Le monde numérique est formidable. En plus de permettre la diffusion instantanée tous azimuts, le stockage illimité et la modification des écrits et des images, il sert aussi d’échappatoire dans tout un tas de situations déplaisantes.

Grâce au Réseau, on peut notamment :

  • échapper à la conversation des voisins de palier ou des voisins de voyage en restant concentré sur son smartphone pour rédiger et lire les SMS échangés avec ses amis connectés ;
  • échapper à la réflexion qu’exige la rédaction d’une dissertation scolaire ou d’un rapport en copiant-collant l’article de Wikipédia sur le thème en question, en sautant une ligne sur trois pour que ça ne se voit pas… ;
  • échapper au fisc en effectuant habilement certains achats en ligne sur un site étranger ;
  • échapper à la politesse et au savoir vivre en société en se cachant derrière un pseudo pour déverser sur les blogs des inepties, des grossièretés et des injures gratuites qu’on n’ose pas dire dans la vraie vie parce que ça fait du bien de dire des gros mots et des insanités quand on n’a rien d’autre à dire, mais qu’on ne veut pas que ça se sache ;
  • échapper aux regards des autres en surfant sur tous les sites les plus tentants de jeux en ligne ou de rencontres, sans risquer de croiser des personnes de connaissance aux alentours (sauf si les autres ont la même idée au même moment…) ;
  • échapper à la contrainte de l’espace en navigant à son gré dans les paysages de la planète, les villes étrangères, les lieux d’un potentiel séjour, sans coup férir, dans débourser un sou ;
  • échapper au présent en s’immergeant dans l’atmosphère virtuelle d’un passé peu probable mais séduisant avec ses costumes et ses personnages flamboyants ou d’un avenir aussi peu probable mais délicieusement pourvoyeur de conquête et de puissance qui reposent temporairement les âmes endolories.

En résumé, avec le Réseau, on peut échapper à tout.

À tout ?

Hélas, il y a une faille dans cette échappatoire.

Les traces numériques que vous laissez au bord des routes de l’information en vous e-promenant vont alimenter le big data tout au long de votre échappée. Autant de données qui, ironie du sort, permettront, d’un coup d’algorithme, de recréer votre passé et, grâce à un algorithme encore plus fort – et les algorithmes du big data sont très forts –  de prédire votre avenir. Rien ne se perd, rien de se crée, tout se transforme !