La généralisation de la messagerie électronique depuis deux décennies a mis en lumière la question du secret de la correspondance. D’abord avec la validité ou non de l’accès par l’employeur aux messages de nature personnelle expédiés à partir de ou reçus à l’adresse de courrier professionnel d’un salarié. Ensuite et plus globalement par suite de la facilité avec laquelle un mail peut être diffusé à d’autres personnes qu’à son auteur et son destinataire initiaux.

On oppose donc volontiers le courrier postal, papier, qui garantit le secret des correspondances, à la messagerie électronique capable de colporter très rapidement des informations parfois destinées à rester confidentielles. L’actualité rapporte régulièrement des situations de fuite d’informations extraites d’une correspondance électronique ou d’un échange sur un réseau social. Ce qui fait dire à certains que, lorsqu’on à quelque chose de confidentiel à transmettre, le plus sûr est d’éviter de recourir aux outils informatiques. La rapidité de la fuite est indexée sur la rapidité des transmissions.

Cependant, si l’indiscrétion est facilitée par la technique, elle est essentiellement d’origine humaine, à une époque où tout un chacun est acteur potentiel sur le réseau. Car, en ce qui concerne le courrier postale, la garantie du secret repose autant sur la déontologie des facteurs soumis au secret professionnel qu’au support physique de l’enveloppe et à la complexité de la duplication de son contenu. Il n’est d’ailleurs pas si difficile techniquement d’intercepter un courrier papier.

Avec les demoiselles du téléphone, apparues à la fin du XIXe siècle, il n’y a ni enveloppe ni enregistrement interceptable, seulement le discours oral entre les interlocuteurs qui est le plus souvent personnel et parfois confidentiel et que les demoiselles sont en situation d’entendre, voire d’écouter. Là encore, la qualité de service pour le client est d’ordre humain, avec des exigences de moralité très strictes dans le recrutement des préposées. La preuve, une demoiselle perdait son emploi en se mariant J.

La confidentialité des correspondances est donc d’abord une question d’éducation et de déontologie des acteurs qui interviennent dans la transmission du message. C’était déjà le cas avec le réseau télégraphique.

Une réflexion de Jules Verne dans le roman De la terre à la lune, publié en 1865, laisse entendre que la déontologie professionnelle n’est pas innée, même si ceux qui n’en n’ont pas ne sont pas nécessairement mal intentionnés.

Rappel du contexte : le Yankee Barbicane, président du Gun-Club, conduit le projet d’atteindre la lune en y envoyant un projectile au moyen d’un canon géant qu’il fait construire en Floride. Vers la fin des travaux il reçoit une dépêche de l’aventurier français Michel Ardan (personnage inspiré par Nadar) qui annonce son arrivée et son intention d’embarquer dans ledit projectile à destination de l’astre de la nuit. Cette dépêche télégraphique transite par « le câble immergé entre Valentia (Irlande), Terre-Neuve et la côte américaine ».

« Si cette foudroyante nouvelle, au lieu de voler sur les fils électriques, fût arrivée simplement par la poste et sous enveloppe cachetée, si les employés français, irlandais, terre-neuviens, américains, n’eussent pas été nécessairement dans la confidence du télégraphe, Barbicane n’aurait pas hésité un seul instant [à ne pas le rendre public immédiatement]…. Mais la dépêche était connue, car les appareils de transmission sont peu discrets de leur nature, et la proposition de Michel Ardan courait déjà les divers États de l’Union. »

De l’influence de la technologie sur les comportements…