L’archivage a-t-il de l’avenir ?

Évidemment la réponse est OUI, l’archivage a de l’avenir parce qu’il n’a jamais été aussi important dans la société et dans les entreprises de veiller sur le devenir des données, de leur création à leur destruction. Et pourtant, l’archivage est loin d’être une évidence pour tous.

L’archivage est un geste fort

L’archivage est ce geste managérial qui conduit à mettre en sécurité les documents ou données qui engagent dans la durée, avec une règle de vie qui pilote leur qualité, leur stockage, leur pérennisation, leur accès et leur destruction un jour, au mieux des intérêts de tous. On disait autrefois « classer aux archives », c’est-à-dire transférer délibérément les documents importants dans un lieu sécurisé, pour s’y référer plus tard, à titre de preuve et de mémoire. Les anglo-saxons parlent de records (les documents enregistrés car dignes d’être enregistrés dans un centre de conservation), et de records management.

Précisions sur les exigences incluses dans la règle de vie :

La qualité des données semble une évidence mais il n’est pas inutile de le répéter : si on archive un document de mauvaise qualité, il ne deviendra jamais un document de bonne qualité. Si le document n’est pas authentique au moment de son archivage (c’est-à-dire dont l’auteur est identifié et sûr et dont la date est certaine), il sera très difficile d’établir a posteriori son authenticité. De même, si un document n’est pas fiable parce que sorti de son contexte, farci de sigles ou de formules inintelligibles, non validé, etc. il sera hasardeux de l’utiliser. Dès lors, pourquoi le conserver ?

Le stockage – qui n’est qu’une composante de l’archivage – renvoie au fait que tout document archivé est conservé physiquement quelque part, qu’il s’agisse d’un rayonnage pour les supports physiques ou d’un disque, un data center pour les fichiers numériques. Comment gérer un objet si on ne contrôle pas sa localisation ? La question est aussi celle de la territorialisation des données, ne serait-ce que par l’exigence du fisc français de conserver sur le territoire français les données qu’il peut être amené à contrôler.

La pérennisation est le corollaire de la durée de conservation : dès que la durée de conservation dépasse un certain nombre d’années, disons 10 ans en moyenne, les supports numériques requièrent des migrations de formats et/ou de supports pour continuer d’être lisibles et exploitables.

L’accès est la finalité même de l’archivage : à quoi bon archiver si ce n’est pas dans la perspective de consulter un jour les documents archivés ? À noter que l’accès à deux volets que sont, d’une part les droits d’accès, les habilitations (à gérer également dans la durée, ce qui est souvent mal fait), d’autre part, les outils qui permettent de retrouver le document précis ou l’information recherchée.

La destruction est le destin de la majorité des documents d’entreprise, au bout de 5, 10, 30 ans ou plus sauf si leur valeur patrimoniale suggère de les conserver parmi les archives historiques (voir sur ce sujet la théorie des quatre quarts des archives historiques).

Mais ce n’est pas tout : pour que ce geste soit toujours efficace, il faut que la démarche concerne l’exhaustivité des documents et données de l’entreprise qui portent une valeur de preuve ou de mémoire. Si des documents qui engagent la responsabilité de l’entreprise ne sont pas gérés (conservés, détruits conformément à l’environnement réglementaire et à ses intérêts), l’entreprise court un risque. Si, à l’inverse, des documents ou des données sont indûment conservés dans l’entreprise (les données personnelles notamment), elle court également le risque d’une utilisation malencontreuse ou tout simplement d’une sanction des autorités pour non-conformité à la loi ou au Règlement général pour la protection des données personnelles.

Donc l’archivage est tout sauf obsolète. Et pourtant, deux courants, pour ne pas dire deux « idéologies », observables actuellement dans la société semblent le menacer. La démarche d’archivage managérial est en effet prise en étau entre deux attitudes néfastes : celle de ceux qui veulent tout mettre dans le cloud et laisser les technologies capturer, diffuser, trier, déréférencer, etc. ; et ceux qui veulent tout collecter pour être trié après par des archivistes (des archives intermédiaires aux archives historiques). Ces deux attitudes extrêmes sont le ferment d’une déresponsabilisation dommageable des entreprises sur leurs écrits, les données qu’elles traitent et les documents qu’elles reçoivent.

Tout conserver, c’est ne rien archiver

Depuis près de trente ans, le développement des technologies numériques instille chez les utilisateurs cette idée que l’on peut tout conserver en informatique et qu’il est ringard de s’occuper d’autre chose que de produire des données selon ses envies et d’accéder à l’information selon ses désirs.

Cette invitation des outils à la paresse et à la négligence des utilisateurs est très séduisante : pourquoi s’embêter et se contraindre à des tâches fastidieuses puisque les technologies permettent aujourd’hui de tout stocker pour quelques euros de plus, de tout retrouver, de tout classer ?

Il y a là un amalgame fâcheux entre la capacité technologique à soulager l’humain dans des tâches fastidieuses ou minutieuses et la responsabilité humaine de constituer une mémoire fiable, cohérente et raisonnée de ses activités, mémoire contrôlée au sein de laquelle cette capacité technologique peut donner le meilleur d’elle-même.

Les outils seront d’autant plus efficaces que les écrits éphémères ou périmés seront éliminés au fur et à mesure de leur péremption. Tout conserver, c’est ne rien archiver. Tout conserver, c’est subir le stockage. Tout conserver, c’est laisser aux outils le soin de gérer – ou de ne pas gérer – les traces humaines.

Cette inféodation à la technologie conduit les individus et les entreprises à abdiquer la responsabilité de définir les règles de vie des documents et des données qui leur appartiennent. C’est un renoncement au droit de chacun à l’archivage conscient et délibéré de ce qui a du sens à être conservé, pour la preuve, pour la conformité ou pour la connaissance.

Et c’est sans compter avec :

  • les exigences légales de protection des données personnelles portées par le Règlement général pour la protection des données personnelles ;
  • les coûts énergétiques de la conservation du rien ou du nul ;
  • l’ambition légitime d’une mémoire (débarrassée de ses scories informationnelles) à transmettre à la génération suivante.

Si tout est archive, il n’y a rien à archiver

Une autre idée s’est incrustée dans les esprits depuis quarante ans, au moins dans le secteur public : « tous les documents naissent archives ».

Cette affirmation pose question. En effet, si les archives sont (au plan linguistique) le fruit de l’archivage de documents, autrement dit la conséquence du classement de ces documents aux archives, cette « génération spontanée » d’archives court-circuite la notion même d’archivage, en tant que geste volontaire et managérial de mise en archive. Si tout est archive, l’archivage n’existe plus.

Cette conception des archives s’appuie sur la définition légale française des archives, apparue en 1979 dans la loi sur les archives (3 janvier 1979) et inscrite depuis, légèrement modifiée, dans le code du patrimoine, art. L211-1. Le texte dit : « Les archives sont l’ensemble des documents, quels que soient leur date, leur lieu de conservation, leur forme et leur support, produits ou reçus par toute personne physique ou morale et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité ».

La formulation laisse une place à l’interprétation. En effet, « dans l’exercice de leur activité » peut être vu comme restrictif et viser les documents officiellement produits au titre de l’activité ; l’expression peut aussi être considérée comme un simple périmètre géographique et temporel de production : tout brouillon produit au sein d’un organisme public ou par un des collaborateurs de cet organisme est un document d’archives publiques, même s’il n’a jamais été validé ni diffusé.

Les prises de positions du Service Interministériel des Archives de France (SIAF) de ces dernières années optent clairement pour la seconde acception. Et sur ce plan, le secteur public influence en partie de le secteur privé ou parapublic.

Dire que tout est archive, cependant, ne signifie pas qu’il faut tout conserver. Les archivistes sont les premiers à dire que toutes les archives ne doivent pas être conservées et leur mission consiste en bonne part en la mise en œuvre des circulaires de tri diffusées par l’administration des Archives ou élaborées dans leurs organismes respectifs. La nuance est que la sélection est faite par les archivistes et que les services producteurs et propriétaires des documents et données produits ou reçus sont en quelque sorte dépossédés de la responsabilité d’archiver qu’ils avaient autrefois, avant cette loi ou avant son interprétation si étroite.

Cette position exclusivement archivistique ignore l’archivage en tant que tel, en tant que sélection motivée des documents à conserver par le propriétaire, et ce au nom du droit de regard des archivistes sur toute production documentaire, au cas où il y aurait quelques traces modestes, non essentielles pour l’organisme producteur mais potentiellement éclairantes pour l’histoire de cet organisme ou l’histoire de l’époque.

L’holoarchivisme n’est pas le seul moyen de conjurer cette crainte de rater un document croquignolet ou symbolique dans la constitution du patrimoine archivistique d’une collectivité publique. Il est possible de préserver la collecte éclairée d’archives non essentielles à la vie du service tout en laissant à chaque entité juridique la responsabilité de gérer sa production documentaire en fonction de ses obligations et des risques externes et internes à conserver ou à détruire. Ce moyen est d’appliquer la collecte en suivant la théorie des quatre quarts des archives historiques qui dissocie la collecte des archives historiques provenant des documents archivés au nom de l’organisme (gestion du cycle de vie des documents engageants) et la collecte des archives historiques complémentaire via une prospection active de l’archiviste auprès des acteurs de la collectivité auprès de laquelle il exerce son métier, tout comme un bibliothécaire ou un conservateur de musée repère et acquiert les objets susceptibles d’enrichir ses collections. Cette distinction serait même vertueuse pour l’historien car la provenance serait plus explicite et mieux documentée.

Défense et illustration de l’archivage managérial

Entre la tendance « user centric » des nouveaux outils proposés aux entreprises (l’utilisateur est en relation directe avec le cloud comme si l’information n’appartenait qu’à celui qui la manipule) et la tendance archivistico-historique du tout archive, les dirigeants d’entreprise peuvent se sentir confortés dans leur ignorance de l’archivage et dans leur négligence du devenir des données.

Or, de déresponsabilisation à irresponsabilité, il n’y a qu’un pas.

Il y a donc lieu, encore et toujours, de les alerter sur les enjeux du non-archivage et sur la nécessité d’élaborer des règles de création-conservation-destruction des données dans leur entreprise car ces données sont des actifs informationnels dont l’entreprise est comptable (accountable) devant ses actionnaires et devant les autorités. Ces dirigeants doivent intégrer une démarche d’archivage managérial dans le cadre d’une politique globale de gouvernance de l’information, avec les concepts managériaux de proportionnalité et de raisonnabilité.

Espérons que le Règlement général pour la protection des données personnelles fera avancer les choses (voir la table ronde du CR2PA sur ce sujet).

En effet, l’exigence impérative de documentation des processus et de fixation de durées de conservation des données personnelles va s’imposer à tous dès le printemps prochain. Qu’elles se trouvent dans des bases de données ou dans des documents, les données personnelles devront être gérées de près, qualifiées en regard des activités réelles de l’entreprise, stockées dans des lieux contrôlés, accédées selon des droits justifiés, sorties ou maintenues dans l’entreprise en application de règles motivées.

Pourquoi les dirigeants n’en profiteraient-ils pas pour étendre la démarche à tout type de données au moyen d’une politique globale d’archivage managérial. Les entreprises y gagneront en investissement et en crédibilité.

Le « tableau de gestion d’archives » : un frein à l’archivage

Le titre du billet met l’accent sur l’opposition essentielle entre les archives et l’archivage, entre le constat de documents accumulés qu’on appelle archives et l’acte managérial de mise en sécurité des documents qui méritent d’être conservés, acte désigné par le terme archivage.

Mon propos est de souligner cette opposition entre les archives statiques que l’on se propose de trier après coup (sur leur bonne mine ou en pensant à une certaine histoire), et l’archivage dynamique qui permet, au travers des geste managériaux et professionnels, de constituer au fil de l’eau des archives saines. Car, quoique l’actuelle loi française sur les archives et sa glose laissent entendre, il ne faut pas croire que les archives relèvent de la génération spontanée (les archives seraient tombées là de la main de quelque divinité) et que leur existence est préalable à toute démarche archivistique. Il est plus sérieux de penser, comme au temps jadis d’ailleurs, que les archives sont le fruit d’une « mise en archives » des documents jugés nécessaires à préserver par leurs auteurs, émetteurs, propriétaires et/ou gestionnaires, conscients de leur responsabilité vis-à-vis de ces documents et des informations qu’ils renferment.

L’expression « tableau de gestion » est une des expressions de base de la communauté des archivistes publics ; un archiviste est-il nommé quelque part, il se préoccupe tout de suite de savoir s’il existe un « tableau de gestion » et, s’il n’en trouve pas, d’en établir un, recensant les documents produits par l’organisation assortis de leur « durée d’utilité administrative ». Sans insister sur l’inconsistance propre de chacun des deux mots qui composent cette expression (un tableau.. la gestion…), je m’interroge toujours sur le succès du phénomène « tableau de gestion » car ce document de référence qui se veut un outil méthodologique pour organiser les archives d’une entité administrative m’apparaît surtout comme un instrument par défaut, ambigu, inadapté à la mise en œuvre de l’archivage dans une organisation, et, disons-le franchement, contraire aux pratiques du records management (archivage managérial). Cette affirmation exige, bien sûr quelques explications.

 

PETIT HISTORIQUE DU « TABLEAU DE GESTION D’ARCHIVES »

L’expression « tableau de gestion » appliquée aux archives apparaît pour la première fois dans le texte d’un document diffusé par la direction des Archives de France en 1993 (instruction relative aux archives des établissements publics nationaux conservées localement) et en 1995 dans le titre d’une circulaire de cette direction (« Tableau de gestion des archives publiques des compagnies républicaines de sécurité »). On recense par la suite 34 circulaires des Archives de France avec cette expression (source : https://francearchives.fr).

Mais ceci ne signifie pas que les instructions de l’administration des Archives ne parlaient pas avant 1993 de la « gestion des archives » ni qu’il n’existait pas de tableaux relatifs aux durées de conservation. Simplement, les mots n’étaient pas les mêmes : l’expression la plus courante, avant cette date était « tableau de tri » dont la première occurrence dans le titre d’une note date du 5 avril 1977 (projet de refonte des tableaux de tri des archives judiciaires). Le mot « triage », apparu au début des années 1960, a été abandonné ; on trouve néanmoins quatre circulaires diffusant des « tableaux de triage » entre 1988 et 1991.

Les autres expressions utilisées pour le tri et la gestion des archives dans le titre des circulaires, à partir des années 1960 sont (avec les nuances) : autorisation d’élimination – apurement des archives – conservation et tri – tri et conservation – versement, tri et conservation – tri et élimination – conservation et versement – conservation, tri et versement – traitement – tri et échantillonnage – tri et versement – tri, versement et conservation. À noter que la plupart de ces circulaires concernent les Archives départementales, et se rattachent au projet de révision du Règlement général des Archives départementales de 1921, décidé en 1958.

Les instructions les plus anciennes sont assez courtes et portent sur un type de document précis (ex : élimination des dossiers des voyageurs de commerce, en 1959). Dans les années 1970 apparaissent des annexes sous forme de tableaux (j’ai repris le titre du tableau et à défaut, celui de la circulaire) :

  • tableau de versement et de tri des archives des services extérieurs de l’Office national des forêts (16 juin 1972),
  • tableau de versement et de tri des archives des directions départementales de l’Agriculture et services rattachés (13 novembre 1972),
  • conservation et versement aux Archives départementales des archives des services extérieurs du ministère de l’environnement et du cadre de vie et du ministère des transports (22 juillet 1980),
  • tableau de tri des archives du Centre national pour l’aménagement des structures des exploitations agricoles (CNASEA) (21 mars 1984),
  • documents à verser aux Archives par les cours d’assises, cours d’appel, tribunaux de grande instance, tribunaux d’instance et de police et conseils de prud’hommes (25 janvier 1985),
  • documents à verser aux Archives par les établissements pénitentiaires (4 juillet 1985) [cette circulaire-là, j’ai eu le plaisir de la mettre en œuvre en son temps, avec le greffier de Fleury-Mérogis qui m’a beaucoup appris],
  • versement, tri et conservation des archives des services extérieurs du Trésor aux Archives départementales (10 décembre 1986),
  • tableau des délais de conservation des archives de la délégation régionale de l’Éducation surveillée (19 novembre 1987),
  • documents reçus ou tenus par les bureaux des hypothèques qui seront versés aux Archives départementales (21 juin 1988),
  • etc.

Ce qui transparaît clairement de ces titres est que l’objectif de cette réglementation est la collecte des archives historiques par les services d’archives publics. Ces tableaux ont pour but d’aider les archivistes (départementaux) a constituer des fonds d’archives historiques cohérents au plan national.

La forme des tableaux se cherche tout au long de ces années mais l’élément central est toujours la durée de conservation dans le service administratif et le devenir des documents à l’issue de cette durée, à savoir : conservation aux Archives, élimination ou tri. La durée de conservation dans le service était à l’origine, à mon avis, autant un « délai de versement » qu’une durée d’utilité administrative. Les quatre colonnes qui vont devenir la norme à la fin du XXe siècle sont :

Colonne n° 1. Catégorie de document ou de dossier concernée
Colonne n° 2. Durée d’utilité administrative des documents (DUA)
Colonne n° 3. Sort final des documents, C, D, T
Colonne n° 4. Observations

On peut remarquer qu’il n’y a pas de numéro d’ordre ou de codification dans ce modèle, alors que plusieurs des tableaux de tri des années 1980 en comportaient, permettant ainsi une identification plus facile des typologies documentaires concernées.

 

QU’EST-CE QU’UN « TABLEAU DE GESTION » AUJOURD’HUI ?

C’est la question que l’on se pose.

Et la réponse n’est pas limpide.

Ou plutôt, il existe plusieurs réponses qui mettent en évidence les différences de points de vue.

Une circulaire du Service interministériel des Archives de France, en date du 22 mars 2010 et visant à la centralisation et au partage des tableaux réalisés par les services d’archives qualifie les « tableaux de gestion d’archives » d’« outils précieux pour collecter les archives définitives et éliminer les documents dépourvus d’utilité administrative ou d’intérêt historique ou scientifique ». On voit que la formule est parfaitement conforme aux origines des « tableaux de gestion ».

Le Dictionnaire de terminologie archivistique des Archives de France (2002) en donne la définition suivante : « État des documents produits par un service ou un organisme, reflétant son organisation et servant à gérer ses archives courantes et intermédiaires et à procéder à l’archivage de ses archives historiques . Il fixe pour chaque type de documents les délai d’utilité administrative , délai de versement au service d’archives compétent pour les recevoir, traitement final et modalités de tri à lui appliquer ». Je note ici la nuance entre délai d’utilité administrative et délai de versement, même si le Dictionnaire note que les deux délais « coïncident en règle générale » sans autre précision. Je comprends là que le délai d’utilité est considéré ici comme un délai conventionnel, c’est-à-dire un laps de temps négocié pour des raisons pragmatiques, à distinguer d’une durée de conservation qui s’appuierait sur une règle juridique ou métier. Si durée et délai sont très souvent confondus, ce n’est pas systématique ; ainsi le délai d’utilité administrative des registres de délibérations municipales est de un an d’après une circulaire de 2009, alors que la durée de conservation est bien évidemment indéfinie, ces documents étant le document historique par excellence d’une collectivité territoriale.

Le même Dictionnaire propose une autre entrée pour « tableau d’archivage » : « document réglementaire établi par l’administration centrale des archives décrivant les types de documents produits par une administration, un service, une institution ou dans le cadre d’une fonction administrative, et fixant pour chacun d’entre eux le délai d’utilité administrative, le traitement final ainsi que les modalités de tri à leur appliquer ». La principale différence entre les deux définitions (chacune renvoie à l’autre sans détailler le pourquoi de la distinction) semble tenir dans l’auteur du tableau : n’importe quel organisme pour le « tableau de gestion », l’administration des Archives pour le « tableau d’archivage ». Cependant, la liste des titres des circulaires des Archives de France ne confirme pas cela.

Dans la présentation d’un stage intitulé « Concevoir un tableau de gestion » (programmé en mars 2017), l’Association des archivistes français indique comme objectif du stage de « savoir établir un tableau d’archivage, comprendre son utilité et sa fonction et orga­niser son application » : là, le « tableau d’archivage » n’a manifestement pas le même sens que dans le Dictionnaire de terminologie ci-dessus car le stage s’adresse à tous quand le « tableau d’archivage » devrait être réservé à l’administration centrale des Archives.

Dans le glossaire du Référentiel de gestion des archives, publié par le Comité interministériel aux Archives de France en octobre 2013 (document de présentation de l’intérêt d’une bonne gestion des archives dans l’administration ne comportant aucun tableau relatif au tri et à la conservation), le « tableau de gestion » est défini comme un « document formalisant les règles de gestion du cycle de vie (DUA et sort final) des documents et données produits par un service, rédigé en accord avec les instructions de tri, si elles existent, et validé par la personne en charge du contrôle scientifique et technique compétente ».

Les sites Internet des Archives départementales comportent parfois un glossaire ou au moins une définition du tableau de gestion. Par exemple, pour les Archives du Var : « Il s’agit d’un état de tous les documents, qu’ils soient sous forme papier ou électronique produits et reçus par un service. A ce titre, il reflète l’organisation de ce service. Il sert à gérer les archives courantes (dossiers servant à la gestion quotidienne des affaires, conservés dans les bureaux) et intermédiaires (dossiers n’étant plus d’usage courant mais conservés pour des impératifs de gestion et/ou juridiques à proximité des bureaux). Ainsi, il permet de procéder aux éliminations réglementaires ainsi qu’à l’archivage des archives définitives dites historiques qui seront, à terme versées aux Archives départementales ». Cette définition met en parallèle la destruction des documents périmés et la constitution d’archives historiques mais, malgré l’expression « il sert à gérer les archives courantes », on ne voit pas bien comment il est utilisé par les services producteurs pour autre chose que les éliminations réglementaires, ce qui est très restrictif dans la gestion documentaire et archivistique des services. Le « tableau de gestion » est avant tout et quasi exclusivement un outil d’archivistes.

Pour ma part, j’ai déjà pointé du doigt en 2014 cette ambiguïté dans la finalité du « tableau de gestion » dans le billet « Évaluation et tableau de gestion ». La question est : l’évaluation archivistique (« fonction archivistique fondamentale préalable à l’élaboration d’un tableau d’archivage visant à déterminer l’utilité administrative, l’intérêt historique et le traitement final des documents » selon le Dictionnaire déjà cité) vise-t-elle a produire le « tableau de gestion » ou n’est-ce pas plutôt le « tableau de gestion » qui doit servir de référence pour apprécier la valeur des archives que l’on rencontre ? Sur le terrain, la relation existe dans les deux sens, selon l’opération en cours (organisation en amont, traitement a posteriori). On observe toutefois ici et là la pratique d’élaborer un « tableau de gestion » pour une entité administrative supprimée, pour un fonds clos. Ceci peut surprendre car pourquoi organiser un tableau de référence qui ne servira jamais puisque l’évaluation des archives, dans ce cas de figure, porte sur un « tas » qui ne sera plus alimenté ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une opération unique visant à la production d’un inventaire, c’est-à-dire un instrument de recherche, et à l’élaboration de règles de gestion (même si certains documents existant lors de la dissolution du service devront être éliminés à moyen terme).

À noter que l’expression « tableau de gestion » est totalement absente du rapport Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives publiques à l’ère numérique, présenté à la ministre de la Culture par Christine Nougaret en mars 2017 (53 pages).

Quant à la page Wikipédia sur la gestion des documents d’archives, elle dit ceci : « un calendrier de conservation, appelé aussi tableau de tri, fixe la « durée de vie » des documents, en fonction de critères juridiques ou historiques. Il permet de déterminer la valeur d’un document (valeur primaire ou secondaire). La valeur primaire d’un document est la raison pour laquelle le producteur ou le détenteur d’un document doit le conserver pour des motifs administratifs, légaux ou financiers. La valeur secondaire découle de l’intérêt historique d’un document ». C’est l’expression québécoise (calendrier de conservation) qui est privilégiée. Le « tableau de gestion » n’apparaît même pas. Alors, si c’est Wikipédia qui le dit… 😉

 

TABLEAU DE GESTION ET RECORDS MANAGEMENT DOUBLEMENT ANTINOMIQUES

Il ressort de ces différentes définitions, au-delà des nuances, que le « tableau de gestion » est :

  1. un document de référence qui présente en général les documents en suivant l’organisation des services (cf supra: « documents produits par un service », « reflétant l’organisation du service ») ;
  2. qu’il est originellement et majoritairement conçu pour la sélection des archives historiques dans les Archives départementales.

Ces deux caractéristiques du « tableau de gestion » en font très clairement un instrument contraire aux principes fondamentaux du « records management ».

En effet, la démarche de « records management », expliquée dans la norme ISO 15489 parue en français en 2001 :

  1. insiste fortement sur l’exigence d’appréhender les documents à archiver dans le contexte d’une activité ou d’un processus global, et non par service, car chacun sait que les organigrammes bougent (et ils bougent encore plus vite au XXIe siècle qu’à la fin du XXe) ;
  2. exclut les archives historiques de son périmètre documentaire. le périmètre d’application du records management (de l’archivage comme acte managérial), comme l’énonce clairement la norme ISO 15489, est distinct de la sphère des archives historiques ; le records management a pour objectif de piloter le cycle de vie des documents qui engagent une organisation jusqu’à ce que ces documents ne présentent plus d’intérêt pour l’exercice des activités de cette organisation ; en revanche et bien évidemment, la mise en œuvre de ces règles peut prendre en compte la valeur historique des documents, pour les transférer à échéance dans un service d’archives historiques, ou même considérer la valeur historique des a pendant l’écoulement de leur cycle de vie (protection, pérennisation, consultation) ; des indications sur la valeur historique ou sur l’intérêt d’une analyse historienne à échéance de la durée de conservation figurent dans les retention schedules anglo-saxonnes mais l’objectif de ces tableaux est d’abord et avant tout le besoin de l’organisme producteur de disposer des documents archivés pour couvrir un risque contentieux ou répondre à une autorité, ou encore pour conforter la mémoire des équipes métier.

Heureusement, faute d’autres outils méthodologiques disponibles dans la communauté, un certain nombre d’archivistes, connaisseurs de la norme ISO 15489 ou simplement confrontés aux exigences d’archivage de leur entreprise ou de leur organisation, ont « aménagé » le tableau en ajoutant les colonnes et les données nécessaires à la mise en œuvre de durée de conservation et au suivi du cycle de vie des documents à conserver dans l’intérêt des organisations et entreprises propriétaires. Malheureusement il s’agit surtout d’initiatives individuelles (souvent réussies du reste) et je ne vois pas ce qui a été fait pour théoriser ces expériences et produire des modèles de « référentiel de conservation » pour l’ensemble de la profession. Si des études sont réalisées là-dessus, il faut croire qu’elles sont privées ou confidentielles car les réseaux n’en font pas état. Beaucoup d’autres archivistes, hélas, abandonnés à leur triste sort face à des montagnes de papier (et bientôt de fichiers numériques) toujours plus hautes, continuent à se battre avec le sacro-saint « tableau de gestion » sans oser percer l’abcès.

 

ILLUSTRATION

J’observe ce « phénomène » du tableau de gestion d’archives depuis plusieurs décennies, notamment au travers du forum des archivistes (archives-fr) créé sur Yahoo à la fin du XXe siècle (https://fr.groups.yahoo.com/neo/groups/archives-fr/info). On y trouve régulièrement des messages d’archivistes à la recherche de tableaux de gestion existants pour faciliter leurs propres travaux.

J’ai remarqué ces dernières années une tendance à des recherches de tableaux de gestion de plus en plus spécifiques. On pourra m’objecter que les questions généralistes étant déjà traitées, les archivistes sont naturellement conduits à s’intéresser à des sujets plus pointus ; certes, mais tout de même, le domaine de plus en plus resserré de la recherche et surtout l’exposé des motifs de la recherche interpellent.

J’ai constitué au fil de l’eau un petit corpus de la cinquantaine de recherches de tableaux de gestion des six dernières années. Elles concernent notamment :

  • une épicerie sociale (novembre 2011)
  • les ludothèques (janvier 2012)
  • un abattoir municipal (décembre 2012)
  • les ordures ménagères (mars 2013)
  • les aires d’accueil pour les gens du voyage (avril 2013)
  • les délégations territoriales de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (juillet 2013)
  • une école des Beaux-Arts (septembre 2013)
  • un syndicat intercommunal pour l’éclairage public (octobre 2013)
  • les plans locaux pour l’insertion et l’emploi (avril 2015)
  • les maisons de justice et du droit (juin 2015)
  • un crématorium (juin 2016)
  • un service municipal Information & Jeunesse (juillet 2016)
  • une association conventionnée du secteur pénal (octobre 2016)
  • les dossiers de licences de spectacles dans les DRAC (novembre 2016)
  • une association départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales (juin 2017)
  • les activités périscolaires (juillet 2017)
  • une piscine (juillet 2017).

Si on lit de plus près les messages des archivistes, confirmés ou stagiaires, à l’origine de ces demandes, on ne peut qu’être surpris du caractère relativement passif de la demande qui se résume en général à : « dans le cadre du traitement d’un fonds d’archives en cours, je cherche un tableau de gestion sur… ». Parfois, le demandeur précise qu’il a cherché une circulaire sur sa thématique mais n’en a pas trouvé, ou bien que celle-ci n’était pas assez détaillée. Dans quelques cas, il est indiqué que « nous avons été sollicités pour établir un tableau de gestion pour… » sans autre exposé de contexte ou de démarche.

Le flou de la finalité du « tableau de gestion » (sélection des archives historiques ou gestion du cycle de vie des documents d’un organisme) transpire de cet inventaire à la Prévert. On sent de manière sous-jacente , derrière l’archiviste, le besoin des services producteurs d’archiver, de conserver ou de détruire leurs dossiers. Pourtant l’appel à l’aide au « tableau de gestion » semble figé dans son expression.

Ce qui me frappe avant tout dans ce corpus, c’est l’absence de la notion de risque qui est pourtant le b-a-ba de l’évaluation des dossiers administratifs du point de vue du producteur, selon les principes du records management : on devrait logiquement mettre en archives ce qui mérite d’être conservé pour couvrir un risque demain ou après-demain, pour assurer sa responsabilité face à un tiers, pour conforter ses droits, pour prouver sa conformité à la réglementation (et non les dossiers accumulés qui ne servent plus). Cette préoccupation légitime et naturelle d’une entité juridique apparaît déconnectée du « tableau de gestion d’archives ».

Or, le simple fait de poser cette question du risque (à conserver ou à détruire les dossiers) permettrait de savoir, dans la majorité des cas, s’il faut archiver les documents ou non. La question de la conservation historique doit être décorrélée de la gestion de l’archivage dans le service, aujourd’hui plus encore qu’hier car aujourd’hui la production documentaire dans son ensemble est déréglée, tandis qu’autrefois (il y a cinquante ou trente ans) les archivistes pouvaient encore se fier à la rigueur administrative des services pour une production de qualité sur laquelle ils pouvaient sereinement poser une analyse historique.

Je déplore également l’absence récurrente d’une vision globale des activités d’une entité juridique responsable, comme si on oubliait que le contour d’un fonds d’archives est la responsabilité juridique d’une organisation et non le cadre du bureau du sous-service de la direction du département de… Ceci transparaît également dans la présentation, au même niveau, de documents majeurs en termes de risque et de documents internes de valeur secondaire, comme si toutes les archives se valaient. Un message met ainsi sur le même plan un « compte rendu de réunion d’expression libre » et « le PV de réunion du CHSCT ». À la décharge de l’archiviste, la pression du discours public ambiant, extrapolé de la définition légale des archives, qui veut que tout soit archives, même le moindre post-it…

Enfin, je déplore le manque d’esprit critique, tout au moins dans le corpus étudié. Un seul message « ose » s’interroger sur le bien-fondé d’une règle existante qui semble inadaptée à son environnement ; l’archiviste écrit : « Je m’interroge cependant sur l’opportunité de la conservation intégrale de ces documents [registres de brocanteurs], qui sont finalement assez volumineux ». Oui, la valeur d’archives historiques d’un document n’est pas figée sur son intitulé ; le volume, le contenu, le contexte, etc. jouent un rôle dans l’espace et dans le temps. L’archivistique doit aussi analyser cela.

CONCLUSION

Il y a réellement un malaise autour de ces « tableaux de gestion ». Ce malaise est dû au flou entretenu collectivement sur sa finalité. C’est aujourd’hui un outil bâtard qui fait marcher les archivistes de guingois. Un des messages postés sur le forum archives-fr l’an dernier est révélateur de ce flou : une archiviste écrit : « notre groupe de travail propre d’ajouter une colonne RM [records management] au traditionnel tableau de gestion des archives » pour « l’identification des documents pouvant être qualifiés de « records » ». J’avoue que j’en suis restée comme deux ronds de flan…

Il y a surtout une grande lacune de théorie et de formation archivistiques pour adapter la profession au contexte de la société de l’information.

Naguère (il y a quelques décennies), le plus gros contingent d’archivistes travaillaient dans les archives départementales ; il y a longtemps que les communes, les établissements publics, les syndicats, les agences, les associations, etc. regroupent les plus gros effectifs d’archivistes et que, dans ces structures-là, le besoin de maîtriser la masse documentaire, le besoin d’accompagner le cycle de vie des documents engageants l’organisme et le besoin d’être conforme à la réglementation sont prioritaires à l’identification des archives historiques. Prioritaire ne veut pas dire que les archives historiques de ces organismes n’auraient pas d’importance mais simplement qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. L’archivage managérial doit passer avant la sélection des archives historiques.

Dans la plupart des organisations, publiques et privées, on en est encore, pour la gestion des risques informationnels, au degré zéro de l’archivage. On laisse s’entasser les produits et sous-produits documentaires des activités sans prise de conscience de la valeur des traces écrites validées et diffusées, sans prise de conscience du risque attaché à cette diffusion, sans prise de conscience du fait que toute diffusion d’un écrit, en interne ou à l’extérieur, engage son émetteur. On appelle « archives », d’un mot aussi usurpé que vague, ces tas de documents et de données et, la masse étant finalement trop lourde, on finit par se dire qu’on devrait trier avant de jeter tout ce fatras, papier ou numérique. Et tout le monde, producteurs impénitents et trieurs invétérés, semble s’en accommoder comme d’une fatalité. Non, ce n’est pas une fatalité ! L’archivistique, c’est autre chose. Encore faudrait-il définir et accepter des objectifs plus ambitieux et mieux intégrés dans la vie des organisations.

Le « tableau de gestion d’archives » a vraiment besoin qu’on lui secoue les bretelles, tout au moins qu’on lui secoue les colonnes ! Il ne faudrait pas que la nouvelle génération d’archivistes continuent de s’y attacher comme à une bouée de sauvetage dans l’océan archivistique, car cela finirait vite en une profession qui dérive loin du continent des réalités…

Post-scriptum : Je n’ai pas eu particulièrement de plaisir à écrire cet article (personnellement, j’ai résolu le problème depuis un bon moment avec la méthode Arcateg) mais j’alimente ce blog conformément aux critères qui me l’on fait créer en 2013. Ceci dit, j’aurais aimé que ce sujet de fond soit l’objet (provocation en moins, bien entendu) d’un mémoire de master d’un étudiant en archivistique. Il n’est pas interdit de rêver…

Records management and Records management

par Marie-Anne Chabin

After my post entitled “What is a record?” two months ago, I went on thinking about records and records management.

As I did for records, I went through the ISO 14589 records management definition: “field of management responsible for the efficient and systematic control of the creation, receipt, maintenance, use and disposition of records, including processes for capturing and maintaining evidence of and information about business activities and transactions in the form of records” (refers to ISO 30300:2011).

I like this very good definition (I have repeated it and used it for fifteen years); but I decided to analyze it in relation with the world I work in and my own practice, looking for possible changes.

A good way to study a concept is to look at it after the translation of the words into others languages.

We have in French two main translations for records management, the old one and the new one: Continuer la lecture

Le record, la poule et l’œuf

Publié par Marie-Anne Chabin, 24 février 2014

Les records au sujet des œufs et des poules ne manquent pas : poule qui a pondu le plus d’œufs dans l’année, œuf le plus gros ou le plus petit, œuf le plus lourd, et autres événements extraordinaires dignes de figurer dans le grand livre des records.

Poule et oeufMais c’est bien sûr de l’autre sens de « records » dont je veux parler ici, celui du mot anglo-saxon que les professionnels de l’information français semblent affectionner si j’en juge par le nombre de fois où j’entends : « Quand faites-vous votre cours sur le record ? ». « Comment marquer le passage du document au record ? ». « Ce sont les métadonnées pour la conservation du record », etc.

Ce record-là se prononce en général avec un « r » qui roule un peu, un « e » tirant sur le « i » et un « d » prononcé, ainsi que le « s » final au pluriel ; il donne lieu à des variantes d’accentuation (syllabe initiale, finale), tout comme son associé « management ».

Je m’étonne toujours de l’engouement pour ce franglais et de la confusion qui l’accompagne. Est-ce pour sacrifier à la mode ? Est-ce parce que cela sonne bien ? Est-ce pour éviter de parler du fond ?

Toujours est-il que j’ai personnellement de plus en plus de mal à comprendre le sens précis que donnent à ce mot ceux qui l’emploient.

Il est vrai que, y compris en anglais, le concept peut paraître subtil et il achoppe notamment sur le moment de la « record creation ». Naît-on record ou le devient-on ? Un document est-il record par nature ou par destination ? Autrement dit, qu’est-ce qui prédomine dans le statut de record, les qualités intrinsèques du document ou le fait qu’il soit capturé ou enregistré (recorded) dans un système ? That is the question. Est-ce le record préexiste au système et que le système est créé pour accueillir le record ? Ou est-ce le système préexiste et crée les records ? C’est l’histoire de l’œuf et de la poule. Nous y voilà !

La réponse n’est pas tranchée parce que la question est mal posée. Continuer la lecture