La sous-traitance est devenue un rouage très important de l’économie. Or on n’en mesure pas toujours toutes les conséquences.
Mais peut-on tout sous-traiter ?
Oui, à condition cependant d’être en position ou en responsabilité de traiter ce qu’on veut sous-traiter. Car comment sous-traiter ce qu’on ne traite pas ?
Aurait-on idée de donner un sous-titre à un document qui n’a pas de titre ?
Imaginerait-on de sous-louer un appartement qu’on ne loue pas ? Hum… Ce deuxième argument n’est pas convaincant car, justement, on trouve des petits malins qui tirent un loyer d’un squat ou des parties communes d’une copropriété… Ce n’est pas un modèle à suivre. Ce n’est pas non plus une sous-location à proprement parler.
Revenons à la sous-traitance.
La sous-traitance, c’est tentant. C’est vrai, pourquoi faire ce qu’on peut faire faire par les autres ?
La sous-traitance est un sport en vogue, un sport de cols blancs qui n’est cependant pas dénué de risque, à plus ou moins long terme.
Dans un premier temps, il y a le risque de ne plus avoir la main sur ce qui est fabriqué. Ne vous êtes-vous jamais demandé, à propos de votre sous-traitant : « Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? » J.
Outre la qualité du produit – plus exactement les défauts de qualité – les risques se situent dans la dilution de la responsabilité (la fameuse sous-traitance en cascade), avec les incertitudes sur le respect du droit du travail ou de la santé des employés (de la santé au travail) par les sous-traitants du sous-traitant. Loin des yeux, loin du cœur (et il n’y a pas que les maladies cardio-vasculaires…).
À plus long terme, avec le besoin de mémoire différé, on retrouve la question de l’archivage (voir la question du temps différé dans l’archivage). Je crains que la majorité des entreprises qui sous-traitent n’aient pas encore bien compris que les documents issus de la sous-traitance sont –sauf disposition expression – leur propriété et engagent leur responsabilité. Ces documents possèdent une valeur de traçabilité de la fabrication, mais aussi de justificatif de dépenses et encore de preuve que ce qui a été fait a bien été fait comme cela devait être fait, en application de la réglementation en vigueur à la date de la production, ou du moins dans le respect de l’état de l’art. Or, dans le domaine immobilier, de l’environnement, de la santé, voire d’un « simple » audit, on parle facilement en décennies.
Un beau jour arrive où un avocat, un auditeur, un responsable de projet cherche le document qui prouve que les choses ont bien été faites comme elles devaient l’être. Et c’est là qu’arrive la question qui fâche : où est le document ? Qui l’a archivé ? Qui était chargé de le conserver ? Qui a pensé à préciser dans le contrat de sous-traitance les responsabilités d’archivage entre l’entreprise cliente et le sous-traitant ? Qui a pensé que la conservation a un prix et qu’il est préférable d’anticiper cette dépense plutôt que d’attendre que les papiers soient moisis ou que les données soient illisibles ?
Eh oui, la sous-traitance mérite d’être gérée avec soin dans la perspective du risque documentaire.
Sans parler de l’ennui de l’ingénieur qui passe tout son temps à rédiger des cahiers des charges et à relire des livrables de sous-traitants, alors qu’il a compétence et appétence pour le travail sous-traité. Encore une illustration de la déchéance de rationalité…
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