La pellicule photographique a pratiquement disparu des rayons des magasins et des sites marchands. Le film argentique a été définitivement « impressionné » par l’éclat du numérique. Trop « sensible », il n’a pas tenu le choc devant la déferlante des zéros, des Huns et des pixels…

À quelques années d’intervalle (2010, 2013), les deux géants de la pellicule, Kodak et Fuji, ont cessé la fabrication des pellicules photos : les mots Kodachrome, Fujicolor et pelloche noir et blanc sonnent comme des choses d’antan. Après un siècle de développement et de démocratisation, la pellicule photo cède la place à la technologie numérique plus rapide, plus productive, moins chère, moins exigeante aussi (l’ami qui pense pour vous…).

Mais la pellicule ne va pas disparaître car elle a des atouts que le numérique n’a pas. Ses nuances de sensibilité et d’exposition procurent aux amateurs, aux esthètes, aux artistes, des joies inégalées : préparation de la prise de vue, émotion quand le révélateur est à l’œuvre, netteté du grain, atmosphère de l’image. Le numérique séduit par sa docilité et sa profusion mais cela ne fait que renforcer la nostalgie des connaisseurs de la photo argentique. Laissant au numérique la production ordinaire des images professionnelles et personnelles, la pellicule photo devient extra-ordinaire. Et il en va de même pour la pellicule film en raison de la qualité visuelle qu’elle procure. Steven Spielberg n’a-t-il pas déclaré préférer la pellicule au numérique pour sa pureté ?

Et il n’est pas le seul. Il y a donc un avenir, même restreint, pour la pellicule. Un avenir de qualité et de plaisir.

De la même façon, le courrier électronique a pratiquement supplanté le courrier papier qui subsistera avec une valeur ajoutée de solennité, de confort visuel, de secret, d’intimité…

Le scénario est récurrent dans l’histoire des techniques :

  • au XVIe siècle, le livre imprimé remplace le manuscrit comme support de diffusion de la connaissance mais le manuscrit se maintient comme support de consignation des idées et d’élaboration des livres ;
  • au milieu du XXe siècle, le journal télévisé a concurrencé le journal radiodiffusé ; on aurait pu croire la fin de la radio arrivée (c’est tellement mieux avec l’image !) et il n’en a rien été ;
  • la voiture à cheval a été remplacée par l’automobile mais le cheval a toujours un rôle important dans la société, avec un statut revalorisé pour le sport et les loisirs ;
  • le pain industriel a envahit le marché jusqu’à ce que le consommateur se remette à apprécier les petites boulangeries qui proposent des pains artisanaux et goûteux, ou alors à fabriquer lui-même son pain, ajoutant le plaisir de la création à celui de la dégustation ;
  • le réfrigérateur a équipé tous les foyers en quelques décennies mais voici qu’on reparle de la conservation « naturelle » des aliments ;
  • etc.

Le numérique n’échappe pas à la règle, même si certains lui prêtent le pouvoir de tout balayer et d’éradiquer l’analogique. Le vrai progrès n’est pas dans la technologie mais dans la capacité à préserver le meilleur équilibre entre les outils et les objectifs.