« Pour information » : c’est un peu long.

« PI » (sur le modèle du FYI anglo-saxon) est un peu court (et puis on pense à 3,1416, ou à « et pis quoi encore ? »).

« Pour info » : c’est bien. Quand c’est employé à bon escient.

Tout écrit, tout document, a une valeur d’information. Écrire dessus « pour info » simplement pour rappeler cela est superfétatoire. Le « pour info » a un sens précis, en tout cas avait.

Le « pour info » est d’abord utilisé dans l’administration pour qualifier les copies (copies carbones puis photocopies) établies en même temps que l’original et diffusées officiellement ou ouvertement à d’autres destinataires que le destinataire de l’original parce que, pour la bonne marche de l’administration, ces autres destinataires doivent avoir connaissance de la décision ou déclaration portée par l’original (en général un courrier). L’objectif n’est pas de déclencher une action en conséquence de cette information mais de compléter la documentation de ces autres acteurs en vue d’une éventuelle décision relevant de leurs compétences et en lien avec l’affaire.

Exemple : vous êtes le président de l’association de défense du camembert au lait cru. Votre association prévoit une manifestation avec distribution massive de camemberts et  lancé de camemberts sur la place publique ; il vous faut donc une autorisation. Le préfet (parce qu’il aime secrètement le camembert au lait cru, comme le prince Charles) prend un arrêté vous autorisant à manifester, avec « copie pour info » au chef de la police, « copie pour info » au responsable du service de nettoyage des rues et « copie pour info » au directeur des services vétérinaires (n’allez-vous pas diffuser des camemberts porteurs de microbes dangereux pour la santé publique ?).

Dans un deuxième temps, le « pour info » est une mention que le récipiendaire d’un document ajoute au document qu’il a reçu ou à la copie de ce document avant de le diffuser à des destinataires secondaires placés sous son autorité. C’est ce qui se passe classiquement dans les administrations et les entreprises où le courrier papier suit un circuit hiérarchique : le directeur, manuellement ou via un tampon qui liste les sigles des services ou les initiales des collaborateurs les plus proches en ordonnées et « pour action » ou « pour info » en abscisses, attribue le courrier et organise l’activité (« pour action ») et la connaissance (« pour info ») dans sa direction, ou plus largement dans son réseau. Ainsi, le délégué lillois de votre association pourra ainsi faire une copie « pour info » à son ami, président de l’association de défense du Maroilles !

Avec la messagerie électronique, ces pratiques volent en éclat : d’un côté, on ne distingue plus le « pour  info » du « pour action » car les logiciels prévoient le champ du destinataire, celui des personnes en copie, celui des copies cachées mais pas cette qualification de la copie. De plus, avec le jeu du « répondre à tous », les destinataires principaux et secondaires se retrouvent vite mélangés, de sorte que le distinguo n’est plus de mise. D’un autre côté, la technologie aidant, on fait des copies à tout va, pour un oui, pour un non, pour un peut-être, pour un au cas où. On multiplie les destinataires de ce qu’on envoie, on forouarde ce qu’on reçoit, on capture ici et on fait suivre là. Bref, on arrose, « pour info ».

Peu à peu, on voit s’esquisser une nouvelle typologie des copies de mails « pour info » :

  • le mail-bienveillance : tiens, j’ai telle info, ça peut vous intéresser.
  • le mail-cocorico : oyez, voyez, vous tous, sachez bien que, moi, j’ai dit ça et j’ai fait ça !
  • et le mail-parapluie : puisque le chef est destinataire, il ne pourra pas dire qu’il ne savait pas !

Après tout, ça ne coûte rien (enfin, c’est ce qu’on dit…).

2 commentaires

  1. De récentes études montre en effet que les copies de mail coûte plus cher à l’environnement qu’une impression papier (les serveurs ça consomme de l’électricité et ça chauffe). Une directrice d’une grande administration me disait l’année dernière qu’elle recevait 60 mails… par heure, pfouuhh. D’ailleurs en matière de chiffre sur les mails, c’est un peu la course au chiffre le plus effarant. Ce qui me fait imaginer parfois la boîte mail comme un vaste sable mouvant, où existe le risque qu’aucun mail, même le plus engageant, ne sorte vivant, pris au piège de la masse informe des « copies cachées ».

    • Vous avez raison, Vanessa, on n’a pas fini de dénoncer ce phénomène formidable (au sens de terrible). C’est ça la magie paradoxale du numérique : on arrose toute la journée et on se retrouve dans les sables mouvants où rien ne pousse ;-). Pour ma part, j’en remettrai une couche lundi prochain, plus radicale, bien que sans espoir excessif…

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