Petit drame.

Le mot dramaticule a été inventé par Samuel Beckett (1906-1989) pour qualifier une pièce de théâtre très courte. Le dramaturge avait décidé vers la fin de sa carrière d’écrire des pièces assez brèves pour ne pas ennuyer son public. Catastrophe et autres dramaticules paraît en 1982 ; la brièveté des textes n’est pas liée à une création de moindre importance mais au fait que le récit dramatique est concentré, resserré sur l’essentiel.

Dramascule est la contraction de drame et de minuscule, mot forgé par les traducteurs de l’auteur autrichien Thomas Bernhard (1931-1989) qui a écrit en 1988, vers la fin de sa vie lui aussi, des Dramolette (terme allemand, avec le diminutif « ette », comme dans le français piécette). Le propos de Bernhard est d’utiliser un récit banal de la vie quotidienne (un repas, un accident de voiture…) pour révéler les sentiments d’une population autrichienne nostalgique de la période nazie quarante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Les deux mots ont résonné dans ma tête à la lecture d’un fait divers dans l’actualité de la fin juillet : la mort du lion Cecil. J’hésite entre dramaticule et dramuscule mais le scénario comporte les ingrédients du genre.

L’intrigue. Un riche Américain se paie un safari en Afrique. Il tire (à l’arc). Le lion est mort. La nouvelle se répand. Le public des réseaux sociaux pousse une grande clameur et demande la tête du chasseur. Les politiques, la justice et la presse essaient de suivre…

C’est un fait banal au sens de quelque chose qui se produit régulièrement tout autour de la planète : des animaux tués à la chasse, des animaux abattus en dehors de la réglementation nationale et internationale pour des raisons de trafic de fourrure ou d’ivoire, des animaux maltraités, des animaux tués tout court (sans justificatif particulier).

C’est une histoire bien circonscrite avec deux points violents : le coup qui tue le lion, le point climax du lynchage médiatique du chasseur.

C’est surtout un révélateur de sentiments et comportements humains, révélateur d’une hypocrisie récurrente que les réseaux sociaux ne font que mettre en lumière. Au signal, des masses d’internautes se précipitent sur la toile pour aboyer, le plus souvent anonymement, ici pour défendre la nature majestueuse et lointaine. Un moyen économique de se dédouaner, à ses propres yeux au moins, d’avoir ici et là manqué de respect à la nature et à ses êtres vivants dans la vie de tous les jours. Se donner bonne conscience d’abord. Les réseaux sociaux sont un exutoire. Que des Zimbabwéens – qui n’ont pas la chance d’être des stars félines – crèvent de soif ou galèrent au quotidien pour vivre, tout le monde s’en fout. Il faut préciser que Cecil, figure du panthéon des grandes causes environnementales, vivait physiquement au Zimbabwe (qui se trouve quelque part, loin des États-Unis…).

L’homme est un lion pour l’homme (Homo homini leo est).