Au singulier, nouille se rencontre soit comme qualificatif d’une personne gauche et empotée (quelle nouille !), soit pour désigner (en mauvaise part) l’art nouveau en raison de ses formes dégingandées qui peuvent rappeler les nouilles cuites par opposition aux lignes droites et sobres des éléments décoratifs de la période précédente.

Pour le sens premier de nouille, c’est-à-dire cet aliment à base de farine cuit dans l’eau, on utilise généralement le pluriel : les nouilles (avec une seule nouille, à moins d’avoir un appétit d’oiseau – et encore – on reste sur sa faim). Il en existe de toutes sortes, selon la farine utilisée (blé froment, blé dur, riz, patate douce…) et selon qu’on ajoute à la pâte des œufs ou d’autres ingrédients, sans parler de la façon de les faire cuire et de les accommoder.

Mon propos est ici de m’attarder sur la différence entre nouilles et pâtes.

Globalement, on parle de nouilles chinoises et de pâtes italiennes. C’est une convention linguistique et un usage, corroboré par une requête Google qui met en évidence que les pâtes chinoises existent, aussi bien que les nouilles italiennes, mais sont rares. En chinois, un des deux idéogrammes composant le mot traduit par « nouille » (面条) évoque quelque chose de long qui pourrait très bien convenir aux spaghettis. Mais la langue italienne ne connaît que le mot pasta. Le mot nouille – que j’aurais imaginé très ancien, je l’avoue – n’apparaît dans la langue française que dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, dérivé de l’allemand Nudeln (provenant peut-être du latin nodus, nœud, mais ce n’est pas démontré).

La légende selon laquelle les pâtes alimentaires ont immigré en Italie avec Marco Polo de retour de Chine est largement répandue mais il s’avère qu’elles avaient déjà des cousines dans la place depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, après tant de générations de développement sous le climat romain, elles se démarquent notablement aujourd’hui (fond, forme et assaisonnement) de leurs ancêtres de l’empire du Milieu. En France, nouilles et pâtes cohabitent mais les deux mots ne sont pas synonymes. Nouille, hormis les emplois secondaires et péjoratifs cités ci-dessus, est univoque (on visualise tout de suite une assiette fumante jaune ou jaunâtre propre à caler la faim) tandis que le mot pâtes possède de multiples sens : à tarte, à modeler, à tartiner… Par ailleurs, « nouilles » a une connotation familière (dans la bonne société, il est préférable de parler de « pâtes ») et pourtant nouilles est le terme « technique » pour désigner une forme de pâtes bien particulière.

Puisque j’ai décidé de traiter ce « pâteux » et « noduleux » sujet sur le net, je dois m’engager pleinement ; je livre donc ici une information très personnelle, en toute conscience des risques encourus en termes de publicité et/ou d’invitations à déjeuner 😊. Voilà : j’apprécie les pâtes aux œufs, je me délecte des nouilles chinoises, j’adore les pâtes italiennes mais ni les unes ni les autres ne valent à mes yeux, à mon palais et à mon cœur les « nouilles » de la marque de pâtes française Rivoire et Carret (depuis 1860 !).

J’avoue même que je déguste ces nouilles un peu trop cuites sans autre assaisonnement qu’un filet d’huile d’olive. J’ai toujours vu ces nouilles dans l’épicerie de mon village mais à Paris, faux paradoxe peut-être, j’ai quelques difficultés à en trouver et je fais parfois des kilomètres pour m’approvisionner (en gros), avec cette crainte récurrente qu’elles ne disparaissent avant moi…

Comme on peut le voir sur l’image, la dénomination « nouilles » renvoie à la forme de ces pâtes, simples, plates, étroites, d’environ trois centimètres de long, ce qui les distingue des coquillettes, des macaronis, des spaghettis, des papillons, etc.

Je pourrais faire une analyse comparable au sujet des pâtes documentaires ; la différence entre records et archives est assez similaire. Mis à part la valeur de preuve et de mémoire caractéristique de l’écrit, la recette de base (des données en guise de grains de farine agglomérés sur un papier ou un fichier en guise d’eau et d’œuf) et l’usage (préparation, consommation, valorisation) sont à peu près les mêmes ; les différences tiennent à la forme et à la culture (incluant l’histoire et la géographie).