’adresse, même si c’est un peu tordu, mais le coup de la signature, ça ne passe pas.

Usurper l’identité numérique, c’est encore assez facile mais il faut être bien plus malin pour imiter parfaitement le style. Garde à vue prolongée !