Quelle est la part du bluff dans la collecte des données personnelles lors de la création d’un compte client en ligne, ou d’un compte utilisateur (c’est peu ou prou la même chose) ?

C’est la question que m’a suggérée récemment ma pratique des outils de visioconférence.

J’ai été amenée il y a quelques semaines, dans le cadre professionnel, à ouvrir un compte sur un outil de visioconférence dont on a beaucoup parlé pendant le confinement, d’abord pour son succès puis pour des fuites de données. Le processus de création du compte « gratuit » requiert la saisie des données d’identification de l’utilisateur : nom, prénom, adresse mail, ce qui n’engage pas à grand-chose, d’autant que, pour ce qui me concerne du moins, ces informations n’ont rien de privé. Mais l’écran suivant m’a titillée, surtout dans sa formulation : la société me demande ma date de naissance, ce qui est un peu plus personnel mais, pour ce qui me concerne encore, n’a rien de confidentiel puisqu’on la trouve notamment sur ma page Wikipédia. Ce qui m’a agacée, c’est que cette date de naissance est requise « À des fins de vérification« . Que faut-il comprendre ? Qui vérifie quoi par rapport à quoi ? Ce n’est sûrement pas pour un rapprochement avec les données d’un fichier national d’identification (au nom de quoi cela pourrait-il être ? Et pour prouver quoi ?) mais ce pourrait bien être par rapport au fichier d’abonnés d’un GAFA quelconque…

Cédant à la fois à la curiosité et à mon goût chronique pour les fausses identités, j’ai saisi des données fantaisistes (une nouvelle date de naissance que je n’avais pas encore utilisée), pour voir.

Je suis très déçue car je n’ai rien vu ! Ma supercherie est passée comme naguère une lettre à la boîte. Décourageant ! Ou peut-être rassurant finalement car cela voudrait dire que Facebook, où je n’ai pas et n’ai jamais eu de compte, ne me connaît pas malgré moi. Enfin, je verrai bien si quelqu’un me souhaite mon anniversaire la semaine prochaine…

Alors, un coup de bluff dans le but de collecter le maximum de données sur les internautes « à toutes fins utiles » ? Quelle autre explication ?

La mention « Ces données ne seront pas stockées », qui dégage un effluve de mensonge, ajoute à mon scepticisme. Est-ce à dire qu’elles seront vendues avant d’avoir lieu d’être stockées par la plateforme en question ?

En tout état de cause, cette pratique ne respecte ni l’esprit ni la lettre du Règlement général pour la protection des données personnelles (RGPD) et ce détail de « vérification de la date de naissance » n’est que l’arbre qui cache la forêt. Mais les entreprises américaines ne s’en soucient guère. Et si quelques gouvernements s’en préoccupent, les dizaines de millions d’utilisateurs ne s’en soucient pas davantage.

À partir du moment où l’outil est gratuit, le coût de la gratuité est de fait contractuel : il correspond au nombre de données que l’internaute accepte de donner pour utiliser le service. C’est une négociation même si la majorité des utilisateurs en a toujours très peu conscience.

Je serais bien curieuse de savoir également le pourcentage des dizaines de millions d’utilisateurs de cette application qui ont obéi à cette requête de la plateforme sans sourciller et saisi leur date de naissance, pour rien, absolument pour rien.

Cela me fait penser au différend du moment entre Donald Trump et Twitter, le premier reprochant au second de porter un jugement sur ses tweets. Mais de quoi se plaint Donald Trump ? Sauf erreur, il n’est qu’un utilisateur parmi les autres qui a signé les conditions générales d’utilisation. Personne ne l’a obligé à créer un compte sur Twitter pour sa communication. Il a imposé son style de gouvernement par tweets, c’est-à-dire en utilisant un outil GAFA au lieu d’un site gouvernemental (ce qui ne veut pas forcément dire un site moche, lent et pas convivial). Ce serait différent s’il avait fait voter à l’Organisation des Nations Unies une résolution obligeant les chefs d’État et de gouvernements à ne gouverner que via Twitter (ç’aurait été amusant…).

Ce ne sont là que des anecdotes de la sempiternelle confrontation entre les technologies et les comportements. Avec le droit, dans le rôle de l’arbitre. À suivre.

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