… et la suppression des cours de latin et de grec par la réforme du collège.

« Nous avons créé KissKissBankBank pour les créateurs, les inventeurs, les humanistes et les audacieux du monde entier. Allez au bout de vos idées, collectez des fonds pour réaliser vos projets » peut-on lire sur la plateforme de l’entreprise.

Ulule, créé en 2010, est le concurrent qui monte ; on note, parmi les projets-phares portés par Ulule et relayés par les médias, le projet de sauvetage de Nice-Matin lancé par les salariés du journal et la rénovation par le Musée d’Orsay du tableau L’Atelier du peintre de Gustave Courbet.

Des milliers de projets (même si tous n’arrivent pas au bout), des centaines de milliers de contributeurs, des millions d’euros collectés. La plateforme retient entre 5 et 8% des fonds collectés par les projets réussis pour son propre financement, soit à peu près le même taux qu’une société de portage pour les consultants indépendants qu’elle gère. Normal.

Les plateformes de micro-financement ont le vent en poupe et cela est hautement réjouissant car les utilisations de la technologie et des réseaux au service de la démocratie sont suffisamment rares pour être saluées. L’expression la plus courante pour traduire en français le concept anglo-saxon de crowdfunding est « financement participatif » mais n’est-ce pas une tautologie ? Peut-on financer quelque chose sans y participer ? Micro-financement est plus descriptif. On pourrait dire aussi financement populaire ou démofinancement (demos = le peuple en grec).

Ce système est un levier d’engagement dans la société, un levier démocratique, car il permet la mise en relation de porteurs de projet et de personnes intéressées, enthousiastes et volontaires pour s’investir dans un projet, quel que soit sa nature. Il s’agira de réaliser un rêve (dans ce cas le contributeur se paie un rêve par procuration et c’est déjà pas mal) ou de pallier la défaillance des institutions et l’incurie des pouvoirs publics dans la réalisation ou la maintenance de missions d’intérêt public (là, les contributeurs qui sont aussi contribuables paient deux fois, mais c’est sans doute un moindre mal et on peut espérer que les porteurs de projet de KissKissBankBank et Ulule gaspillent moins que les bureaucrates).

Exemple avec la réforme du collège en cours. Le ministère a décidé de bazarder l’enseignement du latin et du grec, ce qui apparaît à beaucoup comme la perte d’une opportunité d’accéder à un savoir et à un savoir-faire utile dans la vie. Les protestations des opposants sont légitimes ; la tribune ironique (« Pour en finir avec le latin et le grec ») du philosophe Pascal Engel, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, parue dans Libération le  9 avril 2015, est éclairante, mais ce sont des mots, rien que des mots, lesquels n’arrêtent pas les politiques.

Je propose donc quelque chose de concret pour réagir de manière aussi démocratique qu’efficace à la disparition programmée de l’enseignement du latin et du grec à l’Éducation nationale : concevoir un MOOC pour un apprentissage vivant et coloré de ces deux langues qui sont moins mortes qu’on ne le dit, et financer le projet sur KissKissBankBank ou Ulule. Si tous les protestataires versent leur obole, c’est quasiment gagné côté budget. Sur le plan du contenu, il suffit que quelques-uns s’entendent sur la pédagogie du MOOC et relèvent leurs manches. C’est loin d’être insurmontable et assez sympathique (je parle en connaissance de cause). Je m’engage à participer, aux plans financier, voire pédagogique, du projet et je gage que ce MOOC touchera 500 000 personnes. À suivre ?

Vive KissKissBankBank ! Vive Ulule !