Valeur ajoutée de la méthode Arcateg pour un archiviste

La méthode Arcateg™ a été conçue pour aborder l’organisation de l’information à risque dans une entreprise ou un organisme public.

L’angle d’attaque de cet enjeu commun à tous est celui de l’existence et de la protection dans la durée de l’information dont l’entreprise est propriétaire et détentrice. Il s’agit d’énoncer des règles claires qui permettent à chaque collaborateur de réponse à ces questions récurrentes:

  1. Dois-je mettre les documents et les données que je gère en sécurité ou non? Et si oui à quel degré de sécurité et comment?
  2. Dois-je jeter ou conserver telle trace ou telle information? Ce qui ne peut se faire valablement qu’après une analyse de la globalité de l’impact avéré et potentiel de cette trace ou de cette information pour l’entreprise et ses responsables.

Non seulement, l’entreprise doit énoncer des règles en réponse à ces questions, mais elle doit encore s’assurer que ces règles sont conformes à la réglementation et qu’elles sont réellement appliquées par les collaborateurs.

Les fondamentaux de la méthode Arcateg sont issus de l’observation de situations d’archivage déficientes ou chaotiques depuis deux décennies: abandon de documents et de données dans des endroits non gérés et non protégés, destruction d’actifs informationnels qui auraient permis de répondre à une mise en cause ou à une investigation, perte financière par négligence de production ou d’accessibilité d’une information ou d’une preuve.

Ces fondamentaux ont été mis à l’épreuve dans un certain nombre d’entreprises et d’organismes publics avant d’être présentés dans l’ouvrage Des documents d’archives aux traces numériques. Identifier et conserver ce qui engage l’entreprise – La méthode Arcateg™, éditions KLOG publié y au printemps 2018.

Le nom de la méthode AR (pour archivage) + CATEG (pour catégories) souligne l’approche méthodologique: les enjeux de gestion de l’information d’entreprise sont abordés par la question de l’archivage qui s’affirme comme le pivot de la gouvernance des données: tout fichier, tout document porte une valeur de risque pour l’entreprise, valeur qui conduit a) à contrôler sa qualité (pour éviter des interprétations erronées), b) à le mettre en sécurité pendant la durée nécessaire et suffisante, c) à gérer son cycle de vie tant sur le plan de la préservation que l’accès aux contenus, tout ceci étant résumé par le terme « archivage » pris dans son acception la plus forte. Il n’y a pas d’autres mots pour dire simplement tout cela. La catégorisation est le moyen de maîtriser l’inévitable hétérogénéité de la masse en rationalisant et en normalisant la réalité. On parle beaucoup aujourd’hui de catalogage des données; c’est la même idée.

De ce point de vue et du point de vue réglementaire, il est clair qu’Arcateg renvoie bien davantage à une mise en œuvre du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) qu’à une mise en œuvre de la gestion des archives publiques telle que la définit le code du patrimoine.

Pour le dire d’une manière plus classique aujourd’hui, Arcateg™ relève assurément du records management (archivage managérial) et non de la gestion des archives patrimoniales, bien que la méthodologie puisse également servir une démarche de gestion de la connaissance et de la mémoire.

La question se pose donc de savoir si la méthode Arcateg™ peut être utilisée avec profil dans la gestion d’un service d’archives.

La réponse est oui, mais à certaines conditions. En effet, dès lors que la démarche Arcateg™ est orientée Risques tandis que les pratiques archivistiques publiques sont orientées Patrimoine, il faut bien mesurer l’usage que l’on fait de chaque concept et respecter les différentes facettes de l’information.

Arcateg™ est construit sur un système archivistique alternatif dédié au management des données au quotidien, de sorte que vouloir fondre les fondamentaux d’Arcateg avec les pratiques archivistiques existantes dans une seule vision documentaire risque de conduire, comme je l’ai constaté parfois, à une cacophonie archivistique inefficiente.

Il ne s’agit donc pas de fondre les notions et de superposer les gestes archivistiques mais de les articuler pour répondre à un plus grand nombre de besoins.

Par exemple:

  • Arcateg donne un cadre de référence pour un recensement exhaustif de la production informationnelle d’une entité juridique, ce qui est autre chose que la gestion de l’existant dans une des composantes de cette entité.
  • Arcateg privilégie une règle de conservation simplifiée dès la création de l’information, basée sur sa valeur de risque pour l’entreprise, quel que soit son support et sa localisation, ce qui n’empêche d’avoir des règles plus détaillées pour la gestion des archives dans la durée.
  • Arcateg est également le support d’un tableau de bord normalisé et codifié pour identifier les doublons et les lacunes, afin de faire des reportings à la direction de l’organisme (établissement, administration) ou de gérer un plan d’actions pour améliorer le stock et le flux.

En résumé, la méthode Arcateg™ permet à un archiviste d’archiver « plus vite, plus haut, plus fort ».

En vous souhaitant une forme olympique!

Le récolement

Récolement est un terme classique et toujours courant du vocabulaire archivistique.

On peut toutefois constater un glissement de sens de récolement vers inventaire. Les deux notions doivent être distinguées, surtout en archivistique.

Définitions

Voici, dans l’ordre chronologique quelques définitions tirées de publications institutionnelles:

Le procès-verbal de récolement. L’instrument de recherche le plus sommaire, mais le premier à établir, est le procès-verbal de récolement, auquel est astreint tout directeur de service d’archives lors de son entrée en fonction, ou à la suite de remaniements importants survenus lors du déménagement des collections. Il s’agit de dresser un tableau précis du contenu du dépôt, en situant l’emplacement exact des liasses, registres et volumes et en signalant les lacunes constatées par rapport aux récolements antérieurs et aux instruments de recherches rédigés postérieurement au dernier en date des récolements. – Manuel d’archivistique (1970), p 250

Le procès-verbal de récolement est le tableau descriptif du contenu du service d’archives. – Pratique archivistique française (1993), p 154

Récolement. Opération consistant à identifier, un par un, tous les articles d’un service d’archives, et à les inscrire sur une liste (dite « procès-verbal de récolement »), en signalant les lacunes constatées. Cette opération, qui est de plus en plus fréquemment informatisée, est réglementaire à chaque changement de directeur dans un service d’archives, et (dans les archives communales) à chaque changement de municipalité. – Pratique archivistique française (1993), Glossaire

Récolement. Vérification systématique, lors de la prise en charge d’un service d’archives ou à date fixe, de ses fonds et collections consistant à dresser dans l’ordre des magasins et des rayonnages la liste des articles qui y sont conservés ou qui manquent par rapport aux instruments de recherche existants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement permanent. Liste tenue à jour des articles conservés dans un service d’archives assortie de leur localisation, présentée dans l’ordre des magasins et des rayonnages, permettant un programme d’utilisation des espaces vacants. – Dictionnaire de terminologie archivistique (2002)

Récolement des archives. C’est un état des lieux des archives dressé lors d’un renouvellement de l’exécutif. Il se présente sous la forme d’un procès-verbal de décharge (pour le maire sortant) et de prise en charge (pour le maire entrant), accompagné d’un état sommaire ou détaillé des archives présentes en mairie. – Fiche « Le récolement des archives » de l’Association des archivistes français (AAF) (2014).

Le récolement (empr. au lat. class. recolere « pratiquer de nouveau », d’où « repasser dans son esprit », « passer en revue ») est une opération de contrôle de la présence de documents et d’objets dans une collection, telle qu’un dépôt d’archives, une bibliothèque, un centre de documentation ou un musée.
Il consiste en l’utilisation de listes formant des répertoires sur papier ou numérisées à partir desquelles on recherche si chaque item est physiquement présent. Si des absences sont repérées, elles provoquent la mise à jour de l’inventaire après une recherche éventuelle des documents correspondants.
Il ne faut pas confondre:
– le récolement, qui s’apparente à l’opération habituellement appelée inventaire dans la gestion des stocks commerciaux, (inventaire physique),
– l’inventaire, qui est le registre, sur papier ou informatisé, qui liste les éléments formant la collection de la bibliothèque, du dépôt d’archives ou du centre de documentation, par ordre d’entrée, (inventaire comptable).
En France, cette opération est obligatoire dans les collections publiques, pour les archives municipales à l’occasion de chaque mandat, pour les archives départementales à chaque changement de directeur. – Wikipédia

Commentaires

Le rapprochement des différents extraits ci-dessus illustre, discrètement mais sûrement, le grignotage de l’archivistique française par la logistique au détriment du droit, au cours des dernières décennies.

D’une action de contrôle (le récolement) et de l’acte réglementaire et engageant qui en découle, avec décharge de la responsabilité des lacunes observées et déclarées (le procès-verbal), on est passé à une action de gestion des stocks pris en charge (avec cette particularité archivistique que pas deux objets du stock ne sont identiques). Cette pratique fait passer au second plan la valeur juridique de l’opération (quand ce n’est pas purement et simplement aux oubliettes).

Le « récolement permanent », inventé à fin du siècle, alors que les services d’archives s’accoutument à l’informatique de gestion, a une petite allure d’oxymore car comment peut-on à la fois être le constat d’un fait (ce qui existe et ce qui manque lors d’une passation de fonction) et une base de données évolutive? Comment un mot peut-il désigner à la fois un document daté et signé et des données de travail mises à jour au quotidien?…

Les deux acceptions restent cependant utilisées et je note que les archivistes communaux, plus sensibles sans doute aux effets des élections locales, ont su davantage préserver le sens original du récolement. Ce qui est gênant est que le même terme professionnel ait deux sens assez différents et, pis, sens que ses utilisateurs ne distinguent pas toujours. Diable, la langue française est-elle si pauvre? Wikipédia, lui, s’en sort très bien!

Mon commentaire n’est pas une réaction de puriste de la langue. Même si le préverbe « re » est mon préverbe préféré dans les langues latines, cela ne me choque pas plus qu’autre chose de voir sa signification originelle escamotée par l’usage et de voir le sens du mot « récolement » réduit à celui de « colement » sans le ré (cool, man!). Non, ce qui me gêne, c’est, d’une part, l’ambiguïté du discours, d’autre part, l’abandon de cet acte administratif engageant la responsabilité des acteurs propriétaires et détenteurs de archives.

La règle voulait naguère que le récolement ait lieu dans les quelques semaines suivant une prise de fonction, obligeant l’archiviste à caractériser la situation dans une forme compréhensible par l’élu ou le représentant de l’Etat amené à y apposer sa signature. C’était le moyen de mettre en évidence les lacunes (tout du moins dans les » archives essentielles »), de synthétiser les acquisitions du mandat, de pointer les anomalies, bref de suggérer une politique archivistique en même temps que de satisfaire à une obligation réglementaire toujours valide même si elle tombe en désuétude.

Mais, hélas, le mieux analytique est l’ennemi du bien archivistique.

Combien de récolements de dépôts n’ont jamais abouti parce que l’archiviste voulait être exact, précis, complet? Et le sens du récolement a commencé à se perdre. Le comptage des boîtes et des cartons l’a emporté sur la politique. En attendant que l’informatique l’emporte sur l’archivistique… Dommage.

Et maintenant, la question qui tue: c’est quoi un récolement numérique?…

Question subsidiaire: quelle la durée de conservation d’un procès-verbal de récolement?

Qu’est-ce qu’un document d’archives ?

Récemment, dans un réseau social, réagissant à un post de Benjamin Suc sur les fonds d’archives audiovisuelles, une jeune juriste exprimait sa gêne face à l’expression « document d’archives » dans la discipline archivistique, et son choix de ne pas l’utiliser. Ceci est assez surprenant. Il est vrai que, avec la dérégulation de la terminologie archivistique ces dernières années, on peut comprendre que certaines personnes soient déroutées. Une bonne occasion, finalement, de revenir sur cette expression et son sens.

Le singulier du mot archives

Le Dictionnaire des archives, français-anglais-allemand : de l’archivage aux systèmes d’information, publié en 1991 par l’AFNOR et l’École nationale des chartes, donne pour « document d’archives » la définition suivante : « Écrit ou enregistrement qui par lui-même ou par son support a une valeur probatoire ou informative. Singulier du mot archives ». Cette dernière expression (singulier du mot archives), aussi concise que percutante, a été proposée à l’époque par Marie-Claude Delmas qui, avec Hervé L’Huillier et moi-même, constituait le groupe de travail de préparation du dictionnaire, sous l’égide de Bruno Delmas. Près de trente ans plus tard, je la trouve toujours excellente et peut-être plus importante que naguère dans un monde qui ne cesse de se focaliser sur l’élément d’information décontextualisé au détriment du groupe, de l’ensemble cohérent, autrement dit du fonds.

Revenons à chacun des deux termes de l’expression : document et archives. Continuer la lecture

Combien trente ans de vie municipale représentent-ils de mètres linéaires d’archives?

J’aime qu’on me pose des questions. Surtout des questions que je ne me suis pas vraiment posée moi-même mais dont la réponse cependant m’intéresse.

Après la question d’un marchand d’autographe sur l’imprescriptibilité des documents d’archives publiques, j’ai été récemment interrogée par une architecte qui, répondant à un concours pour la réhabilitation d’un bâtiment communal ancien en « bâtiment d’archivage », cherchait à savoir « ce que représente en ml d’archives 30 années d’archivage pour une municipalité ».

J’ai immédiatement pensé au temps de refroidissement du canon…

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Invariances archivistiques

Parler d’invariance dans ce monde qui change en permanence, est-ce bien raisonnable ?

D’autant plus que la variance ne date pas d’hier : « Souvent femme varie » dit le proverbe (comme si l’homme ne variait pas et ne changeait pas d’idée comme de chemise…° ; le paysage que l’on regarde n’est jamais le même, de même que le mur de l’internaute sur Facebook ou Linkedin qui change à chaque minute.

C’est que l’invariance ne s’applique pas aux choses et aux gens, mais aux lois de la nature telles que les savants les décrivent et les analysent. Le mot invariance appartient d’abord au vocabulaire de la physique et des mathématiques où elle caractérise des lois.

Invariance me semble donc bien adapté pour qualifier deux « lois » archivistiques que j’observe depuis des décennies maintenant.

Tout d’abord, l’invariance de la bi-fonctionnalité de l’écrit.

Depuis l’invention de l’écriture il y a cinq millénaires, son usage se répartit invariablement entre deux grands objectifs : Continuer la lecture

Réflexion sur le vrac numérique

Vrac numérique1Le mot vrac, d’une manière générale, renvoie à deux réalités bien différentes : le bric-à-brac et le conditionnement en gros.

Il en va de même pour le « vrac numérique » et il convient de distinguer les deux cas de figure.

Halte au vrac ! Vive le vrac !

Le terme vrac comporte une double connotation de mélange d’objets et d’hétérogénéité de ces objets. On trouvera ainsi dans une brocante, pêle-mêle: un roman de Julien Gracq, un album sur l’Aubrac, une statue de saint Patrick, un froc, une cassette VHS de Fric-Frac, 10 grammes de crack, un rapport sur l’Afrique, un décor d’Alexandre Astruc, un disque de rock…

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Évaluation et tableau de gestion

Publié par Marie-Anne Chabin, 22 avril 2014

Évaluation : un mot récent dans l’archivistique française

Les étudiants du master 2 « Métiers de la culture – archives », de l’Université Versailles-Saint Quentin ont organisé le mois dernier (12 mars 2014), dans le cadre de leur formation, un séminaire sur le thème de l’évaluation.

Sollicitée pour participer à ce séminaire, j’ai aussitôt accepté car j’aime rencontrer les étudiants, tout en précisant que, à titre personnel, je n’avais jamais utilisé et n’utilisais pas ce mot d’évaluation, en tout cas pour les archives, tout en le connaissant.

Évaluation, dans le domaine des archives, est l’équivalent français de l’anglais appraisal. Il est apparu il y a quelques décennies, dans la littérature archivistique québécoise d’abord puis internationale et donc française. Pour mémoire, dans le Dictionnaire des archives Continuer la lecture

Qu’est-ce que les archives historiques? Définitions et théorie des quatre-quarts

Publié par Marie-Anne Chabin, 24 avril 2013

Il n’existe pas de définition légale des archives historiques

La loi française définit les archives comme « l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité » (code du patrimoine , article L211).

La loi ne définit pas les archives historiques mais laisse entendre ce qu’elles sont dans les derniers mots de l’alinéa qui suit la définition : Continuer la lecture